Sur la petite dune de Mauritanie où il observe l’oasis qui l’a vu grandir, l’avancée du désert est saisissante. Les arbres sont peu à peu engloutis par une masse de sable qui dévore tout.
A Azougui, près d’Atar, à environ 450 km au nord-est de la capitale Nouakchott, les habitants se préparent à la Guetna, la récolte des dattes.
Cet événement populaire, enraciné dans une longue tradition nomade, voit les enfants du pays retourner au village pour la collecte de ces petits fruits sucrés, la principale richesse de la région. Les grandes fêtes familiales sont organisées à ce moment-là. «Vous passez de 10 à 1.000 amis», résume gaiement un habitant.
Alors quand un palmier périt, c’est un peu de la vie de chaque village qui s’éteint.
«A cause du sable, les gens sont obligés de s’installer ailleurs, parce qu’ici, il ne peut plus y avoir de récolte», déplore, la voix chevrotante, M. Haimoud, président de l’association de gestion participative de l’oasis.
Près de 20.000 palmiers sont morts depuis les années 80 et son village se vide chaque année davantage, dit-il. L’Etat a bien tenté de freiner la désertification en plantant des arbres censés repousser les assauts du sable, mais la variété choisie, des prosopis, a provoqué un assèchement accru des sols, fragilisant davantage les palmiers alentour.
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A 70 km plus au sud, l’oasis de M’Heiret, écrin de verdure au coeur du désert, a aussi été décimée. Environ 6.000 palmiers, affaiblis par des années de sècheresse, ont été emportés il y a deux ans par la crue massive d’un oued - un cours d’eau qui se forme épisodiquement pendant la saison des pluies.
Les palmiers gisent à présent sur le lit de la rivière, complétement asséchée à cette époque de l’année. «Cet endroit était plein de palmiers», regrette Amou Dehah, qui était maire du village à ce moment-là. «Leurs propriétaires sont toujours là mais il ne leur reste plus rien».
«Notre seule ressource pour vivre»
«S’il n’y a plus de palmiers, il n’y a plus de travail. S’il n’y a plus de travail, il n’y a plus d’argent», souffle-t-il.
«Il faut trouver une solution. Sans ça, les gens vont vivre ailleurs car c’est notre seule ressource pour vivre», explique-t-il.
A ses côtés, Mohamed Mahmoud Ould Brihm, 56 ans, s’inquiète pour ses cinquante palmiers, transmis de génération en génération et proches de l’oued. «Bien sûr que j’ai peur de tout perdre. J’ai même peur que ma maison soit détruite», dit-il.
Les habitants de cette petite localité, renommée pour la qualité et la variété de ses dattes, plaident pour la construction d’un barrage, qui servirait selon eux de rempart contre de nouvelles pluies torrentielles et créerait des conditions favorables au maraîchage.
«Le barrage est la meilleure solution», estime Houdy Sidina, professeur de biologie et d’agronomie à l’université de Nouakchott. «Il permet de lutter contre la sécheresse, d’alimenter les palmiers par l’irrigation et de lutter contre les inondations».
Il cite comme exemple dans la région le barrage de Seguelil, inauguré en 2019, qui irrigue les oasis en permanence et a transformé la vie des populations locales.
L’Etat a aussi amélioré les systèmes d’irrigation, fourni des panneaux solaires ou fait planter de nouveaux palmiers dattiers offerts aux cultivateurs pauvres, souligne Sidi Ahmed, président du réseau associatif de développement durable des oasis.
Dans son jardin d’une vingtaine de palmiers, près d’Atar, Moustapha Chibany cueille une datte et la porte à sa bouche. Succulente. «Moi, ce qui m’intéresse, ce n’est pas l’aspect économique, c’est l’amour des dattes. Sans elles, il n’y aurait pas de vie ici, dans des conditions si hostiles», dit-il.
Selon lui, c’est avant tout par le partage des techniques les plus efficaces, la lutte contre le gaspillage et la valorisation d’espèces de meilleure qualité que la filière pourra se relancer et faire face à la concurrence des dattes venues du Maghreb.