Niger: le cousinage à plaisanterie, identité culturelle séculaire et sérieux facteur de cohésion des communautés

Le 05/02/2023 à 15h30

VidéoAu Niger, la parenté à plaisanterie, comme dans bon nombre de pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre, est un véritable facteur de cohésion intercommunautaire. Elle est promue afin que cet héritage ancestral puisse être légué à la postérité dans un monde où les communautés sont de plus en plus divisées.

Si des siècles durant il existe une véritable coexistence pacifique entre parents, groupes ethnies, ou clans vivant sur le territoire nigérien, c’est surtout grâce à des valeurs telles que le cousinage à plaisanterie ou encore la parenté à plaisanterie.

Ce cousinage contribue au règlement pacifique des différends intercommunautaires.

Comment se manifeste cette pratique? «Moi je suis un ‘’Bogobri’', et dans le cousinage à plaisanterie, je suis parent de Djerma, Songhaï, Touareg, Gourmantchés, Yoruba, Arawa... on se doit d’être unifiés dès qu’on déclare son identité en face d’un groupe ethnique avec lequel on est en relation par la parenté à plaisanterie», explique Chef Chako, enseignant chercheur. «Je rencontre rarement des litiges qui opposent deux parents à plaisanterie. Ils règlent généralement les différends à l’amiable. Il se trouve souvent même qu’en plein jugement, les partis opposés se rendent compte qu’ils sont parents à plaisanterie, ils laissent tomber l’affaire, se demandent pardon et passent à autres choses. Donc, vous voyez, nous tirons d’énormes avantages de cette pratique», déclare Inoussa Askou, chef de village.

La parenté à plaisanterie existe au Niger pratiquement entre toutes les ethnies ou groupes sociaux. Elle tire généralement ses origines d’histoires ou événements communs survenus entre chaque parents à plaisanterie.

«La parenté à plaisanterie est une pratique séculaire qui a été instituée par nos aïeux en vue perpétuer la cohésion sociale. Contrairement aux idées reçues, la parenté à plaisanterie repose sur trois principales fonctions: en premier celle qui permet le défoulement, en second la fonction affinitaire, et troisièmement la fonction unitaire», explique Moumouni Maman Sani, spécialiste de la parenté à plaisanterie. «Je suis griot, mais grâce à la parenté à plaisanterie je peux adresser, sans aucun risque toutes sortes, de paroles même au roi s’il se trouve être mon parent à plaisanterie. Donc vous voyez à quel point la parenté à plaisanterie est importante pour le vivre ensemble», explique Mahamadou Idi, griot.

Le cousinage à plaisanterie est une richesse sociale qu’on retrouve au-delà des frontières nigériennes notamment au Mali, au Sénégal, en Mauritanie, et bien d’autres pays. Il est une évidence que les conflits entre parents à plaisanterie sont les moins difficiles à traiter, notamment au niveau des chefferies traditionnelles.

Par Aboubacar Sarki (Niamey, correspondance)
Le 05/02/2023 à 15h30