Nucléaire civil: le Sénégal ne cache pas ses ambitions

Dans un laboratoire de l’Institut de technologie nucléaire appliquée de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar.

Le 28/05/2025 à 11h00

VidéoPour se doter d’un plan quinquennal de recherche sur les applications civiles des technologies nucléaires, l’Institut de technologie nucléaire appliquée de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar organise un séminaire dont les recommandations devront également servir d’aide à la prise de décisions politiques.

Directeur de l’Institut de Technologie Nucléaire Appliquée (ITNA) de Dakar, le Pr Oumar Absatou Niass tient un discours rassurant, presque militant, en faveur du nucléaire civil. Pour lui, «les gens ne doivent plus avoir peur du nucléaire, car il existe un nucléaire pacifique qui sauve des vies».

Il insiste notamment sur les nombreuses applications bénéfiques de cette technologie dans le domaine de la santé, de l’agriculture et de l’industrie. «Les physiciens nucléaires sont à la base de la radiothérapie, qui permet de détruire les tumeurs cancéreuses. Ce sont des avancées concrètes que nous utilisons déjà au Sénégal», explique-t-il.

Et d’ajouter que les isotopes radioactifs sont aussi utilisés pour assainir les produits alimentaires, mieux gérer les ressources en eau ou encore améliorer les rendements agricoles grâce à l’irradiation contrôlée des semences.

«La jeunesse s’implique pour un nucléaire au service du pays», soutient Oumar Baba Dia, étudiant en doctorat à l’ITNA, témoignant l’engagement croissant des jeunes chercheurs sénégalais pour une science au service du développement.

«Il y a un véritable engouement à Dakar. De plus en plus de jeunes s’enrôlent dans les filières du nucléaire appliqué, car ils comprennent que cette technologie peut transformer durablement notre pays», affirme-t-il.

Les jeunes générations ne voient plus le nucléaire uniquement sous l’angle de l’arme de destruction, mais comme un outil stratégique pour bâtir l’avenir du Sénégal. Dia cite en exemple les avancées déjà connues dans les domaines de la médecine, du contrôle de qualité dans les industries ou encore de l’analyse des sols agricoles.

Momar Ndao, président de l’Association des Consommateurs du Sénégal (ASCOSEN) aussi soutient le nucléaire civile tout en rappelant certaines précautions. «Oui au nucléaire, mais avec des garde-fous!»>.

Si les bénéfices du nucléaire civil sont bien réels, ils ne doivent pas faire oublier les exigences en matière de sécurité et de transparence. C’est en tout cas la mise en garde formulée par Momar Ndao. «Nous devons accompagner ces avancées, mais aussi veiller à ce qu’il n’y ait aucune conséquence fâcheuse pour les populations ou pour l’environnement», alerte-t-il.

Il plaide pour un renforcement des moyens alloués aux structures de régulation et un contrôle rigoureux de l’usage des technologies nucléaires. «Il faut que l’État équipe l’ITNA et les instances de contrôle en matériels adéquats pour garantir la sûreté nucléaire».

À l’heure où l’ITNA organise son premier séminaire national les 27 et 28 mai 2025, avec pour ambition de bâtir son Plan Stratégique quinquennal, le Sénégal semble vouloir franchir une nouvelle étape. Experts, chercheurs, décideurs politiques et acteurs de la société civile y prennent part pour débattre du rôle du nucléaire civil dans le développement durable. Il ne s’agit plus d’un débat scientifique réservé aux seuls techniciens, mais d’une question de société, qui engage tous les citoyens.

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 28/05/2025 à 11h00