Ils étaient des milliers, jeunes Rwandais et visiteurs venus d’Afrique, à s’élancer dans les rues de Kigali, guidés par une même promesse silencieuse: se souvenir et transmettre. Aux côtés du président Paul Kagame, ils ont arpenté les rues encore empreintes de l’histoire douloureuse du pays, dans une marche où chaque pas résonnait comme un battement de cœur contre l’oubli.
Wendy Demano Dounang, une jeune camerounaise étudiante à Kigali a tenu à participer par soif de compréhension. Pour elle, cette marche fut bien plus qu’un simple geste symbolique. «C’est ma toute première fois au Rwanda. Marcher avec le président, découvrir ce que les Rwandais ont traversé en 1994, comprendre l’ampleur des pertes, des souffrances, des vies brisées... m’a ouvert les yeux sur l’importance profonde de la commémoration.»
À l’arrivée, à la BK Arena, les jeunes ont allumé des bougies. La lumière vacillante semblait lutter contre l’obscurité, tout comme la mémoire résiste au temps. Puis vinrent le temps dédié aux témoignages; poignants, déchirants. Émilie Imena, une jeune Rwandaise, avoue que ces récits sont, pour elle, le cœur battant de la commémoration.
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«Même si c’est triste, ces témoignages nous rappellent que le génocide des tutsi est une réalité. Quand on voit les larmes dans les yeux des survivants et qu’on entend leurs cris, on comprend que ce drame a laissé des blessures irréparables. Il faut tout faire pour que cela n’arrive plus jamais.»
Mais ce qui frappe peut-être le plus, c’est la force de pardon que portent ces survivants. Une leçon de courage et d’humanité qui, pour Émilie, remet en perspective les épreuves du quotidien. «Comment peuvent-ils pardonner après tant d’horreur? Nous, les jeunes d’aujourd’hui, nous nous plaignons pour si peu.»
Dans cette nuit de souvenirs et de promesses, Bryan Aurel Bakongo, un autre jeune étudiant camerounais, a puisé lui aussi une conviction: l’histoire ne doit pas se répéter. «Il est vital de cultiver la tolérance, de comprendre que nos différences sont une richesse, pas une menace. C’est ainsi qu’on construit un avenir solide.»
Ce soir-là, à Kigali, il ne s’agissait pas seulement de pleurer les morts. Il s’agissait de faire vivre leur mémoire, de refuser l’indifférence, et de semer, dans le cœur des jeunes, la force d’un futur meilleur. Car parfois, marcher ensemble dans le silence est plus fort que mille discours.
L’une des marches de la mémoire les plus symboliques se déroule le 11 avril de chaque année. Le jour où les troupes de la MINUAR (Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda) ont abandonné des milliers des Tutsis sans défense aux mains de milices Interahamwe à l’École Technique Officielle (ETO) Kicukiro. Après cet abandon, les Tutsi qui étaient dans cette école ont été conduits au sommet de la colline de Nyanza pour être tués, d’où la marche de la mémoire du 11 avril.