Sénégal. Les maraîchers de Warouwaye nourrissent les Dakarois, la peur au ventre

Un des maraîchers de Warouwaye, Dakar.

Le 19/07/2025 à 10h03

VidéoA Warouwaye, sur le littoral de Dakar, les maraichers produisent oignon, tomate, chou, laitue... Ces producteurs sont pourtant menacés d’expulsion dans une ville où l’agriculture périurbaine répond à 60% de la demande dakaroise en produits frais et représente 40% de la production nationale.

«On cultive de l’oignon, des choux pommés, de la laitue, de la betterave… même le blé a été testé ici. Beaucoup pensent qu’à Dakar il n’y a plus d’espace pour cultiver. C’est faux! Cet espace existe mais reste méconnu parce que certains disent à l’État que ce lieu est une forêt classée, qu’il n’y a rien ici. Alors que c’est tout le contraire», explique Boubacar Koréa, chargé de la communication de la coopérative des maraîchers de Warouwaye.

Loin d’être un simple champ en bord de mer, Warouwaye alimente une grande partie des ménages dakarois. Cette assertion s’inscrit en droite ligne avec plusieurs études dont «L’agriculture urbaine et périurbaine en Afrique et à Dakar» selon la quelle ce type de production «répond à 60% de la demande dakaroise en produits frais et représente 40% de la production nationale». Au niveau continental, 80% des produits périssables proviennent de zones situées à moins de 50 kilomètres des villes, selon la même source.

Mais depuis quelques années, la menace plane sur ces producteurs. Des autorités et des promoteurs immobiliers convoitent ces terres. «Nous sommes menacés depuis 2020. Des sociétés veulent vendre ces terres en parcelles de 150 m², à 40 voire 50 millions de francs CFA chacune. Mais ces parcelles, ce sont nos champs. On veut nous faire partir sans aucune compensation. Ce n’est pas normal», a dénoncé Boubacar avec amertume.

Pour ces maraîchers, perdre Warouwaye c’est perdre bien plus qu’un espace de travail. Selon Ousseynou Sarr, c’est mettre en péril l’équilibre alimentaire de Dakar. «Si ces espaces disparaissent, ce sera catastrophique. Avec nos légumes, on nourrit la population. Sans ces champs, il faudra acheter plus cher… et tout le monde en souffrira», a alerté le maraîcher, la mine préoccupée.

Ces agriculteurs, engagés dans ce combat depuis cinq ans, ne savent plus vers qui se tourner.

Pour les soutenir, le député Guy Marius Sagna s’est rendu sur place. «Si, à la place des périmètres maraîchers, on construit des maisons et des routes, l’autosuffisance alimentaire sera impossible. Nous devons supplier les paysans de rester, pas les chasser», a martelé le député, en guise d’avertissement.

Warouwaye, dernier bastion vert du littoral, fait vivre plus de 1000 personnes. Si les bulldozers l’emportent, ce ne sera pas seulement une page d’agriculture qui se tourne, mais un pan entier de l’équilibre alimentaire et écologique de Dakar.

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 19/07/2025 à 10h03