Sur le marché à bétail de Cosa, en plein cœur de Conakry, l’ambiance est morose. Quelques taureaux attachés à des piquets de fortune, des moutons parsemé un peu partout, des vendeurs qui attendent désespérément des clients.
À l’approche de la Tabaski, une fête majeure pour les musulmans, les prix ont littéralement explosé, en grande partie à cause du transport devenu hors de prix, confie Mouctar Diallo, responsable du parc «le transport du bétail qui revenait, l’année dernière, à 5 millions de francs guinéens (1 dollar = 8679,30 francs guinéens) coûte aujourd’hui 10 millions, voire 18 millions». À cela s’ajoute une pénurie sévère de camions «il n’y a pas de véhicules. On a fait quatre tentatives d’acheminement sans succès».
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Un autre vendeur, Amadou Diallo, installé depuis quelques jours avec ses bêtes, tente de relativiser : «On a convoyé les moutons et les taureaux. Il y en a qui viennent du Mali, d’autres de l’intérieur du pays. On s’installe, on attend les clients».
Mais du côté des acheteurs, la frustration est palpable. En sueur, un homme, Ismaël Bah, tourne dans le marché depuis plusieurs heures, l’air visiblement inquiet: «Nous rendons grâce à Dieu de pouvoir à nouveau célébrer Tabaski. L’année dernière, à la même période, j’étais reparti d’ici avec un bélier en une heure. Aujourd’hui, cela fait trois heures que je tourne. Rien de correct en dessous de 1,5 million de francs guinéens !» déplore-t-il.
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Tous les revendeurs rencontrés s’accordent : le coût élevé du transport est la principale cause de cette flambée. «Dès que le prix du transport augmente, tout augmente derrière. On n’a pas le choix, sinon on vend à perte», explique Mouctar Diallo. Certains soulignent également l’absence de lieux de stockage suffisants, forçant les clients à acheter à la dernière minute, souvent à prix fort.
Et si l’état des routes est jugé correct — «Alhamdoulilah, depuis que le général Mamadi Doumbouya est arrivé au pouvoir, la route est bonne», dit le vendeur Amadou Diallo —, les problèmes de logistique demeurent entiers.
Le manque de camions pousse certains à faire des trajets coûteux, risquant même des pertes en chemin. «À chaque voyage, il y a cinq ou six bêtes qui meurent, c’est obligé. Néanmoins, on espère bien vendre d’ici la fête. Certains clients achètent et reviennent chercher leurs bêtes jeudi ou vendredi matin. On fait avec».
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Mais pour beaucoup, le commerce du bétail en Guinée est à bout de souffle. Sans infrastructures logistiques adaptées, ni régulation du transport, la pression continue de peser sur les vendeurs comme sur les consommateurs. Cette année encore, la Tabaski se fêtera, certes. Mais pour nombre de familles à Conakry, elle aura un goût amer.