Terrains vendus plusieurs fois en Côte d’Ivoire: la complexité des lois coutumières, terre fertile aux litiges fonciers

Duperies lors d’acquisitions de biens fonciers à Abidjan.

Le 01/03/2025 à 17h04

VidéoIls s’appellent Diabagaté, Traoré, Amon, Aubin...ils se disent tous victimes de duperies lors de l’acquisition d’un bien foncier à Abidjan. Il aura fallu un cri de détresse posté sur les réseaux sociaux par l’une de ces personnes pour que les autorités réagissent et trouvent une issue heureuse au litige. La loi a pourtant été réformée pour l’adapter aux réalités du terrain, mais rien n’y fait.

En Côte d’Ivoire, surtout dans le Grand Abidjan, trouver une parcelle à acheter relève un parcours du combattant et, lorsqu’on en trouve, le prix au mètre carré est hallucinant. Actuellement le prix d’un lot de 200 m2 oscille entre les six et dix millions de franc CFA selon l’emplacement du terrain.

Cependant, la concentration de la majorité des infrastructures, des entreprises, des administrations dans la capitale abidjanaise en fait la ville la plus convoitée où chacun lutte pour s’acquérir au minimum une parcelle de terre ou un bien immobilier afin de garantir un logement décent à sa petite famille. C’est ainsi que des propriétaires terriens véreux et des forces tapies dans l’ombre grugent les acquéreurs en vendant un même lot à plusieurs personnes à la fois. C’est alors que surgissent les conflits à ne pas en finir.

À Abidjan, l’affaire d’Assetou Traoré épouse Amon à Bakary Komé, liée à la gestion du lotissement de Bessikoi dans la commune de Cocody, illustre la complexité des conflits fonciers actuels. Le litige trouve son origine dans des dissensions entre les chefferies d’Abobo-Baoulé et de Djorogobité 2 concernant la signature des attestations villageoises. Malgré des arrêts de la Cour suprême reconnaissant la compétence du chef de Djorogobité 2, des attestations multiples et contradictoires ont été émises, alimentant les tensions et les frustrations parmi les acquéreurs.

A côté de cela, l’affaire opposant Julie Aubin épouse Diabagaté dans la commune de Koumassi, à «un inconnu», dit la victime, qui lui mène la vie dure depuis près neuf ans pour un terrain qu’elle a acquis «en bonne et due forme», dit-elle, une acquisition accompagnée de tous les documents afférents.

« Ça fait longtemps que nous avons notre terrain situé en bordure de la lagune avec tous les papiers. Mais depuis un certain temps, une personne anonyme fait entreprendre des travaux sur la parcelle. Nous l’avons signalé aux autorités compétentes sans suite favorable. C’est ainsi que j’ai décidé de faire une publication sur les réseaux sociaux pour interpeler nos autorités», explique dame Diabagaté.

Avant d’ajouter, «mon cri de cœur sur les réseaux sociaux a eu écho favorable, les Ivoiriens, les internautes m’ont aidée à relayer l’information jusqu’à ce que ça atteigne qui de droit. Et aujourd’hui nous avons pu obtenir gain de cause. Mais cela n’empêche que je reste vigilante» a-t-dit.

Selon la victime, tout semble rentré dans l’ordre, cependant elle en appelle aux autorités compétentes notamment les responsables du ministère de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme, à voir de près cette situation qui met mal plus d’un Ivoirien. Car tout comme elle et les autres, plusieurs personnes sont confrontées à cette même situation mais ne sachant pas vers quel saint se vouer pour trouver une issue, voient leurs biens spoliés.

Des cas suffisamment nombreux pour éveiller les consciences des uns et des autres sur ces questions foncières dans le pays.

La question foncière en Côte d’Ivoire a longtemps été une source de tension, avec des litiges fréquents, notamment en milieu rural. Ces conflits sont souvent exacerbés par l’absence de titres fonciers clairs et la complexité des lois coutumières en matière de propriété.

Pour remédier à cette situation qui perdure et qui plonge plusieurs dans le désarroi, le ministre de tutelle a initié depuis le courant de 2024, plusieurs réformes visant à réguler le secteur, au nombre desquelles l’instauration de l’ADUC (Attestation de Droit d’Usage Coutumier) pour remplacer l’ancienne Attestation Villageoise, un document qui fait foi de sécurisation des biens fonciers de tout acquéreurs d’une parcelle de terrain en Côte d’Ivoire.

«Cette innovation vise à renforcer la sécurité foncière et à réduire les litiges, tout en facilitant la transition vers un système plus moderne et sécurisé. Cette évolution bien qu’innovante, présente des défis que les autorités doivent gérer avec soin» expliquent les autorités.

Entrée en vigueur en janvier dernier, l’obtention de l’ADU est gratuite. Désormais l’acquisition de l’ACD ne pourra être possible que sur présentation de l’ADU.

Par Emmanuel Djidja (Abidjan, correspondance)
Le 01/03/2025 à 17h04