Un tiers n’a pas d’existence légale: le Cameroun vit toujours avec ses enfants fantômes

Un extrait d'acte de naissance.

Le 28/11/2025 à 14h43

VidéoDes parents qui n’inscrivent pas leurs enfants à la naissance, ou ne récupèrent pas le document de l’état civil ou tout simplement le perdent, n’accordant à ce papier que peu d’intérêt. Les liens du sang, dit-on, ont plus de valeur. Cependant, les conséquences sur ces enfants sont terribles. Un enfant sur trois n’a pas d’existence légale: il lui sera difficile d’accéder aux services de santé, à l’école, aux concours scolaires...

«Chaque enfant a le droit d’être enregistré à la naissance et d’être scolarisé, comme le confirment les normes internationales, notamment la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant et la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant».

Ce préambule du rapport sur le rattrapage de l’enregistrement des naissances via le système éducatif au Cameroun de mai 2025, alerte sur l’urgence de trouver une solution à un phénomène social aux lourdes conséquences: les enfants non enregistrés à la naissance.

En 2025 au Cameroun, un enfant sur trois n’a pas été enregistré à la naissance, plus de la moitié des enfants ne possède pas d’acte prouvant leur venue au monde. Une fois adultes, huit millions de Camerounais, sur une population de 28,5 millions d’habitants, ne disposent pas de carte nationale d’identité faute d’acte de naissance.

L’absence d’un tel document met pourtant la vie des enfants en péril: impossibilité de se présenter aux examens, sous-scolarisation, apatridie, difficile accès aux services de santé...

Cette situation peut s’expliquer, selon certains citoyens rencontrés à Yaoundé comme le septuagénaire Okala Tsala André du quartier Etoa Méki, par des traditions bien ancrées dans les mentalités «au Cameroun et notamment dans les régions du Sud-Centre, Littoral et Est, nous connaissons l’importance d’un acte de naissance. C’est juste par négligence que certains parents ne le font pas. Cette négligence est surtout liée à nos us et coutumes qui reconnaissent la paternité d’un enfant par les liens du sang et non par les documents officiels», a-t-il déclaré.

Le gouvernement camerounais devrait poursuivre la sensibilisation auprès des familles pour les rapprocher des bureaux de l’état civil. Au besoin, comme l’a suggéré un autre Yaoundéen «il faudrait contraindre les parents à déclarer la naissance de leurs enfants, à introduire des dossiers pour établissement des actes de naissance de leurs enfants et surtout à retirer ces actes une fois établis», a proposé Ngono Marie Virginie qui fait allusion au fait que beaucoup de parents ne récupèrent leur volet du registre d’état civil.

Le gouvernement camerounais a mis en œuvre différents plans pour rattraper ce retard dont la régularisation à l’état civil à travers la réforme de l’Éducation nationale. Avec le concours de l’Unicef et la Banque mondiale, 49.311 enfants du cycle primaire ont vu leur situation régularisée, représentant 84,25% des cas.

Cependant, des efforts considérables restent à déployer dans un pays oû en 2025, près de 3,4 millions de personnes, dont 1,9 million d’enfants, ont besoin d’une aide humanitaire en raison des crises humanitaires et des impacts du changement climatique avertit l’Unicef. .

Par Jean-Paul Mbia (Yaounde, correspondance)
Le 28/11/2025 à 14h43