Urbanisme: quand Dakar se construit contre ses habitants

Dakar

Dakar. AFP or licensors

Le 07/06/2025 à 11h03

VidéoÀ Dakar, la circulation devient chaque jour plus complexe, les trottoirs se transforment en parkings et commerces. Un capharnaüm qui dure depuis des années.

En dépit des investissements réalisés au cours de ces dernières années - Train express régional (TER), Bus Rapid Transit (BRT)...-, la mobilité urbaine à Dakar est un véritable casse-tête. Une situation exacerbée par les puissants mouvements pendulaires entre le centre et la périphérie amplifiée par les stationnements anarchiques et par l’inorganisation des modes de transports urbains.

Et sur certains axes routiers de la capitale sénégalaise, comme celui menant à Yoff, la situation est souvent chaotique et les usagers vivent un véritable calvaire.

Mamadou Keita Mané, un citoyen sénégalais, observe avec amertume ce qu’il qualifie de désordre urbain. «La situation dure depuis des années. La population a augmenté, les véhicules aussi, les marchands ambulants occupent carrément les rues. Il est temps que l’État intervienne pour réglementer tout cela

Selon lui, l’absence d’organisation urbaine adaptée face à l’explosion démographique contribue à l’engorgement des axes principaux, rendant les déplacements pénibles, voire dangereux.

«L’État doit anticiper l’avenir», selon Maguette Guèye, président de l’association ”Max 2 roues”, qui regroupe des conducteurs de motos et scooters, très présents sur les routes dakaroises.

Il pointe lui aussi les défaillances structurelles de l’État. «C’est à l’État de prévoir, dès maintenant, les règles à suivre pour les futures constructions», affirme-t-il. «Il faut que la direction de la surveillance et du contrôle de l’occupation du sol impose aux propriétaires pour qu’ils respectent les prescriptions en matière d’urbanisme. L’État aurait dû anticiper l’augmentation de la population.»

Pour lui, la prolifération de bâtiments sans respect des normes et l’urbanisation sauvage sont des causes majeures de la désorganisation de la mobilité dans la capitale.

Des municipalités pointées du doigt

El Hadj Djiby Lo, lui aussi citoyen sénégalais, va plus loin et met directement en cause les autorités locales. Il reproche aux mairies leur manque de vision et une certaine complicité passive. «Les municipalités ne font pas le travail qu’on attend d’elles», accuse-t-il. «Elles ont vendu tous les espaces disponibles, sans se soucier des conséquences pour la population

Il déplore le fait que les rares espaces publics qui pouvaient être aménagés pour la circulation ou le stationnement soient désormais occupés par des constructions.

Reprenant la parole, Maguette Guèye insiste sur les dangers réels que fait peser cette situation sur les usagers de la route, en particulier les piétons et les conducteurs de deux-roues. «Ce laisser-aller peut avoir des conséquences dramatiques sur la population», prévient-il. «Avec les trottoirs encombrés, les piétons sont obligés de marcher sur la route, et cela augmente considérablement le risque d’accidents.»

Entre multiplication des véhicules, anarchie des constructions et absence de planification, l’axe Yoff symbolise les défis croissants de la mobilité à Dakar.

Citoyens comme acteurs associatifs réclament des actions fortes, tant au niveau de l’État que des collectivités locales. Car derrière chaque embouteillage, c’est un peu de la sécurité et de la dignité urbaine qui s’effrite.

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 07/06/2025 à 11h03