Vacances estivales, travail saisonnier, multi-entrées…: les quatre nationalités africaines qui bénéficient le plus de visas espagnols de court séjour

Illustration visa Schengen avec un passeport algérien.

Le 04/08/2025 à 14h34

L’analyse des visas courts séjours espagnols révèle quatre dynamiques africaines distinctes, où mobilité économique, contraintes politiques et profils démographiques dessinent une nouvelle géographie des échanges.

En cette période estivale, l’Espagne attire de nombreux touristes, y compris une partie venant d’Afrique, en particulier d’Afrique du Nord et de la diaspora déjà présente en Europe. Un phénomène qui demeure avant tout lié à la proximité géographique, au rapport qualité-prix, à la diaspora africaine et à l’attractivité touristique générale de l’Espagne.

C’est dans ce contexte que nous mettons les projecteurs sur le dernier rapport récemment publié par l’Espagne sur les visas délivrés dans les bureaux consulaires en 2024.

En 2024, l’Espagne, terre d’accueil estivale prisée par une certaine catégorie de vacanciers africains, a enregistré en 2024 1.549.314 visas délivrés, dont 85% pour des courts séjours (1.322.400). Dans ce contexte, les ressortissants de quatre pays africains se démarquent en termes de volume de visas obtenus: en tête, les Marocains, suivis des Algériens, les Sud-africains, et les Égyptiens.

Le rapport espagnol révèle aussi des dynamiques contrastées: croissance marocaine et égyptienne, stagnation algérienne, et des profils démographiques distincts. Zoom sur ce que révèlent les chiffres.

Classement et données clés

En 2024, les quatre principales nationalités africaines bénéficiaires de visas espagnols de court séjour révèlent des dynamiques démographiques et quantitatives distinctes.

Le Maroc domine le classement avec 150.025 visas délivrés (+12,4% par rapport à 2023), caractérisés par une prédominance de multi-entrées (71%, contre une moyenne mondiale de 28%), un âge moyen de 34 ans et une proportion féminine de 46%.

L’Algérie occupe la seconde place (80.138 visas, -1,7%), affichant le plus jeune profil (âge moyen: 33 ans) et une faible représentation féminine (38%), malgré une demande touristique structurellement élevée.

L’Afrique du Sud (22.819 visas, +4,0%) se distingue par son profil âgé (âge moyen: 41 ans, le plus élevé du Top 4) et une majorité de femmes (51%), avec une dominante touristique (66% des visas).

L’Égypte, quatrième (20.933 visas, +22,2%), combine la croissance la plus vigoureuse d’Afrique, un âge moyen de 35 ans et une forte masculinisation (34% de femmes).

Notons que le continent africain concentre 28% des visas multi-entrées espagnols, dépassant largement l’Asie (11%), soulignant l’importance des mobilités circulaires dans la région.

Tourisme vs mobilité circulaire

Le Maroc et l’Égypte incarnent deux modèles de mobilité vers l’Espagne. Le premier capitalise sur des multi-entrées facilitées (71% de ses visas), héritage de la réforme du Code des Visas Schengen de 2020 permettant des validités prolongées jusqu’à cinq ans, favorisant ainsi une mobilité circulaire intégrée.

Le second, porté par une jeunesse dynamique (âge moyen: 35 ans), voit son essor touristique (+22,2%) stimulé par une demande intérieure croissante.

À l’inverse, l’Algérie stagne (-1,7%) malgré son potentiel touristique, résultat d’un cumul de contraintes structurelles. En 2024, elle enregistre le taux de refus de visas Schengen le plus élevé (environ 185.000 rejets sur 544.000 demandes), tous pays confondus, amplifié par des tensions diplomatiques persistantes depuis 2022 suite à la position espagnole quant au Sahara.

Bien qu’un réchauffement récent ait relancé les échanges économiques (+143% en 2024), l’inertie administrative perdure. De nouvelles exigences, comme la légalisation des documents d’état civil par le ministère algérien des Affaires étrangères (obligatoire depuis juillet 2025 à Oran), complexifient les démarches et freinent mécaniquement les dépôts de dossiers.

Une situation qui contraste avec l’expansion régionale, révélant des obstacles politiques et procéduraux spécifiques à l’Algérie dans l’accès à l’espace Schengen.

Démographie, genre et impact économique

La démographie et la répartition genrée des titulaires africains de visas court séjour pour l’Espagne révèlent des modèles socio-économiques distincts parmi les principales nationalités africaines. L’Afrique du Sud (51% de femmes) et le Maroc (46%) présentent une parité proche de la moyenne mondiale (49%), reflétant une diversification des profils de voyageurs.

À l’inverse, l’Égypte (34% de femmes) et l’Algérie (38%) affichent une masculinisation persistante, héritage de schémas migratoires traditionnels où la mobilité économique reste majoritairement masculine. L’écart d’âge est tout aussi significatif: les Sud-Africains (âge moyen de 41 ans) ciblent principalement des séjours touristiques ou de retraite, tandis que les Algériens (33 ans) et Égyptiens (35 ans) représentent une population active jeune.

Une segmentation qui génère des impacts économiques différenciés: les multi-entrées marocaines (71% des visas) facilitent une mobilité circulaire boostant les transferts de fonds et le commerce transfrontalier, tandis que la croissance égyptienne (+22,2%) dynamise des secteurs cibles comme l’hôtellerie et les transports, mais exige des infrastructures adaptées à un public jeune exigeant connectivité et services modernes.

Il convient de rappeler que les marocains résidant en Espagne ont transféré 1,375 milliard d’euros vers le Maroc en 2023, ce qui représente 13,1% de l’ensemble des envois de fonds effectués depuis l’Espagne cette année-là.

Ce montant place le Maroc en deuxième position des pays bénéficiaires des transferts de fonds depuis l’Espagne, juste derrière la Colombie (1,5 milliard d’euros en 2023). La part de l’Espagne dans le total des transferts de fonds reçus par le Maroc s’élève à environ 12,6% des flux totaux reçus par la diaspora marocaine. On estime à plus d’un million le nombre de Marocains vivant en Espagne, ce qui en fait la première communauté étrangère du pays.

Les chiffres précis des fonds transférés pour l’année 2024 ne sont pas encore disponibles dans leur intégralité. Toutefois, sur l’ensemble de l’année, les transferts globaux de la diaspora marocaine (tous pays) ont atteint 117,7 milliards de dirhams (environ 11,385 milliards d’euros), en hausse de 2,1% par rapport à 2023. La dynamique observée laisse entendre que la proportion en provenance de l’Espagne se maintient, mais aucun chiffre désagrégé par pays n’est encore publié pour 2024.

Ainsi, les réformes législatives espagnoles entrées en vigueur en mai 2025, simplifiant les procédures de visa et élargissant les droits des travailleurs, pourraient amplifier les tendances observées en 2024, particulièrement pour les pays à forte croissance comme l’Égypte et le Maroc où la jeunesse et la mobilité circulaire sont des atouts stratégiques.

Comparatif des 4 principaux bénéficiaires africains de visas espagnols court séjour

PaysVisas délivrés (2024)Évolution vs 2023Type de Visa dominantÂge moyenTendances & Particularités
Maroc150 025+12,4%Multi-entrées (71%)34 ansMobilité circulaire intense. Transferts de fonds majeurs (1,375 Md€ depuis l’Espagne en 2023).
Algérie80 138-1,7% (stagnation)Touristique (structurel)33 ansTaux de refus Schengen très élevé. Tensions diplomatiques (Sahara).
Afrique du Sud22 819+4,0%Touristique (66%)41 ansPublic âgé, majorité féminine. Séjours touristiques ou retraite.
Égypte20 933+22,2%Touristique (croissance)35 ansCroissance la plus forte.

Source: Observatorio permanente de la inmigracion

Par Modeste Kouamé
Le 04/08/2025 à 14h34