Voie de Dégagement Nord de Dakar: une route vitale et létale

La VDN, colonne vertébrale économique de Dakar

Le 16/04/2025 à 15h36

VidéoAu cœur de la métamorphose de Dakar, la Voie de Dégagement Nord, est aussi indispensable que controversée. Créée dans les années 1990, élargie sous Abdoulaye Wade, cette voie structure désormais les flux économiques et sociaux de la région dakaroise. Mais ce ruban asphalté n’est pas sans dangers.

Dakar s’étire, Dakar s’étend… Et au cœur de cette expansion, une route, la Voie de Dégagement Nord ( VDN). Conçue dans les années 90 pour désengorger une capitale asphyxiée par la circulation, la VDN est rapidement devenue bien plus qu’une simple alternative.

« La VDN me facilite vraiment la vie. Chaque jour, je quitte Pikine, et grâce à cette voie, mes trajets sont plus rapides et moins stressants », confie Ababacar Sadikh Faye, enseignant.

Un avis partagé par Mbaye Badiane, chauffeur de taxi, « pour mes courses, c’est clair, la VDN est de loin plus pratique que les autres axes. Elle me fait gagner un temps précieux. »

Même son de cloche pour Ibrahima Khalil Diémé, un Dakarois, qui souligne que « c’est sans aucun doute l’une des meilleures voies de Dakar

Si la VDN est saluée pour son rôle structurant, son histoire est aussi marquée par des tensions socio-politiques, des dysfonctionnements environnementaux et des inégalités d’accès, révélant les défis d’une urbanisation souvent peu inclusive.

Derrière cette success story se cachent des réalités moins reluisantes. La construction et l’extension de la VDN ont généré des conflits fonciers majeurs, notamment autour de la section 3, où des lotissements illégaux et des accaparements de terres ont spolié des populations, souvent avec la complicité d’acteurs étatiques ou privés. Ces scandales rappellent que l’aménagement urbain à Dakar reste un terrain de luttes de pouvoir, où les plus vulnérables paient le prix fort.

Sous le régime d’Abdoulaye Wade président sénégalais de 2000 à 2012, la VDN a pris une toute autre dimension : élargie, prolongée, connectée à l’autoroute, elle est aujourd’hui le trait d’union entre le centre-ville et les banlieues en pleine expansion. Cet élargissement s’est pourtant fait au détriment de l’environnement.

Le prolongement de la VDN a entraîné la destruction de la bande de filaos, barrière naturelle contre l’érosion côtière, accélérant la dégradation du littoral nord. Ce sacrifice écologique, couplé à un tracé modifié sous pressions urbaines, illustre les arbitrages contestables entre développement infrastructurel et préservation des écosystèmes.

«Souvent, je quitte des zones très éloignées pour rejoindre mon lieu de travail, et la VDN me simplifie le trajet», souligne à nouveau Ababacar Sadikh Faye.

Ibrahima Khalil Diémé partage cet avis, «sans la VDN, nos déplacements seraient un vrai casse-tête, surtout aux heures de pointe.»

Tout le long de cette artère, un véritable écosystème s’est développé: résidences modernes, supermarchés, stations-service, showrooms, banques et commerces s’alignent au rythme d’un trafic dense. C’est ici que le Dakar des affaires croise le Dakar populaire, du chauffeur de taxi au cadre d’entreprise.

Pas de passerelles piétonnes, pas d’éclairage

Une voie qui ne dort jamais, témoin du bouillonnement économique de la capitale et reflet des défis de mobilité d’une ville qui grandit, jour après jour. La VDN 3, est devenue une zone accidentogène en raison de l’absence de passerelles sécurisées et d’éclairage, symbolise le paradoxe d’une infrastructure vitale mais mortifère pour les piétons.

À Cambérène, l’opposition farouche de la communauté Layène au prolongement de la voie, perçu comme une menace pour leur patrimoine culturel et foncier, rappelle que l’aménagement urbain ne peut ignorer les dimensions symboliques et historiques des territoires.

La VDN incarne ainsi toute l’ambiguïté du développement dakarois, vitale pour la mobilité, mais vectrice de fractures sociales, environnementales et culturelles. Son avenir dépendra de la capacité des autorités à concilier efficacité logistique, justice spatiale et résilience écologique, un défi de gouvernance qui dépasse largement le bitume.

Par Mamadou Awa Ndiaye (Dakar, correspondance)
Le 16/04/2025 à 15h36