Formule 1 en Afrique: voici les 4 villes en pole position pour accueillir une étape du Grand Prix

Le pilote brésilien champion du monde Ayrton Senna prend un virage au volant de sa McLaren-Honda lors des premiers essais du Grand Prix d'Afrique du Sud, le 28 février 1992

Le pilote brésilien, triple champion du monde, Ayrton Senna prend un virage au volant de sa McLaren-Honda lors des premiers essais du Grand Prix d'Afrique du Sud, le 28 février 1992

Le 11/08/2025 à 13h56

La dernière course de Formule 1 en Afrique remonte à 1993. L’absence de la catégorie reine du sport automobile mondial pourrait bientôt n’être qu’un lointain souvenir: 4 villes africaines souhaitent accueillir une étape du calendrier de la Formule 1. Mais avant le top départ, il faudra respecter le très rigoureux cahier des charges de la Fédération internationale automobile, disposer de financements conséquents et présenter un projet durable.

Si l’Afrique a accueilli la mythique course automobile en 1958 au Maroc, la dernière compétition de la Formule 1 sur le continent remonte à 1993 sur le circuit de Kyalami, près de Johannesburg en Afrique du Sud. Depuis 32 ans, la course reine de l’automobile, la Formule 1, ne s’est pas déroulée sur le continent africain. Pour une course mythique qui se veut mondiale, courue actuellement dans 24 villes des quatre continents, il n’est pas normal que l’Afrique soit oubliée du calendrier.

Cette absence sera heureusement très bientôt comblée. En effet, la volonté de la Formule 1 de revenir sur le continent reçoit des échos favorables auprès de nombreux pays africains. Kigali du Rwanda, Johannesburg et le Cap en Afrique du Sud, Tanger du Maroc et Abuja au Nigeria sont citées comme candidates pour accueillir une étape du calendrier de la Formule 1. Certaines villes ont franchi le cap en déposant leur dossier.

A présent que les dirigeants de la Fédération internationale automobile (FIA) souhaitent revenir en Afrique, la question n’est plus de savoir si la Formule 1 fera son grand retour en Afrique, mais quand et où?

Si jusqu’à présent seulement deux pays africains ont accueilli l’épreuve reine de la course automobile – Maroc (une fois avant l’ère de la Formule 1) et l’Afrique du Sud (23 fois la F1)-, les quatre villes africaines précitées souhaitent accueillir l’évènement.

Il faut garder à l’esprit que l’accueil de la Formule 1 est un évènement pour un pays qui met en avant son attractivité sur la scène internationale, stimule l’économie locale en attirant d’autres disciplines automobiles et hisse le pays parmi les destinations mondiales pour les sports mécaniques. Et à l’arrivée des retombées sur le tourisme et la création d’emplois.

Reste qu’accueillir la Formule 1 n’est pas facile, ni à la portée de tous les pays. Pour organiser un tel évènement, un cahier des charges des plus rigoureux doit être rempli.

Il faut, au préalable, disposer des infrastructures de la course, dont un circuit répondant aux standards de la Formule 1 (Grade 1), disposer des infrastructures logistiques de niveau mondial pour l’évènement et faire face au coût des droits commerciaux très élevés. A cela, il faut ajouter de nombreux autres facteurs qui peuvent peser dans la balance, dont la diplomatie sportive, la géopolitique, les fondamentaux économiques du pays, la sécurité,…

Seulement, à l’heure actuelle, aucune des villes candidates ne dispose d’un circuit homologué Grade 1 par la Fédération internationale automobile. Toutefois, partant des projets dévoilés, on note qu’au-delà des ambitions, certaines candidatures semblent avoir une longueur d’avance sur d’autres.

C’est particulièrement le cas de Tanger, dont le projet est actuellement ficelé et chiffré, de Kyalami et du Cap en Afrique du Sud et de Kigali du Rwanda. Quant à Abuja, pour diverses raisons, elle semble en retrait par rapport à ses trois autres concurrentes africaines.

Reste que l’Afrique, grâce à ses potentialités et à la vitrine qu’elle offre est en mesure d’accueillir deux étapes du circuit les années à venir. Tout dépendra de la qualité des projets qui seront soumis à la FIA.

En attendant, les quatre pays candidats potentiels se mobilisent pour décrocher une étape de la prestigieuse course automobile. Stefano Domenicali, directeur général de la F1, a confirmé la volonté réaffirmée de réintroduire l’Afrique sur le calendrier de la course. Un évènement soutenu par le pilote Britannique, Lewis Hamilton, septuple champion du monde de la F1 qui a souligné en août 2024 qu’«on ne peut pas ajouter des courses partout et continuer à ignorer l’Afrique».

Pour les pays africains, au-delà du prestige, l’accueil d’un Grand Prix de Formule 1 représente un catalyseur économique majeur avec des retombées médiatiques, touristiques et infrastructurelles qui peuvent contribuer à transformer durablement leur image.

La décision finale concernant l’accueille du Grand Prix de Formule 1 en Afrique étant attendue pour la fin de l’année, voici un tour d’horizon des candidats potentiels africains à l’accueil d’une étape de la F1.

Kigali (Rwanda): le précurseur

Si quatre nations se sont positionnées pour ramener la Formule 1 en Afrique, il faut rendre au Rwanda la primauté de l’avoir annoncé publiquement. Le pays, dans le sillage de sa politique d’accueil de grands évènements sportifs et de partenariats avec des géants du sport (NBA, Arsenal, PSG, Bayern de Munich), n’a cessé d’investir dans l’accueil d’évènements sportifs internationaux (Ligue africaine de basket-ball, l’International Congress and Convention Association (ICCA), Championnat du monde de cyclisme sur route…).

Depuis 2018, le Rwanda a multiplié les investissements dans les infrastructures de football, basket-ball, cyclisme et de golf. Désormais, Kigali se positionne sur le sport automobile dans le cadre d’une stratégie plus large visant à utiliser le sport pour développer son tourisme et sa visibilité au niveau mondial. La capitale rwandaise est actuellement la deuxième ville hôte pour l’accueil des congrès, derrière Le Cap, en Afrique du Sud.

C’est dans cette optique que le pays a engagé des discussions avec la direction de la FIA pour accueillir une étape du calendrier de la Formule 1 à Kigali et renforcer sa notoriété. Kigali a d’ailleurs accueilli, du 9 au 13 décembre 2024, les acteurs des sports automobiles, réunis pour la cérémonie annuelle de remise des prix de la FIA.

C’est lors de cet évènement mondial de l’automobile que le président rwandais, Paul Kagame, a fait cette annonce: «Je suis heureux d’annoncer officiellement que le Rwanda se porte candidat pour ramener le frisson de la course automobile en Afrique, en accueillant un Grand Prix de Formule 1», matérialisant ainsi la candidature de son pays pour accueillir une étape du calendrier de la Formule 1.

Avant cette annonce, Kagame avait déjà multiplié les gestes en ce sens. Il a ainsi assisté au Grand Prix de Singapour en 2023 pour mieux appréhender la compétition et rencontrer sur place les dirigeants de la FIA et des écuries engagées dans la course mythique.

Le projet rwandais est soutenu par la légende de la F1, le Britannique Lewis Hamilton. «C’est à 100% le bon moment. On ne peut pas ajouter des courses ailleurs et continuer d’ignorer l’Afrique. Personne ne donne jamais rien à l’Afrique. Je pense qu’organiser un Grand Prix là-bas permettrait de souligner à quel point c’est un lieu magnifique et de développer le tourisme et bien d’autres choses».

Si le projet du pays est choisi, un circuit répondant aux normes de la F1 sera construit près du nouvel aéroport international de Kigali, en cours de réalisation.

S’il ne dispose pas d’un circuit, à l’instar des autres candidats, le pays des mille collines compte sur son aéroport international de Bugesera, situé à 40 km de Kigali, d’un coût de 2 milliards de dollars, en cours de construction dans le cadre d’un partenariat avec Qatar Airways, ses infrastructures hôtelières déjà existantes et sur son savoir-faire dans l’organisation de grands évènements sportifs.

C’est le premier pays a déposé sa candidature et l’a officialisée en décembre 2024. Bénéficiant du soutien du président Kagame en personne, la candidature de Kigali a gagné en crédibilité. Reste maintenant à savoir si le projet va convaincre les dirigeants de la FIA quant à son financement et sa durabilité.

Tanger (Maroc): tourisme et sport pour 1,2 milliard de dollars

Le Maroc, premier pays africain à avoir accueilli une étape du Grand Prix Automobile en 1958, sur le circuit d’Aïn Diab à Casablanca, avant l’ère de la Formule 1, ne compte pas rester à l’écart.

Pour cela, c’est Tanger, la ville du nord du pays, qui se prépare pour porter la candidature du Royaume. A l’heure actuelle, on peut dire que c’est le projet le mieux ficelé au niveau du continent. C’est tout un complexe qui sera construit selon les standards les plus exigeants du sport automobile international sur un site stratégique situé à 20 km de la ville de Tanger.

Dans le détail, le projet F1 de Tanger comprend un circuit de catégorie 1, apte à accueillir la F1, le MotoGP et le Championnat du monde d’endurance (WEC). En plus, il comprend un parc d’attractions, une gare logistique, un centre de congrès, un centre commercial, des hôtels, une marina, un centre de formation…

Il s’agit d’un projet intégré qui vise à capter l’intérêt touristique au-delà des seules compétitions automobiles. Ce complexe devrait permettre la création de plusieurs milliers d’emplois.

Pour le réaliser, le Maroc table sur un projet d’infrastructure de 1,2 milliard de dollars porté par des capitaux privés. Sur ce montant, 800 millions de dollars d’investissements privés sont d’ores et déjà garantis par des investisseurs.

Et pour ne rien négliger, ce projet, basé sur le modèle «Yas Marina» d’Abu Dhabi, à une échelle plus réduite, a été confié à Éric Boullier, ancien directeur de McLaren et du Grand Prix de France, une figure reconnue du paddock international. Si le Royaume obtient l’avis favorable de la FIA, une première course sur le circuit de Tanger sera possible en 2027 ou en 2028.

Le dossier marocain compte sur d’autres atouts dont les infrastructures de qualité parmi lesquelles le Port de Tanger Med, des aéroports et des autoroutes qui ont considérablement amélioré la connectivité du pays et des infrastructures sanitaires.

En outre, contrairement à certains candidats, le Maroc, à l’instar de l’Afrique du Sud, possède une certaine expérience dans le domaine de l’organisation des courses automobiles. Si l’unique Grand Prix organisé en 1958 sur le circuit d’Aïn Diab fait partie de l’histoire, le circuit Moulay El Hassan de Marrakech accueille une compétition de Formule E.

Au-delà, la candidature potentielle de Tanger bénéficie d’un positionnement géographique attractif et unique en Afrique grâce à sa proximité géographique avec l’Europe dont elle n’est séparée que de seulement une quinzaine de kilomètres. Une proximité qui facilite la logistique des écuries essentiellement européennes de la Formule 1 et qui pourrait facilement attirer de nombreux spectateurs grâce à la proximité avec l’Espagne et une connectivité assurée de manière permanente par des ferrys depuis l’Espagne.

Ce sont autant d’arguments que le Maroc avance pour séduire et convaincre Liberty Media, propriétaire des droits commerciaux de la F1, afin que la FIA porte son choix sur la candidature de Tanger qui coche à toutes les cases.

Reste l’approbation des plus hautes autorités du pays pour faire de la candidature de Tanger un atout majeur pour le choix du retour de la Formule 1 en Afrique.

Kyalami (Afrique du Sud): déjà 23 courses de F1 au compteur

«On accueillera le Grand Prix en 2027, ça ne fait pas de doute (…) que ce soit Le Cap ou Joburg, peu importe», dixit Mlimandlela Ndamase, membre d’un Comité monté par le ministre des Sports, Gayton McKenzie, pour trancher qui de Johannesburg ou Le Cap accueillera le retour de la Formule 1 en Afrique du Sud.

Après avoir abrité la dernière course F1 du continent en 1993, l’Afrique du Sud, seul pays du continent à avoir accueilli la Formule 1, souhaite s’inscrire à nouveau dans le calendrier de la catégorie reine du sport automobile. Pour son retour dans le championnat après plus de trois décennies, deux projets étaient en concurrence: le circuit historique de Kyalami et le projet de circuit semi-urbain du Cap qui a déjà accueilli une course de Formule E en 2023.

Tout indique que finalement le choix s’est porté sur Kyalami. Le problème est que le circuit situé près de Johannesburg ne répond plus aux normes édictées par la FIA. Construit dans les années 1960, il nécessite des investissements lourds pour répondre aux standards techniques et commerciaux de Formule One Management (FOM).

Des investissements ont été réalisés par le propriétaire du circuit afin que le circuit de Kyalami, actuellement en Grade 2 FIA, obtienne le Grade 1 FIA nécessaire pour accueillir une course de F1. Et selon le propriétaire du circuit, la FIA a «accepté les propositions finales de conception» pour les travaux devant permettre à Kyalami de passer du niveau 2 de la FIA au niveau 1 requis pour la F1.

Après cette approbation, le circuit de Kyalami dispose d’un délai de trois ans pour exécuter les travaux nécessaires à l’obtention du statut de Grade 1. Ces travaux concernent l’aménagement des zones de dégagement, la pose de barrières et de clôtures, ainsi que de nouvelles bordures. Ces changements ne concernent pas la modification du tracé de 4,5 km.

Outre le soutien diplomatique des autorités, des entreprises dont MTN, MultiChoice, Heineken… ont annoncé leur soutien au retour de la F1 à Kyalami.

Pour bénéficier des faveur de la FIA, l’Afrique du Sud mise sur l’histoire de ses deux circuits qui ont accueilli 23 courses de la F1 entre 1962 et 1993, la passion locale de la course automobile et l’aura de Jody Sheckter, seul champion du monde africain de Formule 1 en 1979.

Le problème est que le projet sud-africain fait face à certains écueils: absence d’une offre financière solide et d’autres problèmes structurels à l’Afrique du Sud: coupures d’électricités chroniques, problèmes d’insécurité et logistiques,…

Abuja (Nigeria): l’inattendue

Si Lagos, la capitale économique du Nigeria, a été pendant longtemps au cœur des rumeurs relatives à l’accueil de la F1, avec un circuit permanent sur la plage du phare de la baie de Tarqua, sur l’ile jumelle où est construit la ville d’Eko Atlantic, ce projet n’a pas connu de suite.

Cependant, le pays ambitionne d’accueillir une étape du calendrier de la F1 dans la capitale politique du pays, Abuja, située dans le centre du pays. Les promoteurs nigérians sont en train de finaliser le projet du circuit avec l’entreprise Opus Race Promotions, codirigé par l’ancien footballeur anglais, Marvin Sordell.

Le projet nigérian vise à mettre en place un complexe comportant la construction d’un circuit de course F1 répondant aux normes internationales, une piste de karting, des hôtels et un musée dédié au sport automobile.

«Nous explorons toutes les possibilités pour amener la Formule 1 au Nigeria dès que possible, non seulement comme évènement sportif, mais comme catalyseur pour le tourisme, le développement des infrastructures et la croissance économique du pays», a expliqué Shehu Dikko, président de la Commission nationale des sports.

Mais le projet nigérian semble accuser du retard comparativement à ceux de ses concurrents. S’il est soutenu par les autorités nigérianes qui souhaitent diversifier l’économie du pays dépendante des hydrocarbures en misant sur d’autres secteurs dont le tourisme, le projet manque de visibilité quant à son financement.

Par Moussa Diop
Le 11/08/2025 à 13h56