Le Syli éliminé du CHAN. «Nous passons plus de temps au tribunal sportif que sur un terrain de foot»: la colère de la presse guinéenne

Le Syli local éliminé du CHAN 2025.

Le 16/08/2025 à 12h08

VidéoLes journalistes sportifs n’ont pas été tendres avec les responsables du foot suite à l’élimination précoce du Syli local du CHAN: guerres des intérêts mesquins, absence de formation, gestion approximative du sport roi.

Après deux défaites et une victoire, la Guinée affrontait ce vendredi 15 août l’Algérie pour la 4ᵉ journée du CHAN 2025. Condamné à s’imposer pour garder une chance de qualification, le Syli n’a pu faire mieux qu’un nul (1-1) face aux Fennecs algériens, un résultat synonyme d’élimination.

Cette sortie de route du Syli local en Ouganda a suscité de vives réactions dans la presse sportive guinéenne. Plusieurs journalistes n’ont pas tardé à pointer du doigt les dysfonctionnements structurels du football national, qui selon eux expliquent cet échec.

Pour Alhassane Djigué Diallo, journaliste sportif, le niveau affiché par l’équipe en Ouganda est le reflet de l’état de déliquescence du championnat guinéen. «Globalement, ce que le Syli a produit en Ouganda reflète le football guinéen. Ce n’est pas une surprise, tout le monde le sait: en Guinée, c’est la guerre des intérêts personnels. On est plus présent au Tribunal arbitral du sport que sur les terrains de football. Chaque année, des recours à ce tribunal sont introduits pour des intérêts égoïstes. L’argent investi dans ces batailles juridiques aurait pu être utilisé pour développer notre football, surtout au niveau local».

Même constat chez Louceyny Camara, également journaliste sportif, cite des exemples concrets pour illustrer le dysfonctionnement institutionnel du football guinéen. «L’illustration parfaite, c’est le cas Bouba Sampil. On a vu comment l’opinion a découvert à quel point le football est déstructuré dans notre pays. A l’Assemblée Générale extraordinaire, les tensions entre Sampou et les membres du comité exécutif en ont encore été la preuve. C’est un problème sur lequel il faut mettre un accent particulier».

En mai dernier, Bouba Sampil avait été limogé de son poste de président de la Fédération de foot. Selon la presse, il aurait fait les frais de sa gestion jugée opaque et de ses décisions unilatérales dénoncées par ses pairs.

Pour Alhassane Djigué Diallo, la comparaison avec les pays voisins est éloquente. Alors que le Sénégal, le Mali ou encore la Côte d’Ivoire investissent sérieusement dans leurs championnats, la Guinée reste à la traîne. «Vous prenez le Sénégal, le Mali, même la Sierra Leone, ils se battent pour renforcer leurs championnats et produire des joueurs compétitifs. Chaque année, des dizaines de Sénégalais rejoignent l’Europe, et pas dans n’importe quels championnats. Regardez Sadio Mané, Lamine Ndiaye… Le Mali et la Côte d’Ivoire suivent la même voie. Mais la Guinée, même nos joueurs envoyés en essai au Maghreb échouent et reviennent. L’encadrement fait cruellement défaut chez nous».

Enfin, Louceyny Camara insiste sur l’absence de véritables bases pour bâtir des résultats durables «on ne peut pas espérer des résultats avec une équipe nationale sans fondamentaux, c’est-à-dire la formation. Aujourd’hui, combien de coachs guinéens ont la licence A de la CAF? À peine deux ou trois. Quant aux joueurs, la plupart de ceux formés en Guinée sortent d’académies informelles et n’ont pas reçu une formation structurée. Contrairement à d’autres pays, nous n’avons pas de catégories de jeunes bien organisées. C’est une lacune énorme qu’il faut combler rapidement».

Au-delà de l’élimination du Syli local au CHAN 2025, c’est tout un système footballistique qui est remis en cause par les observateurs.

Pour beaucoup, la Guinée ne paie pas seulement une mauvaise campagne en Ouganda, mais surtout des années de gestion hasardeuse, de guerres d’intérêts et de manque de vision. Tant que des réformes profondes ne sont pas engagées, de la formation à la gouvernance, le Syli risque de rester spectateur des grandes échéances africaines et de voir ses voisins continuer à progresser.

Par Mamadou Mouctar Souaré (Conakry, correspondance)
Le 16/08/2025 à 12h08