Voici les 10 pays qui seront les plus riches d’Afrique sur la période 2022-2028, selon les projections du FMI

le360

Le 21/10/2023 à 12h33

Selon les projections mises à jour du Fonds monétaires international (FMI) sur la période 2022-2028, la richesse créée par les pays africains devrait passer de 2.965 milliards à 4.010 milliards de dollars. Les 10 pays les plus puissants économiquement représenteront environ 73% de la création de richesse du continent. Quelques chamboulements sont attendus dans la composition et le rang de ces pays. Décryptage.

Les pays africains continuent d’enregistrer des croissances globalement moyennes, voire faibles, au regard de leurs potentialités exceptionnelles et du retard énorme en termes de développement, comparativement aux autres continents.

Ainsi, selon les données compilées par nos soins à partir des celles du FMI, le PIB, c’est-à-dire la quantification de la valeur totale de tous les biens et services produits dans les 54 pays du continent sur un an, au prix du marché, exprimé en dollars, s’est établi à 2.965 milliards de dollars en 2022, soit légèrement moins que le PIB du Royaume-Uni qui s’est établi à 3.070,67 milliards de dollars.

L’Afrique, prise globalement comme un ”seul Etat”, se positionnerait donc au 7e rang mondial des pays les plus riches, trahissant le faible poids économique de l’Afrique, un continent pourtant doté d’importantes potentialités, d’une démographie (1,4 milliard d’habitants) équivalente à celle de la Chine ou de l’Inde, et de ressources naturelles exceptionnelles (terres, ressources hydriques et minières, hydrocarbures…).

Et en 2028, en dépit d’une nette progression du PIB cumulé de 38,64%, le PIB du continent s’établira à 4.110 milliards de dollars, soit légèrement supérieur à celui de l’Allemagne de 2022 (4.070 milliards de dollars).

Outre la faiblesse du poids économique du continent, il faut aussi souligner que la création de richesses est répartie de manière très hétérogène. En effet, plus de 70% de la richesse créée au niveau du continent en 2022 est le fait de seulement dix pays. Et cela restera le cas sur les six prochaines années, si l’on se fie aux données prévisionnelles mises à jour du FMI.

En effet, les dix pays les plus riches d’Afrique, selon leur PIB à prix courants exprimé en dollars, ont totalisé un PIB cumulé de 2.187 milliards de dollars en 2022, soit environ 74% du PIB du continent de l’année en question. Les 44 autres pays se partagent à peine 26% de la richesse du continent.

Et ces dix pays considérés comme étant les plus riches d’Afrique, selon l’indicateur utilisé, le resteront durant toute la période 2022-2028 et leur richesse passerait de 2.187 milliards à 2.989 milliards de dollars, soit une hausse de 36,67%. Tous les pays vont contribuer à cette hausse du PIB, à l’exception de l’Angola.

Notons toutefois que cette évolution n’a pas été linéaire durant cette période et tous les pays n’y vont pas contribuer de la même manière. En effet, l’année 2023 devrait être marquée par un recul du PIB du continent de -5,53% par rapport à son niveau de 2022, pour s’établir à 2.066 milliards de dollars.

Cette baisse est essentiellement le fait des trois grandes puissances économiques du continent -Nigeria, Egypte et Afrique du Sud. Elle s’expliquerait quasi essentiellement par les fortes dépréciations des monnaies locales, particulièrement celle du Nigeria (naira) et de l’Egypte (livre égyptienne), vis-à-vis du dollar américain. Et à cause de cet effet de change, le PIB des dix pays les plus riches d’Afrique ne repassera à son niveau de 2022 qu’en 2025, sous l’effet principalement des autres pays du Top 10: Ethiopie, Algérie, Maroc, Tanzanie, Côte d’Ivoire et Kenya.

Ainsi, à cause de cet effet de change mais aussi de l’impact de la croissance enregistrée par chaque pays durant la période 2022-2028, l’Egypte deviendra la première puissance économique du continent en 2023 avec un PIB de 398 milliards de dollars, devant le Nigeria (390 milliards de dollars) et l’Afrique du Sud (381 milliards de dollars).

Et en 2024, ce sera au tour de l’Afrique du Sud de truster la première place du pays le plus riche du continent avec un PIB de 401 milliards de dollars, devant le Nigeria (395 milliards de dollars) et l’Egypte (358 milliards de dollars).

Ce changement à la tête des pays les plus riches du continent entre les trois grandes puissances s’explique essentiellement par les dépréciations des monnaies vis-à-vis du dollar. Si les PIB de ces trois pays ont augmenté en monnaie locale, mais converties en dollars les richesses créées ont fortement baissé du fait des fortes dépréciations des monnaies, particulièrement du Nigéria et de l’Egypte suite aux «dévaluations» entreprises. Cela expliquerait le recul des PIB du Nigeria et de l’Egypte sur la période 2023-2025, comparativement à ceux de 2022. Ces dévaluations sont à l’origine des révisions fortes des PIB attendus de ces deux pays, comparativement aux projections de l’année dernière du FMI.

Toutefois, à partir de 2025, le Nigeria reprendra sa place de première puissance économique africaine (malgré un PIB prévisionnel inférieur à celui de 2022) et le conservera jusqu’à la fin de la période étudiée. Il faut dire que pour l’Egypte et le Nigeria, les très fortes dépréciations des monnaies résultant des effets combinés de l’appréciation du dollar et des dévaluations initiées par les autorités des deux pays, vont impacter durant plusieurs années le calcul des PIB de ces deux pays exprimés en dollar. Et les monnaies de ces deux pays devront s’apprécier, par la suite, dans le sillage des améliorations économiques.

D’ailleurs, à partir de 2026, ces pays verront leur PIB croître de manière très sensible. Le Nigeria devrait terminer l’année 2028 avec un PIB de 682 milliards de dollars. Le premier producteur de pétrole africain bénéficiera des importants investissements réalisés au cours de ces dernières années (chemin de fer, ports en eau profonde, raffinerie de pétrole, investissements agricoles…) pour accélérer sa croissance.

Evolution des PIB des 10 plus grandes économies africaines de 2022 à 2028 (en milliards de dollars)

Pays2022202320242025202620272028Var 2028/2022
Nigeria47739039545852459968242,98%
Egypte47539835840946152259124,42%
Afrique du Sud40538140141843244545913,33%
Algérie19522423924825525926334,87%
Maroc13114715716617518519548,85%
Angola123949397101106112-8,94%
Ethiopie120156192223249272298148,00%
Kenya11411311512213013814728,95%
Tanzanie7784869210111212461,04%
Côte d’Ivoire7079879410211011868,57%
Total218720662123232725302748298936,67

Source: tableau confectionné à partir des données du FMI

Une lutte contre la corruption qui gangrène le pays et les investissements dans la production d’électricité pourraient aussi accélérer la croissance. De même, les retombées attendues de la raffinerie de Dangote, la plus grande d’Afrique et la 6e au monde, et les effets de la fin des subventions sur les hydrocarbures devraient contribuer à la réalisation de substantielles économies en devises et permettre ainsi de reconstituer les réserves en devises du pays. Cela peut également contribuer à l’appréciation de la monnaie locale, le naira, qui a été affecté par la chute des réserves en devises du pays dans le sillage de la crise qu’a traversé le pays.

Ce sera le cas aussi pour l’Egypte, même si la crise y est plus profonde. Après plusieurs dévaluations, la livre devrait petit à petit retrouver une certaine vigueur. A partir de 2024, la croissance devrait s’accélérer grâce à l’amélioration de l’attractivité économique induite par la dépréciation de la livre auprès des investisseurs étrangers et son impact sur certains secteurs clés comme le tourisme. Sur la période 2024-2028, le PIB va croitre de 65,08% pour s’établir à 591 milliards de dollars.

Pour sa part, l’Afrique du Sud, dont l’évolution du PIB est surtout impactée par des problèmes structurels et dans une moindre mesure par la dépréciation de sa monnaie, le rand, affichera la croissance du PIB la plus faible de seulement 13,33% durant la période étudiée. Les coupures intempestives d’électricité vont continuer à impacter négativement l’économie sud-africaine, à côté de la corruption, de la criminalité…

A noter que durant la période 2022-2028, c’est l’Ethiopie qui devrait afficher la meilleure croissance. Le PIB du pays devrait croître de 148% pour passer de 120 milliards en 2022 à 298 milliards de dollars, soit plus que le double en six ans. Une performance exceptionnelle qui permettra au second pays le plus peuplé d’Afrique, derrière le Nigeria, de passer du 7e rang des pays les plus riches d’Afrique en 2022 à la 4e place continentale. Il est notable que l’Ethiopie est, depuis plus une décennie, l’économie la plus dynamique du continent avec un taux de croissance à deux chiffres durant la décennie écoulée.

Evolution prévisionnelle des PIB des 10 plus grandes économies africaines entre 2022 et 2028

Source: données du FMI

Toutefois, cette dynamique a été perturbée au cours de ces dernières années par le Covid-19, la guerre Russie-Ukraine et bien évidemment le conflit armé au Tigré. Le retour de la paix dans cette région et les impacts de certains projets comme le Grand barrage de la Renaissance éthiopienne qui commence à produire de l’électricité, les investissements directs étrangers, notamment chinois, le développement agricole et des services devraient booster l’économie éthiopienne les années à venir.

Derrière, l’économie algérienne qui bénéficie de l’impact positif du «rebasage» du calcul de son PIB continuera à être tirée par la bonne tenue des cours des hydrocarbures (pétrole et gaz). Toutefois, le pays est appelé à se diversifier pour atténuer sa dépendance des hydrocarbures qui rythment l’évolution de sa richesse. Avec un PIB de 263 milliards de dollars à fin 2028, l’Algérie devrait perdre son rang de 4e rang de puissance économique africaine au profit de l’Ethiopie.

Pour le Maroc, le PIB devrait évoluer de 48,85% entre 2022 et 2028 pour s’établir à 195 milliards de dollars en fin de période. Le pays jouit d’une des économies les plus diversifiées du continent avec l’Afrique du Sud et devrait continuer à bénéficier des évolutions positives de nombreux secteurs stratégiques dont l’automobile, les phosphates et dérivés, l’agriculture et l’agro-industrie, l’aéronautique, l’offshoring, la logistique,…

La Tanzanie et la Côte d’Ivoire qui figurent également parmi les pays les plus dynamiques du continent et intégreront dès 2026 le club très fermé des pays africains ayant dépassé le cap des 100 milliards de dollars avec des PIB respectifs de 124 et 118 milliards de dollars en 2028. Ces deux économies reposent davantage sur l’agriculture, les services et les infrastructures.

A noter que sur la période 2022-2028, un seul pays du Top 10 devrait voir sa richesse créée baisser. Il s’agit de l’Angola dont le PIB devrait reculer de 123 milliards en 2022 à 112 milliards de dollars en 2028, soit une baisse de -8,94%. Le troisième producteur de pétrole du continent, derrière le Nigeria et la Libye, a du mal à réduire sa dépendance des hydrocarbures.

Seule une diversification sectorielle devrait permettre à l’Angola d’afficher une dynamique à même de l’aider à remonter au milieu du tableau des pays les plus riches d’Afrique. En attendant, l’Angola devrait chuter du 6e rang africain des pays les plus riche d’Afrique en 2022 à la 10e place en 2028 avec un PIB de 112 milliards de dollars et serait sous la menace de la RDC qui devrait afficher un PIB de 109 milliards de dollars en fin de la période.

A noter que le Ghana qui figurait dans le Top 10 des pays les plus riches d’Afrique n’en fait plus partie. Le pays traverse une crise aigüe qui s’est traduite par la fonte de ses réserves en devises, une inflation et une dépréciation de sa monnaie vis-à-vis du dollar. Autant de facteurs qui devraient ramener son PIB (exprimé en dollars) sous la barre des 100 milliards à 93,10 milliards de dollars en 2028.

In fine, il faut souligner que les données du FMI ne sont que des projections basées sur une batteries d’indicateurs et d’hypothèses qui peuvent s’avérer justes ou évoluer différemment sous l’effet de moults facteurs exogènes et endogènes.

Par Moussa Diop
Le 21/10/2023 à 12h33