Aucune réaction officielle sur le continent n'a fait suite aux propos calamiteux du ministre algérien des Affaires étrangères, Abdel Kader Messahel, accusant les banques marocaines présentes en Afrique de blanchir l’argent de la drogue et insinuant la complicité des pays africains qui accueillent les entreprises marocaines. En revanche, opérateurs économiques, membres de la société civile et simples citoyens condamnent fermement ces paroles dénuées de tout fondement.
C’est le cas en Mauritanie où l'on s'offusque des allégations du ministre algérien qui semble si mal connaître le fonctionnement du secteur bancaire, mais aussi des organes de régulation et de contrôle, nationaux et internationaux.
Ahmed Ould Cheikh, directeur de publication du journal Calame, qualifie ainsi la sortie du ministre algérien «de dérapage d’une extrême gravité».
Lire aussi : Propos de Messahel contre le Maroc: la presse algérienne indignée
Ibrahima Elimane Kane, directeur général du «Monotel Dar El Barka» l’un des plus importants réceptifs hôteliers de Nouakchott, livre quant à lui son témoignage sur une banque qui joue un rôle capital dans le financement de l’économie mauritanienne et qui a contribué à l’évolution des bonnes pratiques au niveau du secteur bancaire national.
Pour lui, parler de blanchiment au sujet d’une telle institution, occupant une place de choix dans le paysage bancaire africain et mondial aux côtés des plus grands groupes internationaux, relève d’une absence totale de connaissance des règles élémentaires de fonctionnement des institutions bancaires.
Lire aussi : Messahel: de la haine pathologique anti-africaine et anti-marocaine
Abass NGam, responsable de la conformité et du contrôle d’Attijari bank Mauritanie, rappelle le dispositif de la législation mauritanienne dédié à la lutte contre le blanchiment à travers la loi 2005-048 qui réglemente la conversion, le transfert et la manipulation de tous les fonds et biens provenant de tous les crimes et délits.
De plus, au niveau de l’État mauritanien, la Cellule d’analyse des informations financières (CANIF), rattachée à la Banque centrale de Mauritanie (BCM) et dédiée à la lutte contre le blanchiment de capitaux, permet un contrôle rigoureux sur les investissements et les transferts financiers transfrontaliers.
À ce dispositif étatique s’ajoute le dispositif anti-blanchiment au niveau interne d’Attijari Bank Mauritanie.
Enfin, l'ensemble de ce dispositif contre le blanchiment de capitaux a été certifié par le Groupe d’action financière (GAFI). Cet organisme intergouvernemental, créé en 1989, vise à l’élaboration des normes et à la promotion de l’efficacité d'application des mesures législatives, règlementaires et opérationnelles en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux. Des représentants du groupe ont séjourné à Nouakchott en décembre 2016 et ont reconnu le respect du dispositif anti-blanchiment au niveau d’Attijari Bank Mauritanie.
Lire aussi : Algérie: les insanités de Ouyahia et Messahel, un message diplomatique aux pays subsahariens
Reste que les accusations algériennes concernent aussi les pays africains puisque Messahel, qui vient de boucler une tournée au Sahel, accuse les présidents africains d'être derrière les accusations de blanchiment d'argent par les banques marocaines. De même, les autorités africaines de régulations des secteurs bancaires, notamment la Banque centrale d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) et de la Banque des États d’Afrique centrale (BEAC) sont pointées du doigt par le ministre algérien des Affaires étrangères.
Enfin, bizarrement, cette bourde du chef de la diplomatie algérienne intervient alors que son pays semble avoir pris l’option de s’inspirer de l’exemple marocain pour partir à la conquête des marchés de l’Afrique subsaharienne.
Toutefois, les banques algériennes, incapables de se restructurer de l’intérieur, ont du mal à s’internationaliser et à donner un coup de pouce aux entreprises algériennes qui souhaitent se développer à l’international. D’ailleurs, la réaction à fleur de peau de Messahel n'est sans doute pas sans rapport avec le mécontentement des opérateurs économiques algériens qui peinent à percer sur le continent au moment où les entreprises marocaines en Afrique y sont citées en exemple et font figure de modèles.