Algérie-industrie automobile: l'échec pousse Sellal à revoir sa copie

DR

Le 11/04/2017 à 17h18, mis à jour le 11/04/2017 à 17h44

Le gouvernement de Sellal reconnaît que l’industrie automobile algérienne ne décolle pas et que l’intégration locale est quasi nulle. Du coup, l’installation de nouveaux constructeurs est ajournée jusqu’à nouvel ordre. L'Algérie va-t-elle enfin s'inspirer du modèle marocain en revoyant sa politique?

«Le gouvernement est en train d’analyser la situation pour mettre de l’ordre dans le secteur de l’industrie automobile», a déclaré Abdelmalek Sellal, le Premier ministre algérien. De même avait-il dit récemment: «il ne suffit pas de ramener des véhicules en pièces et de les monter ici, et d'inonder le marché». Voilà qui montre bien le désarroi du gouvernement algérien concernant la question du développement du secteur industriel automobile.

Ces déclarations interviennent suite à la polémique née autour de l’usine Hyundai de Tiaret qui semble avoir ouvert les yeux aux dirigeants algériens. L'affaire des importations de véhicules montés auxquels il ne manquait que des roues pour rouler par le groupe Tahkout, a offert une occasion au gouvernement algérien de remettre à plat une politique industrielle qui a largement montré ses limites. 

Il faut dire que contrairement au Maroc où la stratégie d’industrialisation automobile a été mûrement pensée, l’Algérie a opté pour une obligation d’implantation. Cell-ci force les concessionnaires algériens à s’allier avec des constructeurs automobiles étrangers pour monter des unités industrielles. Les concessionnaires automobiles algériens étaient contraints de se conformer à cette nouvelle réglementation avant le 31 décembre 2016 pour continuer à bénéficier des agréments nécessaires à la distribution des véhicules importés sur le marché algérien.

Cette politique a rapidement montré ses limites. Les constructeurs étrangers, au lieu d’opter pour des projets industriels, préfèrent tout simplement installer de petites unités de montage de véhicules pour continuer à bénéficier de la demande locale du marché algérien, le second marché de véhicules neufs du continent derrière l’Afrique du Sud.

Conséquence, à la date d’aujourd’hui, l’Algérie ne compte que trois constructeurs automobiles implantés -Renault, Hyundai et Volkswagen- et le nombre total de véhicules montés par eux aurait à peine atteint les 40.000 unités durant 2016. Seulement, la polémique née de la publication de photos de véhicules Hyundai totalement montés auxquels ils ne restaient que les roues à placer une fois sur place a montré combien il faut relativiser ce chiffre de véhicules montés en Algérie et le réviser à la baisse. Dans ce cas précis, il s'agit plutôt de véhicules importés en l’état.

C’est ce qui pousse aujourd’hui les dirigeants algériens à vouloir remettre de l’ordre dans le secteur. Conséquence immédiate, le Conseil national de l’investissement (CNI) qui devrait examiner les nouveaux projets d’implantations automobiles émanant de Nissan, Suzuki et Kia, a décidé d’ajourner l’étude des dossiers des constructeurs jusqu’à nouvel ordre. Cela n’a toutefois pas empêché Sellal d’annoncer que le projet Peugeot PSA verrait le jour d’ici la fin 2017.

Compte tenu de l’échec de cette politique, de nombreux observateurs pensent que l’Algérie devrait s’inspirer de l’exemple marocain. Outre les incitations accordées aux constructeurs automobiles mondiaux qui s’implantent dans le royaume, ceux-ci bénéficient d’un environnement très favorable grâce à l’existence d’écosystèmes industriels. Renault Tanger a ainsi vu la plupart de ses grands fournisseurs le suivre au Maroc. Parmi eux figurent plus de 20 fournisseurs de rang 1 dont Snop, Valeo, Takata, Sealynx, Treves, GMD, Saint Gobain, Denso et Visteon.

Grâce à cette politique et à cet écosystème, le Maroc a produit 348.000 unités en 2016 et 95% de cette production ont été exportés dans 70 pays dont la France, l’Espagne, l’Italie, la Turquie, l’Arabie Saoudite, etc. En plus, le taux d’intégration locale est aujourd’hui compris entre 25% et 30% et pourrait atteindre 65% à l’horizon 2023.

C'est loin d’être le cas en Algérie où aucun fournisseur de rang ne s’est implanté et où aucun écosystème n’est en place. Outre le fait que la production n’est pas vraiment industrielle, les quantités de véhicules montés sur les chaînes des constructeurs implantés ne suscitent pas vraiment l’intérêt des fournisseurs. De plus, la politique d’investissement qui limite le pourcentage de détention du capital à 49% pour les opérateurs étrangers décourage les fournisseurs de suivre les constructeurs.

Par Karim Zeidane
Le 11/04/2017 à 17h18, mis à jour le 11/04/2017 à 17h44