Tout semble indiquer que le secteur du montage automobile vit ses dernières heures en Algérie sous le coup de boutoir des dernières décisions prises par les autorités algériennes dans le cadre du projet de loi de Finances complémentaire 2020 (PLFC 2020).
Il y avait déjà eu les annonces de fermeture, jusqu’à «nouvel ordre», par Volkswagen et Gloviz qui assemble les véhicules de marque Kia.
Le 20 mai, Renault Algérie Production, qui à défaut d’annoncer un arrêt complet de son activité, multiplie les mises au chômage technique de ses employés depuis mars dernier, a reconduit cette mesure une fois encore.
Cette quatrième annonce de mise en chômage technique suscite quelques appréhensions et inquiétudes du côté du personnel de l’usine implantée à Oued Tlélat dans la wilaya d’Oran.
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En effet, alors que les précédentes mises au chômage couvraient une période d'un mois, la dernière concerne les mois de juin, juillet et août, soit trois mois entiers. Durant cette période, le personnel continuera à percevoir une rémunération correspondant à 70% du salaire de base, contre 80% pour le mois de mai, 90% pour le mois d’avril et 100% en mars dernier.
Avec un délai aussi long, les dirigeants de Renault Algérie Production affichent clairement leur manque de visibilité quant à l’avenir de leur unité de montage, et ce, suite aux deux mesures prises par le gouvernement algérien dans le projet de loi de Finances complémentaire (PLFC), à savoir, l’’annulation du régime préférentiel relatif à l’importation des kits SKD/CKD pour le montage de véhicules et l’autorisation d’importation de véhicules touristiques neufs par les concessionnaires automobiles.
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Certes le PLFC 2020 fait bénéficier le secteur du montage de certaines exonérations fiscales et l’exemption des droits de douane, mais en écartant les importations de kits SKD/CKD du régime préférentiel, il porte un sérieux coup d’arrêt aux unités de montage qui perdent un avantage compétitif indéniable au moment où les concessionnaires automobiles sont autorisés à reprendre du service après plusieurs années d’interdiction d’importer des véhicules neufs.
A cela, il faut ajouter qu'après cinq ans d'activité, Renault Algérie Production ne bénéficie plus depuis novembre 2019 des avantages fiscaux qui lui ont été accordés à son démarrage.
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Dans ce contexte, après la suspension de son activité durant le dernier trimestre 2019 et la mise en chômage technique de son personnel depuis mars dernier (pour une période accumulée de 6 mois), on se demande vraiment si Renault Algérie Production va reprendre son activité, sachant qu'il lui faudrait respecter le cahier de charge qui sera concocté par les autorités algériennes qui ont déjà annoncé un taux d’intégration local minimum de 30%. Or, en la quasi-absence de sous-traitants et de fournisseurs d’équipements locaux, Renault Algérie Production aura probablement du mal à se conformer à cette exigence.
En outre, face à une conjoncture mondiale difficile pour le secteur automobile, dans le sillage de la crise du coronavirus, la société mère de Renault Algérie est elle aussi impactée et envisage de fermer certains de ses sites, y compris en France. Du coup, le site de montage en Algérie, qui n’a jamais atteint les objectifs escomptés, pourrait ne pas constituer une priorité, sachant que les concessionnaires automobiles peuvent désormais approvisionner le marché algérien à partir des importations.
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Certains pensent que l’avenir de l’unité algérienne dépendra du plan de redressement du Groupe Renault qui sera dévoilé le 29 mai courant avec à la clé un plan d’économie de 2 milliards d’euros annoncé en février dernier. Ce plan devant se traduire par la fermeture de sites de production aussi bien en France qu’à l’étranger afin d’aider le groupe français, en difficulté avant même la crise du coronavirus qui a provoqué un effondrement du marché automobile, à se redresser.
Reste que le marché algérien de véhicules neufs, le second du continent africain après celui de l'Afrique du Sud, demeure important pour le groupe français qui souhaitera certainement y garder pied.
L’usine Renault Algérie Production dont l’activité a démarré en novembre 2014, dans le cadre d’une joint-venture, entre l'Entreprise nationale des véhicules industriels (SNVI), le Fonds national d'investissement (FNI) et le Groupe Renault, a assemblé 233.000 unités en cinq ans, en faisant passer sa capacité de production de 25.000 à 75.000 unités/an. A titre de comparaison, le Groupe Renault Maroc a produit dans ses deux unités au Maroc 394.902 unités uniquement en 2019, avec un taux d’intégration local dépassant les 50%.