Paradoxalement, l'Algérie, gros producteur de produits pétroliers, a importé tout au long de ces dernières années jusqu'à 2,2 milliards de dollars par an pour couvrir ses besoins en gasoil et essence. L'une des raisons de cet incroyable déficit en produits dérivés du pétrole est surtout le manque d'entretien des installations dans les raffineries du pays, notamment celle d'Alger qui s'est arrêtée pendant dix longues années pour les besoins de sa rénovation.
En effet, c'est en 2010 que cette raffinerie a vu débuter les travaux de sa mise à niveau et d'augmentation de sa capacité de production. L'objectif initial était de porter sa capacité de production en gasoil à 1,18 million de tonnes/an contre 737.000 tonnes/an avant son arrêt.
Les mêmes ambitions étaient nourries pour l'essence dont la production maximale était censée passer de 400.000 t/an à 1,3 Mt. Pour sa part, le GPL devait aller de 88.700 t/an à 270.000 t/an en termes de production possible.
Enfin, la capacité globale de stockage devait augmenter de 73%.
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Malheureusement, ce projet a été un véritable fiasco et les décisions hasardeuses vont se succéder dans la gestion de la relation avec les entreprises prestataires.
Après dix années de travaux, la raffinerie d'Alger ne peut pas produire plus 900.000 tonnes de divers produits raffinés par an, malgré un investissement d'un milliard de dollars pour sa rénovation. Un résultat bien maigre, pour une raffinerie qui a démarré en 1964 avec une capacité de 3,6 millions de tonnes pas an.
Par exemple, l’unité de cracking de dernière génération devant permettre de produire de l'essence et du gasoil à partir de fuel-oil n'est toujours pas livrée, alors qu'elle est censée avoir une capacité d'un million de tonnes par an.
L'historique de ce projet de rénovation révèle tout l'amateurisme des dirigeants algériens. Car, c'est en 2010 que la décision de la remettre à niveau a été prise et les travaux ne devaient durer que quelques... mois, 21 plus précisément.
Ainsi, le projet est confié au groupe français Technip qui était alors mieux-disant que son concurrent, le consortium coréen Hyundai-ingeneering-Hyundai EPC. Le coût était évalué à seulement 682 millions d'euros à l'époque. Sauf que l'audit qu'avait présenté la Sonatrach dans son cahier de charges n'avait pas tout révélé de l'ampleur des travaux pour que la raffinerie soit remise en fonction.
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Quand Technip découvre que les Algériens cachaient l'ampleur des travaux, elle demande légitimement une rallonge de 300 millions de dollars afin de poursuivre sereinement la réalisation du contrat de réhabilitation. C'était en 2015 et les Algériens s'impatientaient d'éjà compte tenu du retard constaté. Cet avenant lui est refusé et Technip claque la porte avec fracas, plie bagages et rentre en France.
Les oligarques qui étaient aux affaires trouvent que c'était mieux de faire appel à l'expertise des Chinois de la China Petroleum Engineering and Construction (CPECC) qui ont demandé, non plus les 300 millions de dollars de Technip, mais 70 millions supplémentaires.
Etonnamment, les responsables algériens acceptent ce deal 22% plus cher que la rallonge que demandait le français. Ainsi la China Petroleum Engineering and Construction (CPECC) s'attèle à la tâche et livre l'usine réhabilitée, mais sans être upgradée pour le cracking, fin 2018. Et en janvier 2019, elle est inaugurée en grande pompe.
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Problème: les installations chinoises de CPECC ne parlent pas le même langage que celui des Français de Technip. L'usine ne fonctionne donc pas. Il faut de nouveau faire appel à Technip qui revient pour travailler avec les Chinois et leurs homologues algériens pour régler les incompatibilités techniques.
Evidemment, l'Algérie n'est pas encore tirée d'affaire, puisque beaucoup reste à faire au niveau de cette raffinerie, sans compter les conséquences des décisions hasardeuses prises entre-temps. Car, faut-il le rappeler, la Sonatrach a acheté une vieille raffinerie sicilienne construite en 1949 et dont les installations sont manifestement obsolètes. Le carburant exporté vers le Liban à partir de cette unité italienne a d'ailleurs terni les relations entre l'Algérie et le Liban à cause de pratiques de corruption pour que les Libanais ferment les yeux sur la qualité.