Algérie: le projet irréaliste de Tebboune qui veut faire de Tamanrasset un hub aérien

Aéroport Haj Bey Akhamok de Tamanrasset.

Aéroport Haj Bey Akhamok de Tamanrasset. . DR

Le 22/10/2020 à 13h59, mis à jour le 22/10/2020 à 14h10

En plus de nécessiter un investissement colossal, le projet visant à faire de Tamanrasset un hub entre l'Europe et l'Afrique fait face à d'insurmontables contraintes.

Abdelmadjid Tebboune et son gouvernement sont toujours à la recherche d'une solution miracle pour sortir le pays de sa dépendance au pétrole. La dernière idée évoquée en Conseil des ministres est de faire de Tamanrasset un hub aéroportuaire permettant de desservir l'Afrique subsaharienne à partir de l'Europe en passant par cette ville située à près de 2.000 km au sud d'Alger.

Le quotidien français Le Point estime qu'il s'agit d'un projet qui manque de réalisme pour plusieurs raisons. La première est que pour faire d'un aéroport une escale rentable, il faut une solide clientèle, jusqu'à 30% des passagers remplissant les avions, et dont la destination finale ou le point de départ est justement cette ville choisie comme hub.

Pour le cas d'espèce, Tamanrasset ne répond pas à ce critère, puisque le nombre des passagers n'y dépasse pas 100.000 par an. Autant dire que le pari n'est pas gagné d'avance. A titre de comparaison, l'aéroport Mohammed V de Casablanca, considéré comme un hub, a reçu en 2019 quelque 10,3 millions de passagers. Et ce, parce qu'une bonne partie de ces voyageurs sont des touristes ou des Marocains résidents à l'étranger dont la destination finale est le Royaume.

Si l'Algérie veut faire de Tamarasset un lieu de transit rentable, comparable à Casablanca, il faudrait jusqu'à 3 millions de touristes qui se décident à visiter le désert du Sahara et 7 autres millions devant y transiter pour rejoindre Lagos, Dakar, Addis Abeba, le Cap, Abidjan, en Afrique subsaharienne ou Paris, Bruxelles, Londres, Madrid pour ce ce qui concerne l'Europe.

C'est là que vient l'autre difficulté majeure à laquelle un tel projet est confronté. En effet, pour autant de voyageurs et de destinations, il faudra non seulement une compagnie aérienne de classe mondiale, mais aussi un aéroport digne de ce nom, avec toute l'infrastructure hôtelière que cela suppose.

Or, côté compagnie aérienne, Air Algérie n'est pas au mieux de sa forme. C'est d'ailleurs pourquoi les autorités algériennes veulent la sortir de l'ornière par cette solution tarabiscotée. Mais toujours est-il que ce n'est pas avec sa flotte de 56 avions, dont la moyenne d'âge est de 11 ans et qui comporte 15 ATR de faible capacité, qu'elle pourra y parvenir. Il lui faudra penser à investir dans une quarantaine, voire une cinquantaine de nouveaux avions. Ce qui représentera plusieurs milliards de dollars d'investissement. Pour le moment, Air Algérie, comme la plupart des compagnies de par le monde, a d'autres chats à fouetter.

Concernant la construction d'un aéroport moderne, cela reste possible. Mais pas dans l'immédiat, puisque l'Algérie fait face à la plus grave crise économique et financière de son histoire à cause de la chute vertigineuse des cours du pétrole. A titre de comparaison, rien que pour l'extension du terminal 1 de l'aéroport Mohammed V de Casablanca, il a fallu que l'Office national des aéroports (ONDA) débourse quelque 150 millions d'euros, alors que la construction d'un deuxième terminal avait coûté en 2007 quelque 100 millions d'euros. A priori, de telles sommes seront dans les cordes de l'Algérie dès que les cours du pétrole remonteront suffisamment.

Il reste néanmoins deux autres problèmes à surmonter. Le premier est lié à la situation en altitude de l'aéroport de Tamanrasset qui culmine à 1.300 m, mais également à la température qui dépasse dans cette contrée une moyenne de 35°C. Des conditions qui rendent difficile le décollage des avions, notamment ceux qui portent de lourdes charges.

Enfin, l'autre difficulté à surmonter est d'ordre technique, puisque l'Algérie devra signer de nouvelles conventions avec les pays partenaires pour l'ouverture de nouvelles lignes à partir de Tamanrasset, en plus ou en remplacement de celles qui ont Alger comme point de départ ou d'arrivée. En effet, ce n'est pas en faisant une simple déclaration qu'il sera possible de relier Tamanrasset à Dakar, il faudra que les autorités sénégalaises donnent leur aval, idem pour Abidjan, pour Lagos, Addis Abeba, etc. Même si l'équation n'est pas insoluble, il faut reconnaître que ce dossier doit être géré avec beaucoup de délicatesse.

Tous ces éléments font que le projet paraît irréaliste. Tamanrasset sera peut-être, dans une décennie ou deux, le premier hub aéroportuaire créé de toutes pièces ou presque, mais, il faudra attendre de le voir pour le croire.

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 22/10/2020 à 13h59, mis à jour le 22/10/2020 à 14h10