Le marché parallèle de devises connaît une certaine effervescence à Algérie. Signe qui ne trompe pas qu’après une longue hibernation à cause de la pandémie du Covid-19, l’espoir pour les Algériens de voyager à nouveau, à l’instar d’autres populations du continent, est grand. Du coup, de nombreux Algériens se préparent activement pour changer d’air. Et pour cela, il faut au préalable disposer des devises nécessaires pour se rendre à l’étranger, notamment l’euro, sachant que les principales destinations des Algériens demeurent la France, l’Espagne, etc.
La reprise des vols domestiques laissant entrevoir une reprise des vols internationaux a ainsi entrainé une certaine frénésie au niveau du marché parallèle de devises -sachant que le marché normal est quasi-inexistant.
Du coup, les cambistes clandestins de Bab-El Oued, marché de change de référence, anticipent une forte demande en devises, notamment en euro, de la part des voyageurs algériens qui seront nombreux à vouloir se déplacer à l’étranger dès que les frontières s’ouvriront.
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Une situation qui s’est traduite par une flambée des devises (euro et dollar) vis-à-vis du dinar algérien. L’euro et le dollar se sont appréciés malgré l’arrêt des voyages des touristes algériens et donc une baisse de la demande de devises durant les 8 derniers mois de l’année ont retrouvé de la vigueur avec des hausses quotidiens vis-à-vis de la monnaie algérienne.
Ainsi, actuellement, alors qu’au niveau des banques, l’euro s’échange à 158 dinars algériens l’unité, au niveau du marché parallèle, il faut 205 dinars pour un euro. Certains analystes pensent que l’euro pourrait rapidement s’échanger au-dessus des 230-250 dinars à l’annonce de l’ouverture des frontières avec l’Europe.
La demande des voyageurs n’est pas le seul facteur explicatif de la dépréciation inquiétante du dinar algérien. L’autre facteur qui explique cette dépréciation du dinar face à l’euro et au dollar est volontaire.
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En effet, les autorités algériennes, après avoir longtemps refusé une dévaluation du dinar sous les injonctions du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, ont depuis plusieurs mois laissé filer le dinar face aux deux principales devises étrangères.
Cette volonté a été d’ailleurs clairement exprimée dans le projet de loi de Finances 2021. Il y est question de dépréciation du dinar aussi bien en 2021 qu’en 2022. Ainsi, le PLF 2021 prévoit une cotation annuelle moyenne du dollar de 142,20 dinars en 2021 à 149,31 dinars en 2022 et 156,78 dinars en 2023.
En clair, la dépréciation du dinar algérien est une «dévaluation déguisée» vis-à-vis de l’euro et du dollar. «Le ministère des Finances, via la Banque d’Algérie, est en train de dévaluer le dinar», a expliqué le Pr Abderrahmane Mebtoul, expert international.
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Si cette «dévaluation» ne rend pas les exportations algériennes plus compétitives du fait que le pays n’exporte presque que les hydrocarbures dont le prix est fixé sur le marché international et ne contribuera pas à attirer des investisseurs étrangers à cause d’un environnement des affaires peu favorable, il contribue néanmoins à améliorer les ressources budgétaires sachant que les recettes tirées des hydrocarbures représentent 60% des ressources du budget du pays. Du coup, les devises des importations, en baisse à cause de la chute des cours du baril de pétrole, devraient contribuer à réduire le déficit budgétaire (exprimé en dinars) par le truchement de la dépréciation du dinar en gonflant artificiellement les recettes fiscales tirées des exportations des hydrocarbures (en dollars).
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Ce mécanisme artificiel permet de réduire un peu l’abyssal déficit mais ne constitue pas une solution à la grave crise économique que traverse l’Algérie sans compter ses effets sur l’inflation. Et ce d’autant que certains analystes n’excluent pas le recours à la planche à billets pour faire face au déficit budgétaire abyssal qui devrait dépasser les 15% du PIB. Entre la dévaluation et la possibilité de recourir à la planche à billets face à la crise financière, il faut craindre une hyperinflation qui impactera encore plus le pouvoir d’achat des citoyens.