Comment peut-on prétendre à la place de quatrième économie du continent africain et ne disposer que d'une monnaie de singe? Le dinar algérien a perdu près de la moitié de sa valeur en l'espace de 5 ans. Le contraste avec le Maroc.
En effet, depuis janvier 2015, le dinar algérien a perdu 27% de sa valeur par rapport à l'euro. Ce dernier, qui s'échangeait à 99,09 dinars en janvier 2015 a considérablement pris de la valeur pour atteindre 136 dinars actuellement, voire 214 dinars pour un euro au marché noir.
Sur cette même période, le dirham marocain n'enregistre qu'une faible variation de 2%. Le dirham a même réussi à regagner ce qu'il avait perdu suite à l'annonce de la mise en oeuvre d'une politique de flottabilité. En effet, au mois de février dernier, pris de panique, au Maroc beaucoup ont voulu se réfugier dans l'euro, ce qui a porté la monnaie européenne à 11,40 dirhams, son plus haut niveau des cinq dernières années. Mais la solidité de l'économie marocaine a vite permis au marché intérieur de revenir à la raison. De sorte qu'actuellement, l'euro n'est plus qu'à 10,89 dirhams, soit son plus bas niveau des 15 derniers mois.
C'est dire que dinar algérien et dirham marocain semblent avoir pris des trajectoires diamétralement opposées. Le premier ne cesse de perdre de la valeur face aux devises internationales, alors que le second reste droit dans ses bottes.
Ce recul permanent du dinar face à l'euro et au dollar s'explique par les fondamentaux d'une économie algérienne trop dépendante des hydrocarbures. Or les cours du pétrole restent à un niveau relativement bas depuis la correction opérée en 2014. Certes, il y a eu un net redressement à partir de juin 2017, qui a permis au brent de passer d'un cours de 45 dollars en moyenne à 72 dollars. Mais, on reste très loin de la période faste, entre janvier 2011 et septembre 2014, pendant laquelle le baril de brent n'est jamais descendu en deçà de 88 dollars.
Malheureusement, les centaines de milliards de dollars de recettes engrangées par l'Algérie au moment où la moyenne des cours du pétrole dépassait largement 100 dollars, n'ont servi qu'à mettre en lumière l'absence de vision des dirigeants algériens. En effet, croyant cette manne définitivement acquise, le gouvernement algérien s'est lancé dans une folie dépensière en augmentant les salaires et en lançant des travaux qu'il n'était pas sûr de terminer.
Il faut rappeler que, pour faire taire la gronde issue de la contamination du printemps arabe, le gouvernement algérien a acheté la paix sociale. Entre 2009 et 2011, l’Algérie a augmenté le Smig de 50%, le faisait passer de 120 à 180 euros.
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Ainsi, en 2011 le salaire moyen dans le secteur public avait déjà atteint 41.200 dinars, contre 29.400 dinars dans le privé. C’est dire que le gouvernement algérien n’y est pas allé de main morte dans sa stratégie d’apaisement. Et c’est comme cela que d’année en année, les salaires ont augmenté. En 2012, le Smig est allègrement passé de 15.000 à 18.000 dinars. En 2014, année d’élection présidentielle, on a procédé à un nouvel arrangement. Ainsi, le salaire du public passe-t-il à une moyenne de 52.700 dinars, selon l’Office national des statistiques (ONS), alors que le privé atteint un salaire moyen de 31.000 dinars.
Cette augmentation des salaires est le meilleur moyen de créer un déséquilibre entre l'offre et la demande de devises. Car, faut-il le rappeler, les Algériens thésaurisent en devises. Et quand ils ont un dinar en plus, ils ne se privent pas de passer l'été dans les pays voisins, notamment en Tunisie ou au Maroc, ce qui est autant d'occasions d'achat de devises. La hausse des salaires aussi est un moyen certain de consommer davantage de produits importés, car la quasi-totalité des produits manufacturés consommés localement viennent de l'étranger. Pour sa part, le gouvernement algérien a lancé beaucoup de chantiers comme la grande mosquée d'Alger, les infrastructures routières ou les tramways qui sont autant de motifs d'importations et donc de sorties de devises.
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Parallèlement à ces décisions dispendieuses, le pays ne tardera pas à connaître un tarissement de la manne financière avec la chute des cours du pétrole, et l'assèchement des réserves. Ainsi, le Fonds de régulation des recettes (FRR) qui avait atteint un pic de 72 milliards de dollars en 2012 a été complètement vidé début 2017. Ce fonds, faut-il le rappeler, était destiné à recevoir les excédents de recettes devant servir lors des années de vaches maigres. Il n'aura pas tenu plus de trois ans, après le début de la chute des cours du pétrole à partir de juin 2014.
Actuellement, si la chute du dinar s'est accélérée, c'est en partie parce que le gouvernement algérien a décidé de recourir à la planche à billets pour financer le déficit budgétaire, au lieu de privilégier l'endettement extérieur. Ainsi, la masse monétaire augmente, alors que l'offre en devises ne cesse de baisser.
D'ailleurs, sur le marché noir à Alger, l'euro s'échange à 214 dinars, ce qui est très loin des 134 dinars officiels.
C'est peut-être là que réside l'une des différences fondamentales avec la réalité du dirham marocain. On ne saurait parler de l'existence de marché noir de devises au Maroc, car les banques sont en mesure de répondre favorablement à la demande que leur adressent aussi bien les entreprises que les particuliers désireux de voyager. D'autant que la dotation touristique au Maroc est de 40.000 dirhams par voyageur et par an, soit près de 3.500 euros, là où elle n'est que 120 dollars pour les Algériens.
Autre différence avec l'économie algérienne, au Maroc, quand les cours du pétrole baissent c'est plutôt une bonne nouvelle. Ainsi, le recul du prix du baril entre 2014 et 2018 a permis de réduire sensiblement les déficits jumeaux. De plus, l'économie marocaine, de plus en plus diversifiée, parvient à résister davantage aux chocs extérieurs.