Face à la crise multidimensionnelle que traverse l’Algérie et à la multiplication des tensions sociales, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a souhaité rassurer les Algériens par le biais d’une sortie médiatique bien orchestrée avec les responsables de médias locaux, le lundi 1e mars 2021.
Au-delà de faire croire aux Algériens qu’il est le chef suprême des armées et que c’est lui qui tient les rennes du pays entre ses mains, donnant une idée claire des tiraillements entre l’exécutif et la hiérarchie militaire, cette sortie du Président a été l’occasion de revenir sur les grands maux de l’Algérie.
Ainsi, le président Tebboune est revenu sur la situation financière du pays et plus particulièrement sur le sujet préoccupant des réserves de change. D’emblée, le président a reconnu que l’Algérie "n’est pas dans une situation d’aisance financière". Un euphémisme, diront certains, tant la crise financière est devenue préoccupante depuis la chute du cours du baril de pétrole en 2014.
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Et comme d’habitude, le président Tebboune a rassuré les Algériens en soulignant que le pays est "en mesure d’honorer ses engagements financiers". Mieux, il a donné des chiffres qui paraissent gonflés par rapport aux prévisions les plus optimistes en avançant que les réserves de change oscillent entre 42 et 43 milliards de dollars.
Une chose est sure, la situation des réserves de change préoccupe le Président. Malheureusement, à l’instar de son prédécesseur Abdelaziz Bouteflika et des gouvernements qui se sont succédés depuis Abdelmaleck Sellal (septembre 2012-mars 2014, puis avril 2014-mai 2017), Tebboune n’a pas varié la recette pour faire face à l’érosion des réserves de change du pays. Le maître-mot reste "la maîtrise des dépenses d’importation". Il faut agir sur une seule variable, faire baisser la facture des importations en interdisant celles de nombreux biens et en mettant en place des quotas pour d’autres ou en surtaxant certains produits, quelles qu'en soient les conséquences. Mieux, pour pousser tout le monde à rogner sur les dépenses, il a donné l’exemple de l’ancien directeur d’Air Algérie qui a lancé un appel d'offres pour importer des produits pour le service handling de la compagnie de quelques dizaines de milliers d’euros et qui a été viré à la suite de cette opération.
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Seulement, les chiffres qu’il a avancés sont trompeurs. S’il répète que la facture des importations qui était de 60 milliards de dollars a été réduite grâce à cette politique, il n’explique pas pourquoi parallèlement les réserves de change continuent à chuter inexorablement. D’ailleurs, c’est durant la période de mise en place de cette politique par l’ancien Premier ministre Sellal que l’hémorragie des réserves en devises s’est accélérée. Celles-ci sont passées de 194 milliards de dollars en 2014 à moins de 30 milliards de dollars à fin 2020, selon diverses sources, loin des 42 et 43 milliards de dollars avancés lors de l’entretien par le président Tebboune.
Ainsi, en misant toujours sur cette "solution" de facilité qui a montré ses limites, le Président va aggraver les conséquences catastrophiques de cette politique sur l’économie du pays et sur les citoyens.
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D’abord, la baisse drastique des importations, pour un pays qui ne produit pas grand chose, se traduit par l’arrêt d’un pan de l’économie, notamment des unités industrielles qui utilisent des équipements importés, des matières premières et des demi-produits. Dans ce cadre, avec la mise en place des listes de produits interdits d’importation, certaines industries sont à l’arrêt. De même, les politiques mises en place pour freiner les importations de kits pour les montages des véhicules, de l’électronique et de l’électroménager se sont traduites par un quasi arrêt de tous ces secteurs naissants qu’il aurait fallu accompagner et encadrer autrement en faisant éclore des écosystèmes industriels à même d’apporter de la valeur ajoutée locale.
Par ailleurs, cette politique s’est traduite par des pénuries de produits. Ainsi, depuis plus d’un an, les Algériens sont privés de voitures neuves et les prix des véhicules d’occasion sont devenus beaucoup plus élevés que ceux des neufs.
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En outre, cette politique s’est traduite par une inflation sur de nombreux produits, la production, quand elle existe, étant insuffisante pour faire face à une demande croissante d’une population de 44 millions d’habitants. Et ce sont les citoyens qui trinquent avec la baisse de leur pouvoir d’achat, en plus du fait d’être sûrs de ne pas pouvoir toujours acheter des produits de qualité. Ainsi, le président Tebboune s’est réjoui du fait que l’Algérie n’a importé ni fruits, ni légumes en 2020.
Seulement, le Président ne pipe mot sur l’envolée des prix de certains fruits. Une seule banane coûtant jusqu’à 180 dinars, soit 1,3 euro.
Enfin, avec cette austérité, l’Algérie devrait continuer à geler la réalisation de nombreux projets qui induiraient des importations de biens d’équipements de l’étrangers qui s’avèrent toutefois nécessaires pour relancer l’activité économique du pays en quasi arrêt.
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Reste que toute cette politique vise une chose, éviter le recours à l’endettement extérieur, notamment auprès du Fonds monétaire international (FMI), ce qui serait synonyme de conditionnalité. Un dogme auquel tiennent encore les caciques du régime algérien, au nom d’une idéologie politique dépassée, même s’ils commencent à lâcher du lest.
L’institution avait demandé à l’Algérie depuis quelques années, avant même que la crise ne soit si aiguë, d’entreprendre des réformes structurelles et de revoir sa monnaie surévaluée. Les dirigeants ont certes accepté de "dévaluer" en sourdine le dinar algérien pour booster leurs recettes budgétaires et atténuer le déficit budgétaire, mais n’ont entrepris, à aujourd’hui, aucune réforme en profondeur pour relancer l’économie algérienne sur des bases solides. Pire, la politique de sortie de la rente pétrolière annoncée par le président Tebboune n’a pas connu une once de suite durant l’année écoulée.