La manne pétrolière algérienne, c'est bientôt de l'histoire ancienne et les clients européens qui comptent tant sur ce fournisseur situé à un jet de pierre du vieux continent, doivent en prendre conscience dès aujourd'hui. Voilà en résumé, la principale conclusion qui se dégage d'une étude pour le compte du ministère français de la Défense.
L’Europe s’inquiète du déclin pétrolier de ses fournisseurs en hydrocarbures, particulièrement de l’Algérie. C’est ce qui ressort d’un rapport stratégique du think tank Shift Project intitulé: «Approvisionnement pétrolier futur de l’Union européenne: état des réserves et perspectives de production des principaux pays fournisseurs». Commandée par la Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS), organisme relevant du ministère français des Armées, cette étude explique en détail le déclin pétrolier inexorable de l’Algérie.
La fin a débuté, il y a 50 ans
Pour ces experts, la fin de la manne pétrolière algérienne a démarré dès les années 1970. Si durant la décennie 1960, la production d’hydrocarbures a augmenté de 18% par an, le rythme de croissance a très fortement chuté à partir de la décade suivante pour se situer à seulement 1,6% par an en moyenne et ce, jusqu’en 2007, année au cours de laquelle la production pétrolière algérienne a atteint un pic de 1,9 million de barils/jour. Et depuis, le volume extrait du sous-sol pique du nez. En 2019, l’extraction d’hydrocarbures liquides était en recul de près de 24% par rapport au pic de 2007.
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Ce déclin est confirmé par le fait que l’Algérie a du mal à atteindre son quota d’exportation, fixé par l’OPEP. Ainsi, pour 2021, alors que l’organisation des pays exportateurs de pétrole l’autorisait à produire jusqu’à 1,05 million de barils/jour, l’Algérie n’a pas pu dépasser les 878.000 barils/j en février dernier.
Cette situation s’expliquant par le fait que «la multiplication des mises en production de champs de taille tendanciellement décroissante n’a pas permis de compenser le déclin des champs géants matures et d’enrayer la baisse de la production nationale depuis 2007».
Une production basée sur des découvertes vieilles de plus de 20 ans
Selon le think tank, le déclin des champs pétroliers en exploitation s’explique d’abord par le fait que «la quasi-totalité de la production à la date de 2020 provient de champs dont la date de découverte est antérieure à 2000. La production de ces champs devrait diminuer de près de 50% à 2030 et de 92% à 2050».
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Ensuite, les découvertes de nouveaux gisements de pétrole n’ont pas été concluantes. En effet, selon les rédacteurs du rapport, «le premier cycle de découverte se compose au total d’environ 80 champs pour un total de 22 milliards de barils. Le second cycle a permis la découverte de plus de 40 champs, mais pour un total de moins de 5 milliards de barils».
En cause, la baisse significative et continue de la taille moyenne des champs pétroliers depuis l’indépendance. Alors que la taille moyenne des champs découverts était régulièrement supérieure à 100 millions de barils jusqu’au début des années 1970, ce seuil a baissé à 75 millions pour les découvertes réalisées entre 1990-1995 et moins de 50 millions depuis le milieu des années 1990.
Ainsi, les réserves pétrolières de l’Algérie ont fortement baissé pour ne représenter qu’un volume de 6 milliards de barils, pour des découvertes cumulées s’établissant à hauteur de 27 milliards de barils. Ce qui veut dire que depuis les premières découvertes durant les années 1950, l’Algérie a déjà exploité environ 79% du total de ses réserves découvertes à ce jour.
Un seuil de rentabilité de 100 dollars!
Le reste des réserves assure encore 17 années d’exploitation au rythme de 2020, soit moins d’un million de barils de pétrole par jour. Et ce niveau de production n’est atteint que grâce à un procédé de réinjection de gaz dans les puits de pétrole pour accroître la pression et, par conséquent, la production pétrolière.
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Seulement, exploiter c’est une chose, le faire de manière rentable en est une autre. Et pour l’Algérie, selon les analystes du think tank français, le déclin pétrolier est d’autant plus inévitable que le coût de production et d’exploitation des réserves de pétrole restantes est très élevé.
Selon les rédacteurs du rapport, «la multiplication des mises en production de champs de taille tendanciellement décroissante se conjugue au fait que les deux-tiers des réserves restantes présentent un point mort (seuil de rentabilité, Ndlr) estimé très élevé, supérieur à 100 dollars par baril». Autrement dit, pour les deux-tiers des réserves de pétrole restantes, l’Algérie a besoin d’un cours du baril de pétrole de 100 dollars pour que l’exploitation de son pétrole ne se fasse pas à perte.
"L'Algérie est-elle encore un pays pétrolier?"
Or, avec un cours actuel du baril de pétrole se situant sous les 100 dollars -il vient de passer la barre des 70 dollars-, ces nouveaux gisements de pétrole risquent de ne pas pouvoir être exploités à court et moyen termes de manière rentable. D’autant plus que toutes les projections des institutions financières et institutions spécialisées dans le domaine de l’énergie estiment qu’il est très peu probable que le cours du baril franchisse la barre des 100 dollars.
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En conséquence, ces gisements pourront difficilement être exploités en raison d’un problème de rentabilité. Donc, seul le tiers des réserves restantes permet à l’Algérie de continuer d’exploiter son pétrole de façon rentable.
Partant, à cause du «résultat du taux élevé de déplétion (diminution, Ndlr) des réserves (79%) et des faibles perspectives de renouvellement, la production de pétrole brut de l’Algérie devrait poursuivre son déclin à un rythme comparable à celui observé depuis le pic de 2007, pour s’établir en 2030 à 38% en dessous du niveau de 2019 (0,7 Mb/j), et 65% en dessous en 2050 (0,4 Mb/j)», conclut les analystes du rapport.
C’est dire que l’Algérie n’est pas en mesure de profiter de l’embellie des prix du baril de pétrole qui ont franchi la barre des 70 dollars, pour la première fois depuis bientôt 2 ans. Avec presque 1% des exportations de l’OPEP, c’est logiquement que l’agence de presse américaine Bloomberg, qui fait autorité à Wall Street, s’est interrogée en février 2021: «l’Algérie est-elle encore un pays pétrolier?».