Algérie: un consultant décrypte les menaces qui pèsent sur le pays

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Le 21/03/2017 à 19h04, mis à jour le 21/03/2017 à 20h06

Crise financière, menace sécuritaire, risque et incertitudes politiques, toutes ces données font que la situation algérienne est jugée plus que préoccupante. Un consultant indépendant décrypte ces menaces.

Kiosque le360 Afrique: L’Algérie est-elle vraiment menacée? La question mérite d’être posée et profondément analysée face aux multiples problèmes que traverse ce pays maghrébin.

C’est ce qu’a fait Roland Lombardi, Consultant indépendant, associé au groupe d’analyse de JFC Conseil, dans un article intitulé: «L’Algérie est-elle vraiment menacée?», publié par kapitalis.com.

Pour le consultant, une kyrielle de facteurs concourt à démontrer l’existence de cette menace. D’abord, au niveau sécuritaire, «l’attentat suicide revendiqué par l’organisation terroriste de l’Etat islamique (Daech), [qui] a été déjoué à Constantine», montre bien que le terrorisme constitue toujours une menace sérieuse en Algérie et ce d’autant que le pays connaît «une guerre au sud (Sahel) et le chaos à l’est (Libye)», doit tenir compte des menaces terroristes en Tunisie et entretient des relations toujours tendues avec le Maroc. Autant dire que «pour l’Algérie, le contexte national et international reste incertain».

Outre le contexte sécuritaire, l’Algérie fait face à la chute du cours du baril de pétrole. Or, «l’économie algérienne est fortement dépendante du secteur des hydrocarbures. Celui-ci représente 98% des exportations, 58% des recettes budgétaires et 28% du PIB», rappelle le consultant. Or, on note que les cours du baril de pétrole n’arrivent pas à se redresser comme le souhaite Alger, en dépit des efforts fournis dans le cadre de l’OPEP. Partant, «l’Algérie connaît donc inévitablement des difficultés».

Et les mesures prises pour endiguer la crise et notamment le déficit budgétaire ont aggravé la vulnérabilité des ménages avec la spirale inflationniste qui a suivie la hausse des taxes et des prix, suite à l’adoption de la nouvelle loi de finances 2017. Ainsi, l’inflation élevée de plus de 10% réduit considérablement le pouvoir d’achat des consommateurs algériens. Dans ces conditions, «il est normal que certains experts économiques soient très inquiets, surtout si nous ajoutons à cela les tensions sociales et une croissance démographique galopante», explique Lombardi.

Au niveau politique aussi, «il y a toujours des luttes de clans au sein du pouvoir algérien mais le système reste sérieux, dur et solide», grâce notamment aux changements intervenus au cours de ces derniers mois au sein de plusieurs institutions: le Département du renseignement et de la sécurité (DRS), le FLN, l'Etat-major, etc.

Pour autant, souligne le consultant, «l’Algérie n’est pas en train d’entrer dans une phase d’instabilité». Il faut dire que grâce à la manne pétrolière, l’Algérie a pu éviter de subir le «Printemps arabe», en achetant la paix sociale à coup de subventions des produits de première nécessité.

Seulement, la situation a évolué. La chute du prix du baril de pétrole depuis 2014 a beaucoup amoindri le matelas des réserves financières en devises du pays poussant l’Etat à revoir sa politique de redistribution. La hausse des taxes ayant entraîné les émeutes de Béjaïa, la tension sociale demeure perceptible. «Il reste à savoir si les échecs, souvent tragiques, des Printemps arabes dans la région suffiront à eux seuls à calmer leur [celui des Algériens] désarroi et leur colère…».

Du côté sécuritaire, les islamistes algériens sont très fractionnés. Pour le consultant, «pour l’instant, aucun groupe jihadiste local ou étranger ne menace sérieusement l’Etat algérien. Les militaires et les services spéciaux algériens les connaissent trop bien (certains évoquent même des rapports ambigus entre Alger et les groupes jihadistes du Sahel, c’était déjà le cas durant la décennie noire avec certains groupes islamistes armés,…)».

En plus, «la coopération avec les services français, tunisiens, et égyptiens, voire avec les renseignements marocains, s’est considérablement renforcée et la priorité est donnée à la lutte contre Daech et Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi)», soutient Lombardi.

Reste que le grand défi auquel est confrontée l’Algérie demeure l’économie. «De 1999, année de l’arrivée au pouvoir d’Abdelaziz Bouteflika, à 2014, date du début de la crise pétrolière, Alger a encaissé entre 800 et 1.000 milliards de dollars de revenus issus des hydrocarbures! Pourtant, aucune politique industrielle n’avait été lancée et aucun véritable plan de développement agricole n’avait été engagé».

Ainsi, malgré son énorme potentiel, «faute d’avoir amorcé une véritable révolution copernicienne de son modèle économique, la situation algérienne est, il est vrai, plus que préoccupante».

L’économie du pays reste trop dépendante de la rente pétrolière et gazière faute d’une concrète diversification de l’économie du pays. Conséquence, l’Algérie, malgré son potentiel agricole, «est le pays qui importe le plus (21%) et qui exporte le moins (0,28% de produits agroalimentaires». Et la seule sortie de crise économique dépend d’une nouvelle flambée des cours du baril de pétrole qu’aucun expert n’entrevoit pour le moment

Enfin, l’autre énigme reste l’après-Bouteflika. Toute la région s’en inquiète? Selon le consultant, «sauf coup de théâtre, la transition au palais d’El-Mouradia, le siège de la présidence, se fera en douceur», grâce aux trois hommes clés: Saïd Bouteflika, le général Ahmed Gaid Salah et le général Tartag, le patron du DRS.

Partant, «un scénario noir, à court terme, ne semble donc pas vraisemblable. A long terme, c’est une autre histoire. La courbe démographique pourrait avoir des conséquences catastrophiques», souligne Lombardi. 

Par Karim Zeidane
Le 21/03/2017 à 19h04, mis à jour le 21/03/2017 à 20h06