Algérie : la quasi-totalité des frontières avec les pays limitrophes fermées

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Le 02/08/2017 à 17h04, mis à jour le 02/08/2017 à 17h10

Alors que c'est l'un des pays africains ayant le plus grand nombre de pays frontaliers, l'Algérie est curieusement très isolée. Cette situation est renforcée par le fait que le pays préfère mener une politique autarcique sur le plan économique, au moment où sa diplomatie du chéquier est en panne.

Avec le Maroc et la Mauritanie, les frontières de l'Algerie sont officiellement fermées. Avec ses voisins du Sud, à savoir le Mali et le Niger, c'est une fermeture de fait, à cause de la situation d'insécurité et des accusations de "complot sioniste" sur la migration. Enfin, avec la Libye, la relation n'est réelle qu'avec Fayez Al-Sarraj, tandis que les hommes du général Haftar ont clairement montré que la confiance n'est pas à l'ordre du jour. 

Dédaigneuse et hautaine avec ses deux voisins subsahariens, comme le prouvent les récentes déclarations racistes contre les migrants originaires de ces pays, Alger semble regretter d'appartenir au continent noir. Nourrissant une haine viscérale contre le Maroc et source d'insécurité pour la Mauritanie, il ne lui reste désormais que la Tunisie avec qui les échanges terrestres existent encore. 

Gâchis diplomatique et économique

En somme, c'est un vrai gâchis diplomatique et économique. Si l'on observe la carte de l'Afrique, rares sont les pays qui comptent autant de frontières terrestres qu'elle, à part peut-être le Soudan, le Mali, la RD Congo, la Tanzanie ou le Burkina Faso. C'est une situation que lui envieraient beaucoup d'autres Etats, parce que source d'opportunités. Sauf que son choix stratégique de vivre en autarcie économique et diplomatique la pousse à ignorer les relations de bon voisinage avec les six pays qui l'entourent.

Avec le Maroc d'abord, c'est une lapalissade que d'affirmer qu'Alger cherche à maintenir des relations heurtées, d'où le refus catégorique de se pencher sérieusement sur la réouverture des frontières. 

Ennemi choisi...

Aujourd'hui, Alger persiste dans cette option de s'isoler du Maroc qu'elle s'est choisie, malgré un discours officiel affirmant régulièrement la volonté de construire le Maghreb. Sur une bonne partie de la frontière, murs et grillages sont devenus un décor bien ordinaire. 

Concernant la Mauritanie, la décision de fermer la frontière est venue de Nouakchott. Cela n'a sans doute pas été du goût d'Alger, mais son voisin du sud n'a d'autre choix que de "déclarer zone militaire interdite aux civils" cette partie de son territoire, s'il veut se prémunir contre d'éventuelles attaques terroristes. Car, l'Algérie est considérée par Nouakchott comme le principal repaire des trafiquants et terroristes pouvant s'introduire dans le nord du pays. Elle en a fait l'amère expérience, en 2005, quand le GSPC algérien a attaqué une unité de l'armée mauritanienne, faisant une quinzaine de morts. 

Pour ce qui est du Mali et du Niger, les échanges officiels sont inexistants pour deux raisons. La première c'est qu'Alger estime que ces deux pays ne sont qu'émetteurs de migrants, quand ils ne servent pas de lieu de transit pour les Nigérians, les Ivoiriens, les Camerounais et les Tchadiens.

"Sida, crimes, drogues..."

Or, la position officielle, maintes fois exprimée par la présidence algérienne, c'est que les Africains sont sources de "Sida", de "crimes, de drogues et de plusieurs autres fléaux". Ce sont en effet deux proches collaborateurs de Abdel Aziz Bouteflika qui avaient tenu de tels propos. L'un, Farouk Ksentini est son président de la Commission des droits de l'homme, directement rattachée à la présidence. L'autre, Ahmed Ouyahia, est son chef de cabinet. Evidemment, de tels propos se traduisent sur le terrain par une fermeture de fait de la frontière avec le Mali par les autorités algériennes. De plus, ces déclarations honteuses ne sont pas tombées dans l'oreille de sourds. Les Africains au sud du Sahara savent désormais à qui ils ont affaire.

L'autre raison pour laquelle les frontières restent étanches , c'est que la zone n'est pas la mieux indiquée pour ceux qui espèrent profiter d'un commerce transfrontalier à cause de l'insécurité et de l'absence d'infrastructures. Pas un seul opérateur économique ne s'y aventure. La nature ayant horreur du vide, la place est occupée par les trafiquants en tous genres et bien sûr par les terroristes algériens et rebelles maliens dont le pays de repli demeure l'Algérie.

Méfiance de Haftar

Il reste bien sûr la Libye. Alger entretient de bonnes relations avec Hafez Al-Sarraj. De trop bonnes relations, estiment les partisans du général Khalifa Haftar, l'autre homme fort de la Libye. Pas plus tard qu'en mai dernier, quand le ministre algérien des Affaires étrangères fraîchement nommé a commis l'impair en se rendant au sud de la Libye, le Parlement de Tobrouk, favorable à Haftar, a vivement dénoncé ce geste.

"Au moment où l'on combat le terrorisme pour sauvegarder la souveraineté nationale (...), nous avons constaté aujourd’hui l’entrée du ministre algérien des Affaires étrangères et sa tournée dans les villes du sud libyen sans contrôle ni autorisation, comme s’il s’agissait d’une ville algérienne. Et il s’est entretenu avec des personnalités qui portent toujours de la haine envers les Libyens", écrivait-il dans un communiqué. Cela explique d'ailleurs qu'Alger ait échoué à réunir les deux frères ennemis libyens.

L'isolement d'Alger est donc certain. Tant que cela ne concernait que ses voisins, cela n'avait aucune importance pour les hommes du régime de Bouteflika. Leur suffisance avec leurs "frères du Maghreb" et leur arrogance avec "les pays de leur profondeur naturelle" ne sont plus à démontrer.

Rejet des ensembles régionaux

Sauf que, aujourd'hui, d'autres paramètres sont en jeu. D'un côté, il y a le continent à qui elle tourne le dos. Au niveau africain, après avoir torpillé la construction de l'Union du Maghreb arabe, l'Algérie ne veut se rapprocher d'aucun groupe sous-régional, ni du Comesma dont font partie l'Égypte et la Tunisie, ni de la CEDEAO avec laquelle elle a une très longue frontière. Sa diplomatie du chéquier, qui a longtemps permis de se faire des amis çà et là, ne marche plus tellement, à cause des prix du baril de pétrole qui se sont effondrés.

De l'autre, il y a la France d'Emmanuel Macron qui montre qu'elle sait se passer d'Alger, quitte à égratigner l'amour propre des caciques qui pensent qu'il suffit de claquer 11 milliards de dollars par an dans des armes pour faire peur à certains et forcer la sympathie d'autres. Alger n'est conviée ni dans le G5 Sahel, ni dans les consultations sur la question migratoire, ni dans la résolution de la question libyenne. 

Alors que ce pays se proclame comme profondément enraciné dans l’Afrique, force est de constater qu’il n'échange, par la voie terrestre, qu’avec un seul des six pays dont il partage des frontières. Cette situation, inédite sur le continent, fait de l’Algérie l’un des pays les plus isolés au monde. Et les frontières fermées sont emblématiques de l’autarcie d’un pays dont les très hauts responsables ne cachent plus leur méfiance, voire leur haine, des autres. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 02/08/2017 à 17h04, mis à jour le 02/08/2017 à 17h10