Algérie. Subsahariens: durcissement de la politique migratoire et campagne xénophobe

Ahmed Ouyahia, Premier ministre d'Algérie.

Ahmed Ouyahia, Premier ministre d'Algérie.. DR

Le 04/10/2017 à 21h54, mis à jour le 04/10/2017 à 22h32

Revue de presseAlger durcit sa politique envers les migrants subsahariens. Les opérations de police et d’expulsions massives sont devenues monnaie courante, avec pour cible les travailleurs originaires de l’Afrique subsaharienne. Pire, les mesures xénophobes se multiplient et touchent les transports.

Kiosque le360 Afrique: Comme il fallait s’y attendre après les déclarations d’Ahmed Ouyahia, avant sa nomination à la primature algérienne, la politique migratoire à l’égard des Subsahariens ne pouvait que se durcir une fois l’homme à la tête du gouvernement algérien. Et c’est chose faite, comme en attestent les témoignages de Subsahariens pourchassés dans la capitale algérienne, comme le révèle Le Monde à travers divers témoignages.

«Dans la soirée, la gendarmerie est arrivée avec des bus. Ils ont arrêté tous ceux qui se trouvaient dehors. On a couru aussi vite qu’on pouvait, mais mon cousin a été pris. Je n’ai plus aucune nouvelle», explique Abderrahmane, un jeune Guinéen, vivant dans la banlieue sud d’Alger et venu en Algérie pour trouver du travail dans le bâtiment.

Comme lui, beaucoup d’autres Subsahariens vivaient dans les mêmes conditions à Alger, où les gouvernements successifs avaient toléré la présence des travailleurs subsahariens depuis 2012. Ainsi, ceux qui étaient arrêtés pour «entrée illégale» sur le territoire algérien étaient parfois condamnés à deux mois de prison, mais les reconduites à la frontière n’étaient pas appliquées. Mieux, une lueur d’espoir naissait d’ailleurs avec l’annonce de leurs régulations par l’éphémère gouvernement du Premier ministre Tebboune.

Dans le sillage de cette annonce, souligne Le Monde, et «après une mystérieuse campagne xénophobe apparue en juin sur les réseaux sociaux et intitulée ”Non aux Africains en Algérie“, le ministre de l’Intérieur, Nourredine Bedoui, avait annoncé qu’un ”fichier national pour recenser le nombre de migrants africains” était en cours de création», ajoutant que «ce fichier devrait permettre de régulariser certains migrants qui travaillent dans les secteurs où la main-d’oeuvre manque, et d’en expulser d’autres».

Puis, ce fut une véritable campagne qui s’est déchainée contre les migrants avec des déclarations de responsables politiques qui ont créé l’émoi, dont celui de l’actuel Premier ministre qui avait déclaré, avant sa nomination, que les migrants étaient «une source de criminalité, de drogue et de plusieurs autres fléaux». Pour sa part, Abdelkader Messahel, l’actuel ministre des Affaires étrangères, disait que les migrants subsahariens constituaient «une menace pour la sécurité» de l’Algérie.

Pire, «la semaine dernière, les autorités de la région de Mostaganem (nord-ouest) ont annoncé que, ”suite à une instruction ministérielle”, les entreprises de transport privées, taxis et minibus avaient reçu l'interdiction de transporter des personnes en situation irrégulière, sous peine de perdre leur autorisation de travail. La presse, comme certaines organisations des droits humains, a dénoncé une instruction ”raciste” qui vise spécifiquement les personnes à la peau noire», rappelle Le Monde.

C’est dans ce contexte que, désormais, la chasse aux subsahariens se fait dans les rues, les lieux d’hébergements dans les différents quartiers de la capitale algérienne et au niveau des chantiers. Ces derniers endroits son spécifiquement ciblés par les policiers et les gendarmes pendant le mois de septembre.

«Emmenés dans le camp de colonie de vacances de Zéralda, en banlieue ouest d’Alger, les migrants sont alors réunis avec plusieurs centaines d’autres, dont des Nigériens qui font partie de filières organisées de mendicité, et rassemblés dans des bus. Direction le sud du pays. Détenus dans des préfabriqués dans la ville de Tamanrasset, à 2.000 km au sud de la capitale, pendant plusieurs jours, ils sont emmenés de l’autre côté de la frontière», souligne Le Monde. 

Ils sont transportés dans des semi-remorques de l’armée algérienne et escortés par des militaires algériens jusqu’à la sortie du territoire algérien avant d’être relâchés «dans le désert». Ensuite, il s’ensuit une longue marche avant d’arriver dans la ville nigérienne la plus proche, Agadez.

Ce procédé a permis à Alger d’expulser un millier de Subsahariens en décembre 2016 avant de suspendre ces expulsions suite au tollé que celles-ci ont suscité auprès de certaines ONG. Toutefois, les expulsions ont repris de plus belle depuis l’arrivée de Ouyahia à la primature avec toutefois une plus grande discrétion. Et depuis 2014, Alger, dans le cadre d’un accord avec le Niger, a expulsé plus de 18.000 migrants nigériens, et suspendu les expulsions des ressortissants d’autres nationalités. Cependant, «lors de la dernière semaine du mois d’août, le convoi, qui rapatriait les migrants nigériens, incluait aussi treize migrants d’autres nationalité, selon les autorités nigériennes».

Enfin, selon les décomptes faits par les associations, on compterait environ 100.000 migrants subsahariens en Algérie.

Par Karim Zeidane
Le 04/10/2017 à 21h54, mis à jour le 04/10/2017 à 22h32