Algérie. Présidentielle 2019: la guerre des généraux est bien enclenchée

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Le 22/04/2018 à 16h18, mis à jour le 22/04/2018 à 16h28

Alors que les partisans du 5e mandat pour Bouteflika font entendre leur voix, quelques candidats se préparent en coulisse, au cas où. Un combat de titans entre actuels et anciens généraux et dirigeants des renseignements algériens est désormais enclenché.

Il est admis par tous, à l'exception de ceux qui ne veulent rien voir ou comprendre, que le président Abdel Aziz Bouteflika n’est plus capable d’assumer les plus hautes fonctions de l’Etat. La dernière sortie du président, au lendemain de l’appel des cadres de son parti afin qu’il brigue un 5e mandat, a montré que l’homme ne dispose plus de toutes ses facultés physiques pour diriger l’Algérie durant un nouveau mandat.

Du coup, en coulisse, d'autres prétendants se préparent à cette éventualité sous la houlette des anciens et actuels dirigeants de la grande muette. Ainsi, une situation de guerre larvée entre ceux qui ne jurent que par Bouteflika, dont le secrétaire général du FLN Djamel Ould Abbes, et les autres, dont les soutiens ne sont pas aussi fermes qu’ils le laissent entendre, commence à inquiéter la classe politique algérienne. Et tout autour, il y a les multiples candidats potentiels non déclarés qui n’attendent que le signal du Bouteflika pour se décider.

Et dans ces conditions, ceux qui bénéficient du soutien des généraux, anciens et actuels, partent en pôles positions. Et parmi ceux-ci figurent deux candidats potentiels. L'un est Saïd Bouteflika, l’homme fort du régime et dont les liens avec certains pans du patronat ont beaucoup influé sur le limogeage de l’ancien Premier ministre Abdelmadjid Tebboune. A côté du frère du président, il y a bien évidemment celui qui ne s’est pas ouvertement déclaré, mais qui pourrait être une véritable menace à la succession familiale, le Premier ministre Ahmed Ouyahia. Celui-ci a soutenu au bout des lèvres le processus enclenché pour un 5e mandat de Bouteflika, après les multiples attaques de certains dirigeants du FLN, notamment Ould Abbes.

Et autour des deux candidats, c’est la guerre ouverte entre les anciens et actuels généraux de l’armée algérienne. Ainsi, selon le site Mondafrique, citant des sources bien informées, le frère cadet du président aurait même entamé sa campagne pour la présidentielle de 2019. Le site avance qu’il est soutenu par le puissant patron du DSS (Département de surveillance et de sécurité, successeur du DRS), le général Athmane Tartag.

Concernant le frère du président, sa candidature est de plus en plus évoquée au sein du sérail. Ainsi, toujours selon Mondafrique, c’est le général Athmane Tartag, patron du DSS qui dirige la promotion de la candidature du frère du président. Il était «en tournée dans les pays du Golfe pour promouvoir la candidature de Said Bouteflika, notamment auprès de la famille Al Nahyane qui dirige les Emirats arabes unis dont l’ancien dirigeant, Chaikh Zayed ben Sultan Al Nahyane avait de bonnes relations avec le chef de l’Etat Abdelaziz Bouteflika», peut-on lire.

En clair, l’année 2018 risque d’être agitée en Algérie. Les coups bas dont certains cercles sont devenus les maîtres risquent de laisser de nombreux soutiens de candidats non encore déclarés sur le carreau, surtout quand on sait que cette guerre de succession est avant tout celle des dirigeants actuels et anciens des renseignements généraux algériens. La candidature de Said Bouteflika serait aussi soutenue par Saïd Sadi, ancien président du RCD.

Reste que le frère du président ne sera pas l’unique candidat si Abdelaziz Bouteflika ne se représente pas. C’est un secret de polichinelle que Ahmed Ouyahia, secrétaire général du Rassemblement national démocratique (RND), second parti politique en Algérie, souhaite briguer la magistrature suprême algérienne. D’ailleurs, il a fallu moult critiques de la part des dirigeants du FLN pour que le Premier ministre évoque son soutien, qualifié de façade, à Bouteflika.

Et le Premier ministre bénéficie aussi de soutiens en dehors de son parti. Parmi les noms évoqués, on cite celui du général à la retraite Mohamed Médiène dit «Toufik», ancien dirigeant de la DRS devenue DSS, autrement dit les renseignements algériens, que d’aucuns surnomment le faiseur des présidents, poussé à la sortie en 2015 par le clan Bouteflika. Celui-ci reste très influent et son soutien à une candidature de Ouyahia risque de peser lourd dans la balance.

Et au sein du patronat algérien, sa candidature est soutenue par l’homme le plus riche d’Algérie Issab Rebrab, OPDG de Cevital et en conflit ouvert avec le clan Bouteflika. Ouyahia bénéficierait également du soutien des anciens généraux de l’armée algérienne que sont Khaled Nezzar, ancien ministre de la Défense, et Mohamed Touati. De même, dans une Algérie en ébullition, cette candidature pourrait obtenir le soutien des Kabyles. En plus, le score réalisé par son parti lors des dernières élections législatives est un signe d’encouragement pour le Premier ministre et ses soutiens.

C’est dire que la bataille pour la succession de Bouteflika risque d’être houleuse, sachant que les généraux ne se feront pas de cadeaux. Mais si les grandes manœuvres ont commencé dans les états-majors des partis, reste que le maître des agendas de la présidentielle, Bouteflika, n'a pas encore déclaré clairement son intention de tourner la page. Pour l’instant, hormis pour ceux qui ont vent des secrets du président, rien n’est encore joué pour la course vers le palais El Mouradia.

Par Karim Zeidane
Le 22/04/2018 à 16h18, mis à jour le 22/04/2018 à 16h28