Algérie: un cafouillage institutionnel né de la préparation de l'après-Bouteflika

DR

Le 13/10/2018 à 10h24, mis à jour le 13/10/2018 à 10h26

Abdelaziz Bouteflika ne peut plus rien décider. Son entourage, qui joue avec cette situation pour imposer ses décisions, est malheureusement pris à son propre piège. La préparation de l'après-Bouteflika fait face à une impasse.

En Algérie, on s'inquiète de plus en plus de la tournure que prend la crise politique actuelle. Hier, vendredi 12 octobre, Mohcine Belabbes, le leader du Rassemblement pour la culture et la démocratie, un parti de l'opposition, a dressé un sombre tableau de la situation. Ce politicien estime que la crise actuelle à la Chambre basse du parlement prédit la fin du règne de Bouteflika, ce qui peut être interprété comme la mort prochaine du chef de l'Etat, cloué sur un fauteuil roulant depuis 2013. Il formule ainsi plusieurs possibilités. 

"Il est difficile d’avoir une lecture politique en Algérie. Les tenants du système n’arrivent plus à bâtir un consensus entre eux sur la gestion de la prochaine étape", tranche-t-il dans une première hypothèse. Mais il est également possible qu'il y ait eu "un scénario pour l'après-Bouteflika". "Cela explique peut-être la situation que connaît actuellement l’APN. Il y a une volonté d’affaiblir un acteur important du régime pour, le moment venu, peser sur la succession de l’actuel chef de l’Etat", affirme-t-il dans cette deuxième hypothèse. 

Par ailleurs, même si Mohcine Belabbes n'y fait pas référence, les faits qui viennent de se dérouler montrent clairement que Abdelaziz Bouteflika n'est plus en mesure de décider de quoi que ce soit. En effet, à plusieurs reprises Saïd Bouhadja a déclaré qu'il suffisait que Bouteflika lui demande de démissionner pour qu'il jette l'éponge. Ahmed Ouyahia, son complice dans cette manigance, s'est bel et bien prononcé pour l'inviter à partir.

Mais il n'est pas sûr que Bouteflika, qui ne parle plus aux Algériens depuis plusieurs années, ait la capacité physique de donner un coup de fil ou de convoquer quelqu'un dans sa résidence médicalisée. C'est une réalité dont Said Bouhadja n'est que trop conscient. C'est pourquoi, il pose cette condition à sa démission, tout en sachant qu'elle ne sera jamais satisfaite. Cela agace ses adversaires et les place devant le fait accompli. 

Déliquescence d'un régime

Selon lui, le pays assiste "au pourrissement de la situation politique" qui "échappe au contrôle". Pourtant, tout a été provoqué par les partis au pouvoir, dont les deux chefs sont les plus hauts responsables de l'exécutif, à savoir le Président Bouteflika lui-même et son Premier ministre Ahmed Ouyahia. C'est en voulant pousser à la sortie celui qui est à la tête du pouvoir législatif, en l'occurrence Saïd Bouhadja, qu'ils sont en train de montrer la déliquescence du régime. 

Mohcine Belabbes estime que l'Algérie est exposée à "un grave risque" qui pourrait dégénérer "dans les semaines à venir". Il cite une série de faits qui montrent que le régime est en train de vivre ses derniers jours. En plus d'avoir paralysé le fonctionnement du Parlement, les apparatchiks ont diffusé l'enregistrement d'une conversation téléphonique de Saïd Bouhadja sans que la justice ne lève le petit doigt.

Comme si cela ne suffisait pas à "donner l'image d’un pays où il y a des centres de décision qui travaillent en dehors de la loi", le scandale d'Ennahar Tv a éclaté dans la foulée. En effet, les agents de la Direction des renseignements et des Services (DRS), les services secrets algériens, sont allés interpeller illégalement un journaliste de la chaîne de télé Ennahar pour exiger le retrait d'un article. Le directeur de cette chaîne, qui a diffusé en exclusivité tous les limogeages récents a diffusé l'enregistrement d'une conversation qu'il a eue avec l'un des reponsable de la DRS, qui a proféré des menaces si l'article n'était pas retiré du site Alg24, appartenant à Ennahar.

Bref, on assiste en ce moment à une série de cafouillages qui montrent un dangereux délitement du pouvoir. "Les députés de la majorité n'ont aucune base légale pour exiger la démission du président de l'Assemblée nationale populaire", explique Belabbes. Ils ne se sont pas arrêtés à cette fronde, puisqu'ils distillent régulièrement des rumeurs contre ceux qui sont désormais leurs adversaires. 

Pourtant, au lieu de fouler aux pieds la légalité, les élus auraient pu demander une commission d'enquête parlementaire pour auditionner l'ensemble des personnes impliquées dans cette crise... 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 13/10/2018 à 10h24, mis à jour le 13/10/2018 à 10h26