Panique à bord du navire Algérie. Alors que d'anciens officiers ne cessent d'appeler l'armée à prendre ses responsabilités en empêchant des assoiffés du pouvoir de s'accaparer de la présidence, des voix s'élèvent pour calmer des esprits échauffés au sein de l'Armée nationale populaire.
Ainsi, l'ancien Premier ministre Mouloud Hamrouche, dans une tribune publiée hier, dimanche 13 janvier, dans le quotidien El Watan demande à l'armée de rester dans les casernes et de ne surtout pas se mêler de politique. Le mot "armée" est évoqué pas moins de 19 fois dans ce texte, où il explique en filigrane les raisons de l'échec de la mise en place d'un Etat en Algérie, après l'indépendance du pays.
Cet ancien dignitaire, qui a été l'adversaire du président Abdelaziz Bouteflika lors du scrutin présidentiel de 1999, vient ainsi à la rescousse de ce dernier. Mais auparavant, il a tenu à dresser un sévère diagnostic, celui d'une Algérie ayant échoué à bâtir un Etat.
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"Face à ce qui s’apparente à des débuts d’échec dans l’édification de l’Etat et dans la mise en place des conditions de l’exercice de la gouvernance, le déficit en élites politiques et en de vraies forces d’adhésion, notre pays a besoin plus que jamais de discernement pour faire face aux diverses menaces, peurs, désespoirs et résignations", analyse Mouloud Hamrouche.
S'il est sorti de son long silence, rompant avec sa réputation d'homme pondéré, c'est parce que la situation en Algérie est actuellement quasi-explosive. Pour le journal El Watan, "les luttes violentes pour le pouvoir affectent dangereusement la bataille pour la construction de l’Etat".
Dans cette démarche plutôt théorique, où il se garde de relater des faits récents, Mouloud Hamrouche explique également qu'"aucune armée nationale au monde n’est apolitique, encore moins antipolitique. Toute armée est consciente et au fait des politiques publiques, des choix, des programmes projetés et des alternatives qui se projettent, et surtout des défis et des enjeux sous-jacents". C'est là, pour lui, la principale raison qui a soumis l'armée à l'autorité exclusive du chef de l'Etat, le seul habilité à "envoyer un djoundi [un soldat, Ndlr] aller tuer ou se faire tuer".
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Par cette manière subtile, mais on ne peut plus claire, cet ancien Premier ministre s'adresse au Général Gaïd Salah, vice-ministre de la Défense et chef d'Etat-major de l'Armée nationale populaire, afin que ce dernier ne cède pas à la tentation de prendre le pouvoir comme l'y appellent de plus en plus de politiques et d'ex-officiers...
"Des expériences et des études, y compris dans de vieux pays structurés socialement et démocratiquement, où l’armée avait servi de base un temps pour gouverner, ont démontré que cela nuit à sa mission et à sa finalité", conclut-il.
De toute évidence, cet appel à l'armée à rester en dehors de la sphère politique et de résister à la tentation de gouverner est clair. Mais dans ce cas, comment faire en sorte que l'idée d'un Etat algérien, dont les institutions sont actuellement extrêmement fragilisées, puisse prospérer sans que l'armée ne rappelle les politiques à leur obligation de respect des institutions?
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Un Bouteflika, qui ne gouverne plus du fait d'un état de santé extrêmement fragile, est l'illustration la plus patete que les défenseurs d'un Etat algérien vivent dans l'illusion.
Un Said Bouhadja, ex-président de l'Assemblée nationale populaire et troisième personnalité de l'Etat, écarté par un coup de force de son parti, est la preuve que l'Algérie est désormais un "bateau îvre" qui prend l'eau de toute part.
Le naufrage paraît bien proche... Qu'il s'agisse de l'armée ou d'une révolution populaire, il faut vite agir pour sauver l'Algérie, surtout d'elle-même.