«Je ne pense pas que le général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah puisse permettre à qui que ce soit de violer d’une manière aussi outrageuse la Constitution. Il n’est pas sans savoir qu’il est le dernier de sa génération et que l’histoire est fortement attentive à ce qu’il fait ou fera. Je reste persuadé qu’il sera au rendez-vous de l’histoire, comme il l’a été hier, alors qu’il n’avait que 17 ans», dixit le général-major à la retraite Ali Ghediri.
Cette sortie semble avoir fait mouche et dérangé au plus haut niveau, poussant le ministère de la Défense algérienne que dirige le vice-ministre de la Défense et chef d’état-major Gaïd Salah à réagir, et surtout à menacer les officiers à la retraite qui s’expriment sur la politique, et particulièrement sur la prochaine présidentielle.
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Ainsi, dans un communiqué, le ministère souligne qu’«à l’approche de l’échéance électorale présidentielle, certains individus mus par des ambitions démesurées et animés par des intentions sournoises tentent, et par tous les moyens, notamment les médias, de préjuger des prises de positions de l’institution militaire vis-à-vis des élections présidentielles et s’arrogent, même, le droit de parler en son nom».
Ces militaires à la retraite sont ainsi qualifiés de tous les noms d’oiseaux: «aigris», «sans envergure», «sans aucun scrupule» et d’un «narcissisme maladif». Ils sont accusés de vouloir influencer l’opinion publique et de s’affubler de la crédibilité qui leur fait énormément défaut», souligne le communiqué, qui ajoute que ces militaires ont rejoint «des cercles occultes et ce dans le seul but d’assouvir des ambitions personnelles démesurées, qu’ils n’ont pu réaliser à l’intérieur de l’institution».
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Cette sortie cible particulièrement le général à la retraite Ali Ghediri, qui s’est exprimé publiquement sur les élections prochaines en demandant à Gaïd Salah de prendre ses responsabilités dans un entretien accordé à El Watan le 25 décembre courant. «Il peut être conciliant sur nombre de chose, mais lorsqu’il s’agit de la nation, de la stabilité du pays, là il redevient le moujahid et reprend sa figure de maquisard. Je ne pense pas qu’il puisse faire le jeu de ceux qui sont nourris par des instincts autres que nationalistes». En clair, il demande à Gaid Salah de stopper la tentative de prolongation du mandat d’Abdelaziz Bouteflika via une réforme constitutionnelle.
Cette sortie, qui gène aussi bien Bouteflka et son entourage, dérange aussi Gaïd Salah qui devait réagir vigoureusement pour ne pas être considéré comme un complice par les proches du président.
Et pour faire taire toute opposition de la part des anciens de la grande muette, le communiqué du ministère se fait plus menaçant en soulignant que l’«institution se réserve le droit de faire appliquer à l’encontre de leurs auteurs les mesures légales appropriées».
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Le message est clair, les militaires retraités qui ne respecte pas le droit de réserve se verront poursuivis par la loi 16-05 d’août 2016. Une loi qui avait permis d’emprisonner le général Hocine Benhadid durant 6 mois, après que celui-ci a critiqué publiquement le haut commandement de l’armée algérienne.
Le ministère de la Défense fait allusion à deux lois promulguées en 2016 et portant statut des officiers de réserve et statut général des personnels militaires.
Selon cette loi, «le militaire de carrière, admis à cesser définitivement son activité au sein de l’armée et versé dans la réserve, exerce librement les droits et libertés que lui confèrent les lois de la République. Il reste cependant astreint à un devoir de retenue, de réserve», selon la loi n°16-05 d’août 2016.
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Le communiqué de Gaid Salah est plus direct en soulignant que les militaires qui seront reconnus de manquement au devoir de nature à porter atteinte à l’honneur et respect dus aux institutions de l’Etat, auront commis un outrage et une diffamation, ce qui peut faire l’objet de retrait de la médaille d’honneur ou de plainte auprès de juridictions compétentes.
En clair, Ali Ghediri risque gros, surtout en cette période durant laquelle le président Bouteflika et son entourage n’ont pas hésité à décapiter l’armée et la sûreté algérienne pour des desseins liés à une plus grande mainmise sur le pouvoir.