Algérie: quelles sont ces "forces anticonstitutionnelles" qui dirigent le pays?

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Le 20/03/2019 à 15h02, mis à jour le 20/03/2019 à 15h04

Tout le monde sait depuis longtemps que Saïd Bouteflika joue un rôle important dans la prise des décisions attribuées à son frère Abdelaziz. Mais Saïd Bouteflika n'est pas la seule "force anticonstitutionnelle" soit ceux qui dirigent le pays dans l'ombre et dont parlent de plus en plus d'Algériens.

Après sept ans d'omerta, les langues se délient enfin, au sujet des "forces anticonstitutionnelles" qui dirigent l'Algérie, en lieu et place de Abdelaziz Bouteflika.

Si longtemps, l'on s'est bien gardé de citer nommément les personnes aux manettes de l'Algérie, lesquelles se serviraient de Bouteflika comme d'un faire-valoir, il va sans dire qu'aujourd'hui, les regards se tournent vers quelques personnes bien précises de l'entourage du président algérien. Et les Algériens ont commencé à parler... 

En outre, le fait que les opposants au prolongement du quatrième mandat, voire ceux qui étaient, hier encore, les alliés de Abdelaziz Bouteflika se soient emparés de cette expression, marque une vraie rupture et la fin d'un consensus.

C'est Ali Benflis qui a été le premier à employer cette expression, dans un entretien accordé au quotidien français Le Figaro, la semaine dernière.

Ali Benflis a néanmoins pris le soin d'éviter de citer nommément les concernés. 

Hier, mardi 19 mars, Chihab Seddik, porte-parole du RND, parti de la majorité du désormais ancien Premier ministre Ahmed Ouyahia, lui non plus n'a pas donné de noms, bien qu'il ait, en usant de cette expression, jeté un pavé dans la mare. 

Evidemment, en Algérie, beaucoup voient dans ces forces anticonstitutielles des acteurs bien précis.

Il s'agit, en l'occurrence, de l'armée représentée par Ahmed Gaïd Salah, du clan Bouteflika, à savoir les frères du président que sont Saïd et Nasser Bouteflika, mais également quelques oligarques, qui ont bénéficié, tout au long de ces dernières années, de la manne importante, faite de 1000 milliards de dollars de recettes pétrolières annuelles.

Pour ce dernier cas, c'est Ali Haddad, influent patron des patrons algérien, qui est le plus souvent cité, mais aussi beaucoup de membres influents du Forum des chefs d'entreprise (FCE), l'instance patronale algérienne. 

Voici près de deux mois, le général-major à la retraite Ali Ghediri avait d'ailleurs clairement interpellé Ahmed Gaïd Salah à ce sujet, en affirmant qu'il était le vrai "gardien de la Constitution" et qu'il se devait d'empêcher que l'entourage de Bouteflika ne s'accapare encore plus de pouvoir par des moyens illégaux et illégitimes.

Cette sortie lui avait valu d'être rappelé à l'ordre, dans des sorties plus menaçantes les unes que les autres, par Ahmed Gaïd Salah, qui avait visiblement perdu son sang-froid.

Gaïd Salah, général de corps d'armée et non moins vice-ministre de la Défense, n'avait pas apprécié d'être ainsi démasqué par l'un des siens, qui paraissait bien savoir de quoi il parlait. 

Le fait que Chihab Seddik, porte-parole du RND, évoque aujourd'hui ouvertement des personnes qui sont contre les partis politiques laisse à penser que les frères de Bouteflika et que Ali Haddad, le patron des patrons, sont désormais dans le collimateur.

Alors que dans le passé, les faits ont maintes fois montré leur connivence, mais aussi l'influence qu'ils avaient dans la gestion des affaires de l'Etat.

Ainsi, durant l'été 2017, Abdelmajid Tebboune, alors Premier ministre, en avait fait les frais. Il a été contraint d'abandonner sa politique qui consistait à demander des comptes aux bénéficiaires des marchés publics attribués par l'Etat.

Tebboune, dès sa nommination en tant que chef de gouvernement, avait adressé une série de mises en demeure aux entreprises de Ali Haddad, patron des patrons.

Il était même allé jusqu'à faire expulser ce dernier lors de la cérémonie d'inauguration de l'Ecole nationale de la sécurité sociale... 

Mais las... Peu de temps, après Ali Haddad s'était affiché avec l'influent Said Bouteflika lors des funérailles de Reda Malek, qui fut Premierministre de 1993 à 1994...

La presse algérienne avait alors vu dans la complicité de ces deux hommes un message clair envers Abdelmajid Tebboune. Plus encore, après cet épisode, Ali Haddad avait été réhabilité et était redevenu fréquentable... Les voies de la nomenklatura sont décidément impénétrables...

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 20/03/2019 à 15h02, mis à jour le 20/03/2019 à 15h04