Conscient qu'aucune de ses décisions n'a fait mouche, le général de corps d'armée, Ahmed Gaïd Salah, a décidé de mettre les bouchées doubles, en allant vers plus spectaculaire, plus médiatique. Ce qui a conduit, ce weekend, à l'arrestation de Saïd Bouteflika, des généraux Mohamed Mediene dit Toufik et Athmane Tartag dit Bachir. Les caméras de la télévision nationale étaient là pour les montrer montant les marches du palais de justice.
Mais, c'est là que l'on comprend à quel point, celui qui porte encore le titre de vice-ministre de la Défense s'accroche à son pouvoir et à ses privilèges.
Certes, depuis le début des manifestations, les protestataires n'ont pas arrêté de réclamer la tête de Säid Bouteflika. Pas plus tard que le vendredi 3 mai, on a vu une foule scander dans une vidéo "Saïd El-Harrach", un slogan qui signifie que "Saïd Bouteflika doit être incarcéré à la maison d'arrêt et de correction d'El-Harach, située dans la banlieue d'Alger.
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A priori, l'arrestation de ces symboles du régime est donc la réponse qu'attendaient les manifestants. Il est néanmoins légitime de se demander qui du peuple ou de Gaïd Salah en tire le plus grand profit.
Ce qui importe pour les manifestants, c'est que le système en place depuis l'indépendance de l'Algérie parte et que justice soit rendue. Or, dans les faits, Saïd Bouteflika ainsi que les services de renseignements ont toujours été des symboles du système. Leur départ satisfait donc à l'exigence populaire. Il reste néanmoins que chaque jour qui passe convainc les Algériens que l'armée a toujours été au cœur de ce système qu'ils dénoncent.
Qui avait choisi Abdelaziz Bouteflika en tant que candidat en 1999 en écartant l'ensemble des candidats crédibles, si ce n'est l'armée? Qui lui a permis de se maintenir au pouvoir, si ce n'est Ahmed Gaïd Salah lui-même? C'est, en effet, lui qui avait soutenu le quatrième mandat et qui, jusqu'en février dernier, menaçait les opposants au cinquième mandat.
Qui a autorisé l'ensemble des chefs d'Etat algériens à diriger le pays? Depuis le coup d'Etat de Houari Boumediene de 1965, c'est l'armée nationale populaire qui fait et défait les présidents. C’est elle qui les aide à se maintenir au pouvoir, mandat après mandat.
Pour toutes ces raisons, le vrai système c'est finalement cette armée. C'est pourquoi la principale revendication du peuple, qui exige le départ du système, est perçue par Ahmed Gaïd Salah comme une menace contre l'ANP et donc contre lui-même.
C’est sans doute, ce qui explique qu’il fait montre de hargne, mardi après mardi.
Jusqu’ici, tous ceux qui ont été éliminés par Gaïd Salah pouvaient constituer une menace sérieuse contre le général de corps d’armée. Leur appartenance au système n’est finalement qu’un prétexte. Tous ceux qui appartiennent à ce même système et qui ont clairement montré patte blanche sont devenus des protégés de son armée.
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Par exemple, quand le peuple a réclamé le départ des trois B, le seul qui a démissionné est Tayeb Belaiz, celui-là même qui avait refusé de demander le départ d’Abdelaziz Bouteflika quand Ahmed Gaïd Salah a soulevé la nécessité d’évoquer l’article 102 pour la première fois, le 26 mars dernier. En effet, en ce moment, le président du Conseil constitutionnel qu’était Tayeb Belaiz pouvait saisir les deux chambres sans attendre la démission de Bouteflika qui n’interviendra que le 2 avril. Il ne l’a pas fait, c’est pourquoi il a été dès le départ dans le camp des ennemis potentiels du général.
Les deux autres B, à savoir Noureddine Bedoui, actuel Premier ministre, et Abdelkader Bensalah lui ont clairement affiché leur allégeance. Donc le peuple a beau réclamer leur départ, c’est peine perdue.
Le fait qu’Ahmed Gaïd Salah ne veuille par transiger concernant l’organisation de l’élection présidentielle le 4 juillet prochain est également une autre preuve que le général n’est là que pour dérouler son programme. Le peuple algérien peut encore attendre. Il sortira autant de vendredis que lui réserve l’avenir, Gaïd Salah lui répondra en faisant tomber ses propres ennemis, ce qui ne fera que renforcer son pouvoir de chef de "l’Etat profond".