Algérie. Limogeage du ministre de la Justice: le régime foule la Constitution aux pieds

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Le 01/08/2019 à 13h14, mis à jour le 01/08/2019 à 13h16

Abdelkader Bensalah vient de démettre le ministre de la Justice, allant sciemment à l'encontre des dispositions de la Constitution qui interdit formellement au président par intérim de limoger un ministre ou de remanier un gouvernement.

Hier, mercredi 31 juillet, le président de la république par intérim, Abdelkader Bensalah, a sans doute agi avec désinvolture, en limogeant Slimane Brahmi, outrepassant ainsi ses prérogatives cspécifiés par la loi fondamentale du pays.

En effet, son statut de président par intérim ne lui permet pas de remanier le gouvernement nommé par son prédécesseur. 

Il était censé cohabiter avec tout le gouvernement de Noureddine Bedoui, qui avait été nommé par Abdelaziz Bouteflika, le 31 mars 2019, c'est-à-dire deux jours à peine avant la démission de ce dernier. 

L'article 90 de la constitution algérienne est sans équivoque sur l'impossibilité pour Abdelkader Bensalah de remanier le gouvernement de Noureddine Bedoui.

Selon l'article 90 de la constitution algérienne, "le Gouvernement, en fonction au moment de l'empêchement, du décès ou de la démission du Président de la République, ne peut être démis ou remanié jusqu'à l'entrée en fonction du nouveau Président de la République [issu de l'élection présidentielle, Ndlr]". 

Le limogeage de Slimane Brahmi obéit donc à une logique purement politique.

Cette décision intervient dans un contexte où des poursuites sont menées à tout-va contre une partie des caciques du régime de Bouteflika, alors que certains parmi ses supporters les plus zélés continuent à diriger le pays.

Il s'agit donc d'une instrumentalisation de la justice qui a également pour objectif de faire taire les Algériens.

La rue ne cesse d'ailleurs de réclamer la libération des détenus d'opinion, et avant tout ceux qui n'ont eu pour unique tort que d'avoir brandi le drapeau amazigh durant les manifestations.

Il y a ensuite le cas de Louisa Hanoune, leader du Parti du Travail qui a commis l'imprudence de critiquer Ahmed Gaïd Salah, qui s'ingère de façon "manifeste" dans les affaires politiques, tout en "prétendant respecter la Constitution". 

Puis, autre détenu d'opinion, Houcine Benhadid, général à la retraite, qui avait, dans une lettre ouverte publiée dans El Watan, appelé Ahmed Gaïd Salah à adopter "l'unique solution de sortie de crise" qui ne pouvait être que politique. 

Enfin, l'un des cas les plus emblématiques de la défaillance de la Justice, est celui du "moudjahid", Lakhedar Bouregaâ. 

Aux yeux de l'opinion publique algérienne, non seulement ces trois personnes ne sont pas comptables du bilan de Bouteflika, alors que Gaïd Salah, lui, l'est au plus haut point, mais aussi et surtout elles ont une santé extrêmement fragile et déclinante. Tout le monde, en conséquence, exige leur libération. 

D'ailleurs, cela faisait partie des préalables posés par le panel qui avait été mis sur pied en vue de débuter un "dialogue national", nommé le jeudi 25 juillet dernier par le président Abdelkader Bensalah.

Mais en lieu et place de la réponse attendue du président par intérim, les Algériens ont eu droit à une nouvelle sortie du chef d'état-major de l'armée algérienne, invectivant cette commission pour le "dialogue national", lui demandant de remiser sa principale exigence aux oubliettes. 

En réalité, la justice se trouve, de fait, au centre de la gestion de la période post-Bouteflika, et est devenue le bras armé poltique de Ahmed Gaïd Salah, qui n'a eu de cesse de lui confier dossier après dossier. 

Ce dernier limogeage en date signifie que Slimane Brahmi ne lui a pas entièrement donné satisfaction à la tête du ministère de la Justice. 

S'est-il opposé enfin, dans un sursaut d'orgueil, aux ordres venant du vice-ministre de la Défense ou a-t-il décidé de faire libérer les prisonniers d'opinion?

Impossible de le dire. En revanche, ce limogeage signé par Abdelkader Bensalah, qu'interdit formellement la loi fondamentale, apporte une nouvelle preuve que le régime algérien peut tout se permettre. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 01/08/2019 à 13h14, mis à jour le 01/08/2019 à 13h16