Algérie. Présidentielle: Mihoubi candidat du système et futur président de continuité

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Le 09/12/2019 à 09h45, mis à jour le 09/12/2019 à 10h06

Les ambassadeurs des pays occidentaux et du Moyen-Orient se bousculent au siège du Rassemblement national démocratique pour être reçus par Azzedine Mihoubi. Ce candidat que personne n'attendait est soutenu par ceux qui défendaient la continuité sous Bouteflika.

Azzedine Mihoubi est bien parti pour être le futur président algérien à l'issu du scrutin du 12 décembre. Un président illégitime certes, vu la mobilisation des manifestants qui ne veulent pas d'élection avant le départ de la bande. Mais, un président quand même, qui aura le soutien de l'armée et tout ce que le pays compte comme apparatchiks. Les signes s'accumulent montrant qu'il a la faveur du système pour remplacer Abdelaziz Bouteflika comme président (mal) élu et incarner la continuité.

La semaine dernière, les ambassadeurs étrangers se bousculaient dans son cabinet, selon les révélations de l'hebdomadaire Jeune Afrique à qui un entretien a été accordé au siège du Rassemblement national démocratique (RND), le parti dont il est à la tête en tant que secrétaire général par intérim.

"Le candidat nous reçoit au septième étage, dans son bureau", écrit Jeune Afrique avant d'apporter de croustillantes précisions sur la dimension déjà "internationale" de l'homme. 

"Dans la salle adjacente défilent les ambassadeurs d’Allemagne, du Royaume-Uni, d’Espagne, des Pays-Bas, de Belgique et d’Arabie saoudite. Vingt minutes d’entretien chacun, puis arrive notre tour", poursuit l'intervieweur à l'œil averti.

On a du mal à croire que ce poète et écrivain de Mihoubi, entré en politique sur instruction des services secrets algériens au milieu des années 1990 et qui n'a jamais été vraiment au coeur du pouvoir ait pris autant d'envergure en si peu de temps. En effet, l'homme a bien été ministre, mais ne s'est jamais occupé que du département de la Culture.

Durant les quatre dernières années du règne de Bouteflika, malgré quatre Premiers ministres Sellal, Tebboune, Ouyahia, Bedoui, il a été là de mai 2015 au 1er avril 2019. Il ne partira que quand Bouteflika démissionnera sous la pression du peuple.

Avant d'être membre d'un gouvernement, il a dirigé la radio nationale entre 2006 et 2008 et avait été nommé directeur de la Bibliothèque nationale d'Algérie de 2010 à 2013. Un parcours riche pour celui qui avait débuté sa carrière en tant que journaliste en 1986, mais un parcours qui ne le prédestinait pas à devenir président s’il n’avait pas eu l’onction de Ahmed Gaïd Salah, qui est le seul qui dirige réellement l’Algérie.

Le fait que les chancelleries occidentales et du Moyen-Orient se rapprochent de lui ne relève pas du hasard. Mihoubi est soutenu par le Front de libération nationale (FLN), le parti qui dirige l'Algérie depuis l'indépendance et qui est au cœur du système que rejette le peuple depuis le 22 février. Un soutien qui est impossible à obtenir sans accord de l’armée.

Jeudi 5 décembre courant, Ali Seddiki, le secrétaire général par intérim du FLN a affirmé au site d'information Tout sur l'Algérie que "nous avons pris la décision de soutenir Mihoubi à l’issue d’une rencontre qu’on a tenue avec lui", estimant que cela entrait dans la "ligne nationaliste et novembriste" que le candidat et ex-ministre de la Culture incarnait.

Et de préciser: "nous le soutenons puisque nous cogérons avec le RND l’Assemblée populaire nationale, le Sénat, le gouvernement ainsi qu’un certain nombre d’assemblées locales élues".

Visiblement, les jeux sont faits. Bien que Azzeddine Mihoubi n'ait pas été parmi les plus importants hommes du régime Bouteflika, aujourd'hui, force est de constater qu’il est l’homme de la continuité.

Il est effectivement soutenu par ceux qui ont porté à bout de bras, ce même régime et qui ont imposé le troisième mandat de Bouteflika en changeant la Constitution, puis le quatrième et qui en ont soutenu le projet de cinquième qui n’aboutira pas.

Il est fort à parier que, jeudi 12 décembre, c'est lui qui sera déclaré vainqueur et, avec lui, tout le système tant décrié depuis dix longs mois. Si tel est le cas et si le mouvement de protestation ne passe pas à la vitesse supérieure, mois une bonne partie de la bande déjà condamnée pourrait être réhabilitée, à commencer par son camarade de parti Ahmed Ouyahia et les oligarques. Ce n’est qu’une question de temps. Les sacrifices du peuple algérien seront vains.

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 09/12/2019 à 09h45, mis à jour le 09/12/2019 à 10h06