Aujourd'hui, mercredi 29 avril, à Chlef, Ali Mokrane vient d'être condamné par le tribunal à 18 mois de prison ferme. Dimanche 19 avril, c'était Reddouane Medjedoub qui écopait d'une peine d'an de prison. Walid Kechida, a lui été placé sous mandat de dépôt et risque un sort similaire. Abdelkader Djeballah a, quant à lui, été placé en garde à vue et attend d'être présenté au procureur, puis au juge, mais nul doute qu'il sera également emprisonné.
Le point commun de toutes ces victimes du régime algérien est d'avoir publié sur Facebook des propos ayant déplu. Ce qui les place sous le coup d'un amendement du Code pénal algérien élaboré par l’Exécutif et adopté récemment.
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Officiellement, les nouvelles mesures visent à incriminer des faits relevant de "l’atteinte à la sécurité de l'État et à l'unité nationale". Mais pour de nombreux observateurs, ce texte a pour objectif de mettre en place un système répressif qui fera taire l'ensemble des contestataires dont les réseaux sociaux sont devenus le nouveau canal d'expression.
Le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), composé notamment d'avocats, de militants des droits de l'Homme, mais aussi d'activistes, ne cache plus son inquiétude. Et pour cause, l'Exécutif n'a pas perdu de temps pour se montrer répressif car, malgré la légèreté des preuves, les condamnations à des peines de prison sont systématiques.
Chaque fois, l'accusation est la même. Abdelkader Djabellah "est accusé d'incitation à attroupement, outrage à corps constitué, publication Facebook pouvant porter atteinte à l'intérêt national, divulgation du secret professionnel (puisqu'il est ancien policier) et atteinte à la personne du président de la République", dénonce le CNLD
Ali Mokrane qui vient d'être condamné à 18 mois de prison a été convaincu des charges "d'outrage à corps constitué et de publications Facebook pouvant porter atteinte à l'intérêt national".
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Quant à Redouane Medjedoub, condamné à un an de prison, c'est un "jeune père de famille habitant un petit village de la région de Tlemcen, 500 km à l’ouest d’Alger. Il avait simplement cru avoir le droit d'écrire le post suivant sur son compte Facebook: «Le confinement ne prend réellement que 14 jours et le pouvoir est en train de profiter de la période du coronavirus pour emprisonner les activistes". Cet avis sitôt publié, les pandores se sont présentés chez lui pour le cueillir.
Pour sa part, Walid Kechida, activiste du Hirak, est l’un des fondateurs du groupe Facebook Hirak Mèmes. L'objet de ce groupe était de publier des images détournées pour critiquer de manière drôle les excès du régime algérien. Mais visiblement, sa dernière publication n'a pas du tout fait rire les caciques algériens. Aujourd'hui, lui aussi est accusé d’offense à la personne du président de la République, d'atteinte à corps constitué et de blasphème. Cette personnalité du Hirak à Sétif se retrouve ainsi en prison pour de simples images.
La stratégie du régime algérien semble très claire. Elle consiste à profiter du moment d'accalmie que lui offre la pandémie de la Covid-19 pour faire taire définitivement l'ensemble des figures contestataires du pays.
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"Nous assistons à la multiplication des convocations depuis quelques semaines. Il ne se passe pas un jour sans que des citoyens impliqués dans le Hirak ne soient convoqués dans les locaux des services de sécurité. Cette vague touche toutes les régions du pays. Les gens s’expriment sur les réseaux sociaux car la grande majorité des médias est bâillonnée. À ce rythme, tous les Algériens seront placés en détention préventive. À mon avis, l’État algérien n’est jamais arrivé à un tel niveau de restriction des libertés fondamentales", affirme Me Laila Djerdjar à l'agence d'information russe Sputnik.
Les jours à venir seront encore plus difficiles pour les activistes algériens, notamment avec l'entrée en vigueur des changements introduits dans le Code pénal. Pour Issad Mabrouk, président du Syndicat national des magistrats, interrogé par le site d'information Tout Sur l'Algérie, "le moment est inopportun pour l’amendement du Code pénal. Il aurait fallu que cet amendement soit retardé et présenté au débat au sein de toute la société algérienne et notamment chez les spécialistes du droit".
Par ailleurs, ce ne sont pas seulement les activistes qui sont en danger, puisque les politiciens, les hommes de médias et les figures de la société civile peuvent se retrouver du jour au lendemain en prison pour avoir émis une opinion ou une critique contre Abdelmadjid Tebboune et son gouvernement.