Si le Maroc a pu collecter plus de 3 milliards d'euros pour faire face au Covid-19 grâce à une mobilisation citoyenne sans précédent, l'Algérie a préféré la voie du réaménagement budgétaire, avec une loi de Finances rectificative.
Mais visiblement c'était beaucoup plus facile à dire qu'à faire. Le budget n'a pas pu être comprimé, de sorte que le gouvernement semble avoir abandonné des objectifs qui se sont vite avérés irréalistes.
Selon Abderrahmane Raouya, ministre algérien des Finances, la baisse des charges de fonctionnement de l'Etat algérien sur toute l'année 2020 devrait être de 141 milliards de dinars, soit quelque 1,1 milliard de dollars, soit à peine 3% de ce qui était initialement prévu dans le budget en début d'année. On est très loin de l'objectif annoncé par le chef de l'Etat algérien qui était de faire baisser les charges de 50%, ce qui en valeur absolue correspond à près de 2.400 milliards de dinars.
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De même, les dépenses d'investissements ne pourront être comprimées que de 309 milliards de dinars, toujours selon Abderahmane Raoua.
Pourtant, c'était prévisible et Abdelmadjid Tebboune ne pouvait pas ignorer le caractère plus que délicat de cet exercice. La masse salariale représente près de 60% de l'ensemble des charges de fonctionnement du pays. Or, quelles que soient les bonnes intentions du gouvernement pour préserver son équilibre budgétaire en temps de crise, aucun gouvernement n'osera y toucher, surtout pas celui qui vient d'affronter le Hirak.
L'autre partie incompressible est composée des 1.798 milliards de dinars de transferts sociaux qui servent justement à financer le déficit des caisses de retraite, mais également diverses subventions comme la prise en charge des handicapés ou des familles vulnérables. Cette année, ce ne sont pas moins de 700 milliards de dinars qui passeront du Trésor à la Caisse nationale des retraites (CNR), ce qui représente 14% du budget de fonctionnement auxquels nul ne pensera toucher pour les mêmes raisons que celles évoquées pour les salaires.
La question qui se pose est savoir comment l'Algérie va pouvoir s'en sortir dans de telles conditions, vu que la part du budget incompressible correspond à plus de 75% de son montant initial. Même en abandonnant entièrement la part relative aux investissements, il est clair que le compte n'y sera pas.
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Or justement, crise du pétrole oblige, le Trésor public algérien n'encaissera qu'une très faible part des recettes initialement prévues dans le budget. Dans son projet de loi de Finances complémentaire, le gouvernement avait prévu un recul des recettes des hydrocarbures à 20,6 milliards de dollars contre 37,4 prévus dans la loi de Finances initiale de 2020.
Les autorités algériennes ont beau dire qu'elles n'utiliseront plus la planche à billets comme ce fut le cas les dernières années. Mais, c'est un pari bien difficile, voire impossible à tenir, d'autant que l'unique autre solution, qui est elle aussi écartée, serait un financement des bailleurs de fonds internationaux.