Le gouvernement du Premier ministre Noureddine Bedoui s'apprête à refiler une patate particulièrement chaude au prochain gouvernement algérien.
En effet, avec une crise financière très aigüe et un déficit budgétaire colossal, l’un des déficits majeurs du prochain gouvernement sera de trouver des ressources pour financer l’économie algérienne. Un défi qui sera difficilement surmontable, quand on sait qu’au cours de ces dernières année, y compris cette année en cours, ce financement l’a été surtout grâce ai recours à la providentielle «planche à billets».
En effet, selon le ministre des Finances, Mohamed Loukal, qui présentait la version finale de la Loi de finances 2020, le déficit budgétaire devrait s’établir à 2000 milliards de dinars algériens -la moyenne entre celui annoncé par le ministère des Finances et celui du Trésor algérien-, soit environ 17 milliards de dollars. Un montant qui devrait représenter l’équivalent de 9% du PIB du pays.
Le problème est de savoir comment financer de cet important déficit budgétaire, alors même que la situation financière est très difficile.
En effet, les recettes budgétaires s’amenuisent grandement, malgré la volonté du gouvernement de mettre en place de nouvelles taxes. Et pour cause: l’économie algérienne est principalement une économie de rente, qui dépend très fortement des recettes pétrolières.
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Or, comme l'a très justement souligné Mohamed Loukal devant les députés de l’Assemblée nationale populaire (APN), «il y a une grande pression sur le Trésor du fait de la baisse des revenus du secteur des hydrocarbures».
Il faut dire que le gouvernement algérien, qui tablait sur une reprise des cours du baril de pétrole, a été pris à contre pied par le niveau bas du prix du baril de pétrole. Depuis le début de l’année, en effet, celui-ci s’établit autour d’une moyenne de 66,1 dollars, à fin juillet 2019, contre 73 dollars l’année dernière.
Cette situation est, en sus, aggravée par une baisse des quantités d’hydrocarbures de l'ordre de 12%, sachant que les hydrocarbures et leurs dérivés représentent plus de 95% des recettes d’exportation du pays, et plus de 65% des recettes fiscales.
En conséquence, à cause du cours du baril, actuellement très bas, les recettes budgétaires plongent significativement, sous l’effet de la baisse des recettes fiscales provenant des hydrocarbures, qui devraient reculer en 2020 de 500 milliards de dinars, s'établissant ainsi à 2.200 milliards de dinars, par rapport à leur niveau de 2019 (2.714 milliards de dinars).
Une baisse qui cache, en fait, la forte hausse des recettes provenant de l’élargissement de l’assiette fiscale et de l’amélioration du recouvrement des impôts.
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A cela, il faut également ajouter l’impact de la crise économique induite par le mouvement populaire, qui se traduit par des manifestations dans toutes les villes du pays depuis le 22 février dernier, ainsi que l’emprisonnement des oligarques, une situation qui freine grandement l’activité des grands groupes du pays, sans oublier la fermeture de nombreuses entreprises, notamment celles des secteurs stratégiques du BTP.
En effet, au niveau du secteur du Bâtiment et travaux publics et de l'habitat, par exemple, ce sont 36.000 entreprises employant pas moins de 175 000 salariés, qui sont menacées de disparition à cause de la conjoncture économique difficile et du gel de nombreux projets publics.
Tout cet état de fait entraîne ainsi des pertes énormes en termes de recettes budgétaires, sous forme d’impôts sur les revenus (à cause des pertes d’emplois), mais aussi des pertes en termes d’impôts sur les sociétés, ainsi que dans divers autres impôts et taxes.
Malgré le gel de nombreux projets (dépenses d’équipement en baisse de 18,7%) et une certaine réduction du train de vie de l’Etat, avec à la clé des dépenses publiques en recul de 8,6%, s'établissant désormais à 7.823 milliards de dinars, le déficit budgétaire reste colossal.
Seulement voilà: si le précédent gouvernement d’Ahmed Ouyahia avait trouvé la parade, en optant pour cette forme de financement non conventionnel qu'est le recours à la «planche à billets», qui cache ainsi habilement certains effets de la crise financière, et tant pis pour l’inflation, la décision de Noureddine Bedoui de ne plus recourir à ce mécanisme pose un énorme problème au gouvernement actuel et surtout à son successeur.
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Cette situation de financement du déficit est d’autant plus complexe que le gouvernement n’a plus de marges de manœuvre, avec un fonds souverain épuisé, et des réserves de change qui s’amenuisent dangereusement. Celles-ci devraient s’établir à hauteur de 52 milliards de dollars à fin 2020, et ce, dans le meilleur des cas, malgré les mesures prises au cours de ces dernières années qui tendaient à réduire la facture des importations.
Devant cette situation préoccupante, Mohamed Loukal, ministre des Finances, affiche clairement sa position: le gouvernement actuel aura du bien du mal à boucler son budget, et faire face aux besoins de financement, malgré les mesures d’austérités prises. Et ce ne sont pas ces "mesurettes"que sont la création de certaines taxes, qui vont permettre d’accroître les ressources du budget de l’Etat.
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Et de fait, la seule alternative restante demeure le recours à l’endettement extérieur. A ce titre, après que les précédents gouvernements algériens aient fait du non recours à l’endettement extérieur un dogme, celui de Noureddine Bedoui, du fait de l’ampleur de la crise financière, a fini par admettre la nécessité d’un tel recours pour financer l’économie algérienne.
Mais voilà: il faudra encore attendre l'arrivée du prochain gouvernement pour mettre en application cette nouvelle donne.