Algérie: sur la trace des miettes de milliards d’euros transférés à l’étranger par les oligarques et dignitaires

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Le 02/09/2020 à 17h16, mis à jour le 03/09/2020 à 15h33

Les autorités examinent les montants faramineux transférés à l’étranger par ses oligarques et des dignitaires de l’ancien régime. Des sommes colossales ont été placées sur des comptes bancaires ou investies dans l’immobilier, dans plusieurs pays de l'UE, et Alger cherche à en récupérer des miettes.

En pleine tourmente économique et financière, l’Algérie examine la meilleure manière de récupérer d'importants fonds placés à l’étranger par les hauts dignitaires militaires et civils de l’ancien régime et les oligarques proches du clan Bouteflika.

Les montants sont certes faramineux, mais ceux annoncés ici et là ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Hormis les montants placés sur des comptes bancaires et/ou investis dans l’immobilier, certains montants placés dans les paradis fiscaux avec des noms d’entreprises-écrans et de prête-noms seront difficiles à retracer et à trouver. Surtout que la longue agonie du régime Bouteflika a permis à de nombreuses personnalités d’affiner leurs stratégies pour camoufler les sommes colossales qu'ils ont soutirées à l’Etat et au peuple algérien.

De ce fait, les révélations du quotidien Le Soir d’Algérie, qui fait état de plus de 3 milliards d’euros transférés à l’étranger paraissent négligeables, même si le montant demeure colossal.

C’est Ali Haddad, l’ancien patron des patrons, qui se hisse au premier rang avec 1,5 milliard d’euros transférés à l’étranger.

Parmi les oligarques cités, figure aussi Mahieddine Tahkout, qui aurait transféré l’équivalent de 1,2 milliard de dollars et 890.340 euros à l’étranger. Les frères Kouninef auraient, eux, transféré 500.000 dollars à l’étranger.

D’autres ont transféré des montants colossaux en s’achetant des biens immobiliers. C’est le cas de l’homme d’affaires Mourad Eulmi, qui s’est acheté plus de 8 maisons en région parisienne pour un total de 24,20 millions d’euros. Son frère serait aussi propriétaire de 3 propriétés luxueuses à Paris et à Monaco, d’un montant global de 2,62 millions d’euros.

Mais toutes les personnes citées dans ces affaires sont des proches du clan Bouteflika. Or, durant ces dernières décennies, plusieurs personnalités et généraux ont tiré profit de cette mafia pour détourner des montants colossaux ou obtenir des commissions mirobolantes, notamment lors de gros contrats d’armements signés avec les Russes. Pour le moment, seuls les généraux qui étaient dans ce cas sont inquiétés.

Du coup, les montants annoncés ne sont qu’une infime partie des montants transférés à l’étranger. Une situation logique, quand on sait que l’Algérie a dilapidé plus de 1.000 milliards de dollars en vingt années de mandats successifs de Abdelaziz Bouteflika et que, malheureusement, tout est encore à construire dans ce pays.

L’ampleur des détournements de fonds est dès lors très vite comprise, donnant une idée des montants qui ont été transférés pour être investis ou dissimulés à l’étranger.

Ainsi, en 2015 déjà, à la suite du scandale SwissLeaks, Ali Benouani, ancien ministre du Trésor, qui est au parfum de certaines pratiques, affirmait dans les colonnes d’El Watan que "les estimations des fonds placés à l’étranger, liés à la corruption et à la surfacturation, dépassaient les 100 milliards de dollars depuis le début des années 2000, tandis que les fortunes algériennes établies à l’étranger seraient de près de 200 milliards de dollars".

Les détournements et transferts de fonds se sont multipliés au cours de ces dernières années, dans le sillage de la déconfiture du régime de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika.

Plus récemment, Abdelkader Bengrina, président du Mouvement Bina, est allé dans le même sens en marge de la campagne présidentielle de 2019, en soulignant qu’"il est inutile de maintenir les corrompus en prison si nous perdons 200 milliards de dollars de l’argent du peuple algérien".

Toutefois, cette opération de rapatriement des fonds transférés à l’étranger, notamment en Europe, est complexe, et demande des procédures très longues et, surtout, une véritable volonté politique.

Par Karim Zeidane
Le 02/09/2020 à 17h16, mis à jour le 03/09/2020 à 15h33