Algérie. "Enquête exclusive": le régime sort l'arsenal répressif contre la chaîne M6

La chaîne M6 a diffusé son reportage ce 20 septembre 2020.

La chaîne M6 a diffusé son reportage ce 20 septembre 2020. . DR

Le 22/09/2020 à 13h06, mis à jour le 22/09/2020 à 13h09

Moins de 24 heures après la diffusion du documentaire "Algérie: le pays de toutes les révoltes", dans le cadre de l'émission "Enquête exclusive" sur M6, le régime algérien prend des sanctions contre la chaîne française qu'il accuse d'avoir usé de subterfuges pour réaliser son reportage.

Après avoir constaté l'échec du contre-feu allumé par Abdelmadjid Tebboune qui a accordé une interview de dernière minute à M6, diffusée à la suite du documentaire "Algérie: le pays de toutes les révoltes", les autorités algériennes retournent à leurs vielles amours: la sanction.

Il fallait s'attendre à la mise en branle de la machine répressive contre la chaîne française après la diffusion de ce reportage montrant l'une des facettes les plus sombres d'un régime algérien répressif à outrance et qui laisse la jeunesse du pays sans aucune perspective. 

Dès le lendemain, le ministère algérien de la Communication a décidé de "ne plus autoriser" la chaîne de télévision privée à opérer en Algérie. Dans un communiqué publié lundi soir, les autorités accusent ce documentaire de "porter un regard biaisé sur le Hirak" et d'avoir été réalisé par une équipe munie d'une "fausse autorisation de tournage".

"Ce précédent nous conduit à décider de ne plus autoriser M6 à opérer en Algérie, sous quelque forme que ce soit", affirme le ministère qui fustige des "témoignages insipides", des "clichés les plus réducteurs" et "une somme d'anecdotes sans profondeur".

Les autorités du régime accusent "une journaliste franco-algérienne" d'avoir "assuré la réalisation du film, avec l'aide d'un fixeur algérien, munis d'une fausse autorisation de tournage", ajoutant qu'il s'agit d'une infraction "au demeurant sévèrement sanctionnée". Elles brandissent également la menace d'engager des poursuites contre les auteurs du reportage pour "faux en écriture authentique ou publique".

Alger sort ensuite son discours bien rodé faisant valoir un complot que fomentent les médias internationaux contre un pays où tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.

Il "n'est pas fortuit que ces médias, outillés pour exécuter un agenda visant à ternir l'image de l'Algérie et à fissurer la confiance indéfectible établie entre le peuple algérien et ses institutions, agissent de concert et à différents niveaux et supports", ose écrire le ministère de la Communication qui ne mesure pas le caractère risible d'une telle affirmation.

En effet, le reportage qui commence par suivre un groupe de 25 touristes, des retraités français en visite à Tipaza et suivis en permanence par presque autant de policiers, montre les facettes sombres d'un régime ultra-répressif. Dans une séquence surréaliste, l'un de ces retraités qui souhaite s'éloigner du groupe est immédiatement rattrapé par un policier en civil. Et les touristes montrent leur exaspération.

Evidemment, le régime algérien a de quoi être en colère contre la diffusion d'un tel reportage dans un contexte de répression contre de nombreux journalistes, notamment Khaled Drareni, correspondant de la chaîne TV5 Monde et représentant de Reporters sans frontières (RSF) condamné en appel la semaine dernière à 2 ans de prison ferme. Ce verdict a soulevé une vague d'indignation partout dans le monde.

Avant Drareni, plusieurs journalistes ou militants du Hirak ont été victimes de l'arsenal répressif du régime. Ainsi début août, Moncef Aït Kaci, ex-correspondant de France 24, et le cameraman Ramdane Rahmouni ont été arrêtés et placés en détention préventive pendant vingt-quatre heures, avant d’être libérés devant le tollé général.

Abdelkrim Zeghileche, militant pro-Hirak et directeur d’une radio algérienne diffusée sur Internet, Sarbacane, a été incarcéré le 24 juin à Constantine et ce n'était pas la première fois qu'il dormait en cellule.

Un autre journaliste proche du Hirak, Ali Djamel Toubal, correspondant du groupe de médias privé Ennahar, a été condamné le 14 juillet à quinze mois de prison ferme par la cour d’appel de Mascara, notamment pour avoir diffusé des images montrant des policiers malmenant des manifestants antirégime.

Egalement derrière les barreaux, Belkacem Djir, journaliste de la chaîne privée Echourouk News, a écopé le 28 juin d’une peine de trois ans de prison dans une affaire de droit commun liée à son travail d’investigation.

Raisons pour lesquelles les autorités algériennes n'aiment que l'on s'intéresse à la répression et à l'Etat policier qui s'est renforcé depuis l'arrivée d'Abdelmadjid Tebboune au pouvoir.

Par Djamel Boutebour
Le 22/09/2020 à 13h06, mis à jour le 22/09/2020 à 13h09