Alger lance une commande ridicule de doses du vaccin russe... afin de "sauver la face" de Tebboune

DR

Le 01/01/2021 à 13h35, mis à jour le 02/01/2021 à 14h05

Alors que des millions de doses ont déjà été commandées par bien des pays de la planète pour leur population, Alger n'annonce qu'une commande de 500.000 doses auprès de la Russie. Leur allié russe ne la livre que pour "sauver la face" du président algérien, qui l'avait déjà annoncée sur Twitter.

Alors que plusieurs pays ont déjà lancé leur campagne de vaccination contre le Covid-19, que d’autres ont finalisée leurs préparatifs pour entamer la vaccination de leur population, l’Algérie, qui s’était distinguée en annonçant vouloir prendre les autres pays comme «cobayes» avant de se raviser, vient d’annoncer une commande ridiculement basse de vaccins, auprès de son partenaire russe.

Si le Maroc, de son côté, a annoncé une commande de 65 millions de doses de vaccins des laboratoires Sinopharm (Chine) et AstraZeneca (Royaume-Uni/Suède), alors que la Tunisie a, elle, annoncé une commande de 2 millions de doses du vaccin développé par Pfizer/BioNTech, l’Algérie, pourtant pays le plus peuplé du Maghreb avec 44 millions d’habitants, n'a finalement pu annoncer qu'une commande de seulement 0,5 million de doses du Sputnik-V développé par un laboratoire russe.

Il s'agit d'un «contrat de gré à gré simple pour l’acquisition du vaccin contre le Covid-19 avec un laboratoire russe et ce, en concrétisation de la décision du président de la République d’entamer l’opération de vaccination à partir de janvier prochain», a laconiquement indiqué le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Ammar Belhimer.

En effet, après avoir fait la cour aux industries pharmaceutiques chinoises pour obtenir rapidement des vaccins, mais naturellement en vain, sachant que plusieurs pays s’étaient déjà positionnés sur ces commandes depuis déjà plusieurs mois, afin de pouvoir bénéficier des premiers lots, les autorités algériennes, brusquement mises sous pression par Abdelmadjid Tebboune, ont dû subitement, et à la dernière minute, multiplier les contacts pour mettre à exécution une décision publiquement émise, via Twitter, par le président algérien. 

Dans ce post, Tebboune, qui vient de rentrer à Alger voici deux jours, le 29 décembre au soir, après un long séjour médical en Allemagne et qui veut coûte que coûte démarrer la vaccination en Algérie dès le mois de janvier, pour montrer bien qu’il dirige encore le pays, avait twitté, au cours de ce séjour en Allemagne où il était soigné du Covid-19 et de ses conséquences, un AVC: «J’ai donné des instructions au premier ministre pour qu’il préside une réunion avec le Comité scientifique en charge du suivi de la situation sanitaire, pour choisir le vaccin adéquat contre le Covid-19 afin de lancer l’opération de vaccination à partir de janvier 2021».

Ce fut aussitôt le branle-bas de combat à Alger, après plusieurs mois de torpeur en pleine crise sanitaire. Après des dizaines de sollicitations, suite à leur échec de l'acquisition rapide d’un vaccin chinois, et après plusieurs tractations auprès des Russes, l’«ami» russe, allié traditionnel de l'Agérie, a enfin consenti à voler au secours du gouvernement algérien, en lui accordant 500.000 doses du Sputnik-V, le vaccin développé par un laboratoire russe, avant tout pour sauver l'honneur du président Abdelmadjid Tebboune, qui avait déjà annoncé sur le réseau social le lancement de la campagne de vaccination des Algériens.

Le président algérien cherche en effet à redorer son blason après plus de deux mois d'absence, avant tout pour répondre aux multiples sorties médiatiques de militants pro-démocratie et autres membres de la société civile algérienne, qui demandent avec insistance une réelle transition démocratique en Algérie, et qui le jugent incapable de diriger le pays.

Le Sputnik-V a donc été le seul vaccin dont les autorités algériennes ont pu obtenir une promesse de livraison pour le mois de janvier, de l'aveu même de sources gouvernementales algériennes. Mais avec ce nombre ridiculement bas de 500.000 doses, à raison de deux doses de vaccin qui doivent être administrée pour chaque personne, l’Algérie ne pourra vacciner, au plus, dans un premier temps, que 250.000 personnes. Comparativement au nombre d'habitants du pays, le ratio est, là aussi, ridiculement bas. 

A titre de comparaison, le Maroc a commandé 65 millions de doses de vaccins afin de vacciner 25 millions de personnes, soit l'ensemble de la population âgée de plus de 18 ans. Quant à la Tunisie, elle a commandé 2 millions de doses, en plus de celles qui ont été commandées, et qui relèvent du programme Covax, afin de vacciner 25% de sa population. 

De plus, entre la commande et la réception du vaccin, il y aura un temps d’attente qui risque en effet d’être long, la Russie étant l’un des pays les plus touchés par la pandémie, tout particulièrement lors de cette seconde vague. Il est donc évident que Moscou va d'abord concentrer ses efforts sur la vaccination de sa propre population. Ensuite, les autorités russes devront faire face aux commandes de nombreux autres pays, enclenchées il y a déjà plusieurs semaines, comme l'Inde, la Biélorussie, les Emirats Arabes Unis, pour ne citer que ceux-là. 

Selon les autorités russes, le vaccin Sputnik-V, développé par le centre de recherche Gamaleïa de Moscou, est efficace à hauteur de 95%. Ce vaccin est vendu à 10 dollars la dose. Son prix abordable et les conditions de sa conservation expliquent grandement les raisons de ce choix des dirigeants algériens.

Les autorités algériennes ont toutefois annoncé qu’elles continuent à chercher d’autres fournisseurs. Et après avoir débloqué 1,5 milliard de dinars pour l’acquisition de ces 500.000 doses du Sputnik-V, annoncées par le directeur général du Budget, Abdelaziz Fayed, 20 autres milliards de dinars sont aujourd'hui mis à disposition du gouvernement pour acquérir de nouvelles doses de vaccins. Une annonce qui atteste du fait que malgré la disponibilité des fonds, Alger n’arrive toujours pas à se positionner et à faire acter ses commandes auprès des géants pharmaceutiques qui ont développé des vaccins et dont les carnets de commandes sont déjà bien remplis.

Par ailleurs, le Sputnik-V, choisi par Alger, est encore regardé avec quelque méfiance par de nombreux pays, d’autant qu'à base d’adénovirus (soit un vaccin classique, à l'ancienne), il est actuellement toujours à l’essai.

Mais contraints par le temps et par la pression que leur a mis le tweet de Tebboune, les autorités algériennes n’ont plus tellement le choix et y vont de leur argument pour défendre leur décision d'acquérir le Sputnik-V. 

«Franchement, nous n’avons aucune raison de douter de l’efficacité du vaccin russe. Ni des vaccins chinois d’ailleurs», a souligné Mohamed Bekkat Berkani, membre du Comité scientifique chargé du suivi de l’évolution de l’épidémie Covid-19 en Algérie. Selon cet expert algérien, «nous ne devons pas tomber dans le piège de la dépréciation que les occidentaux font de la Russie. C’est une guerre politique et commerciale, comme ils l’ont fait avec la Chine».

Un changement de ton radical par rapport à la méfiance dont faisaient l’objet ces vaccins de la part des autorités sanitaires algériennes, à commencer par le ministre de la Santé, Abderrahmane Benbouzid, qui avait avancé, sans doute prématurément que l’Algérie attendait que le vaccin anti-Covid-19 qui serait commandé par les autorités «soit qualifié», afin de se décider du choix du vaccin.

Et se dissimulant derrière ces toutes dernières déclarations de bonnes intentions, avant tout pour cacher l’échec de leur politique, les autorités algériennes feignent d'oublier qu'elles avaient décidé «d’acquérir un vaccin préqualifié par l’OMS dans le cadre du Covax, mécanisme organisé par l’OMS, pour garantir l’efficacité la sécurité, la disponibilité, les meilleurs prix et une équité dans la préparation des vaccins».

Or, à d’aujourd’hui, le seul vaccin homologué par l’OMS est bel et bien celui de Pfizer/BioNTech, un laboratoire qui a d’emblée été écarté par les autorités algériennes, du fait de ses exigences logistiques drastiques. Il s'agit en effet d'un vaccin qui nécessite d'être conservé à une température supérieure ou égale à -70°C.

Au-delà de l’obtention de doses de vaccin en suffisance pour l'ensemble de la population, il faudra aussi, pour les autorités algériennes, bien des préparatifs en amont, afin de vacciner rapidement la population.

Pour cela, il leur faut préparer toute la logistique nécessaire, ce qui est encore loin d’être le cas... En clair, les 500.000 doses qui ont pu être commandées à la dernière minute par Alger, ne sont que de la poudre aux yeux pour les Algériens, qui devront encore attendre la suite du programme Covax de l’Organisation mondiale de la santé, afin de pouvoir enfin bénéficier de l'administration d'un vaccin. Mais il faudra faire preuve, encore et toujours, de patience, et attendre plusieurs semaines encore. 

Par Karim Zeidane
Le 01/01/2021 à 13h35, mis à jour le 02/01/2021 à 14h05