La désobéissance civile se généralise en Algérie: les citoyens ferment plusieurs routes et bloquent la voie ferrée

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Le 06/02/2021 à 15h03, mis à jour le 06/02/2021 à 15h20

Face aux carences de la gouvernance sur tous les plans, les citoyens multiplient les formes de contestations en fermant les routes, en bloquant les chemins de fer et en organisant des marches de protestations vers la capitale pour exprimer leur désarroi face aux difficultés quotidiennes.

Comme attendue, les foyers de tensions sociales se multiplient en Algérie à mesure que les citoyens font face à une aggravation de leurs conditions de vie.

Lassés par l’abandon des autorités face aux nombreux problèmes auxquels ils font face, les habitants des localités riveraines des routes et chemins de fer recourent aux blocages des voies pour attirer l’attention des pouvoirs publics dans l'espoir de voir leurs problèmes résolus.

Dernier acte en date, le trafic ferroviaire en direction des villes de l’ouest du pays, à partir d’Alger est bloqué momentanément depuis ce matin à partir de 10 heures. Selon la Société nationale de transport ferroviaire (SNTF), «ces perturbations sont dues à l’interception de la voie entre Beni Mered et Blida, par des individus, au niveau de Khazrouna», ajoutant que «les trains à destination d’Oran (8h et 10h00) auront un retard indéterminé».

Il ne s’agit pas d’un cas cas isolé, même si ces blocages ne touchaient jusqu’à présent que le réseau routier. Ainsi, la semaine dernière, plusieurs routes ont été coupées par des protestataires, notamment à Alger, Béjaïa, Blida, Constantine, Tizi-Ouzou, etc. Le phénomène des coupures des routes a fortement augmenté depuis le début de l’année en cours dans de nombreuses wilayas.

A Kherrata, la semaine dernière, les habitants du village Kelaoune, avaient procédé à la fermeture de la circulation de la route RN9 réclamant l’achèvement du projet d’un forage pour l’alimentation en eau potable de leurs foyers. Or, la RN9 est un axe névralgique entre Sétif et Béjaïa, étant la seule route importante reliant les deux wilayas, paralysant, du coup, l’activité économique de la région.

A Alger, Blida et Bejaia, les manifestants ont barré les routes pour réclamer l’amélioration de leurs conditions de vie ou pour contester la distribution des logements sociaux dans des conditions opaques. A Laghouat, les manifestants ont occupé la place principale de la ville pour réclamer des logements, du travail et de meilleures conditions de vie.

En outre, les jeunes protestent contre un chômage endémique et sans alternative possible. N’ayant pas de visibilité sur leur avenir, et étant souvent éloignés des centres de décisions pour se faire entendre, le blocage des routes reste la seule alternative pour faire passer leurs messages au plus haut niveau.

Seulement, ce mode de protestation populaire prend en otage d’autres citoyens qui souffrent des carences résultant de la mauvaise gouvernance du régime à l’origine de la flambée des prix, qui réduit réduit fortement le pouvoir d’achat des citoyens et des pénuries de nombreux produits de première nécessité. A cause de la flambée des prix, les ménages ont du mal à joindre les deux bouts avec des salaires qui sont restés figés. Alors que le Smig algérien est de 18.000 dinars (soit 112 dollars), avec la hausse généralisée des prix des produits, il faut un salaire minimum de 75.000 dinars pour survivre. On comprend alors le mécontentement généralisé de la population.

D’autres jeunes ont opté pour une marche vers Alger pour réclamer du travail. Ainsi, plusieurs dizaines de jeunes de la wilaya de Touggourt ont entamé, le 2 février, une marche de 660 km pour rejoindre Alger afin de protester contre leur marginalisation en matière d’emploi après plusieurs démarches au niveau local sans succès.

Cette situation de désobéissance civile est le résultat d’une dégradation des conditions de vie des Algériens et de l’absence criante de justice sociale, conséquences d’une mauvaise répartition des richesses du pays.

Pour Hacene Kacimi, qui intervenait dans une tribune publiée sur lapatrienews.com, «la fermeture de la route par les citoyens est le constat de carence de la médiation locale qui n’arrive plus à mettre en place les canaux et les passerelles de communication entre l’administration et les gouvernés». Tout en condamnant ces actes dont les premières victimes sont les citoyens, il explique que bloquer une route est un acte «qui atteste de l’intensité des difficultés, du désarroi des populations, et de l’absence de partenaires locaux, décentralisés ou déconcentrés, crédibles», en mesure de prendre en charge les doléances et la misère du citoyen».

Il explique aussi que «la fermeture des routes, comme phénomène de protestation est un signe d’affaiblissement de l’Etat et de la collectivité locale».

Pour lui, la solution réside dans le renforcement de la démocratie participative, et en faisant des régions des partenaires crédibles et des acteurs économiques et politiques en mesure de créer de la richesse pour influer sur le développement local.

Seulement, ce mode de décentralisation est loin d’être l’apanage des dirigeants algériens qui ont toujours privilégié une centralisation du pouvoir à Alger où tout se décide. Toutefois, en absence du président, presque rien ne s’y décide du fait qu’aucun responsable ne souhaite prendre le risque d’une décision qui fâche au moment où l’échec du gouvernement est reconnu même par le président Abdelmadjid Tebboune.

Ces mouvements de contestation interviennent à quelques jours de la célébration du second anniversaire du déclenchement du mouvement populaire à l’origine du départ du régime de Bouteflika.

Par Karim Zeidane
Le 06/02/2021 à 15h03, mis à jour le 06/02/2021 à 15h20