Au lieu d'apporter une réponse aux mouvements de protestations organisés par les sapeurs pompiers exigeant la revalorisation de leurs salaires et le paiement des primes de risque, le ministère de l'Intérieur a préféré les menacer. Dans un communiqué diffusé hier, dimanche 2 mai, tard dans la soirée, il affirme que pour ce "corps spécifique, ce genre de comportements qui touche à l’ordre public, n’est pas permis quelles que soient les conditions, et leur demande d’y renoncer d’une façon définitive". Il ajoute surtout que le département de tutelle se "réserve le droit de prendre toutes les mesures légales pertinentes".
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Pire encore, le ministère de l'Intérieur donne des explications tirées par les cheveux en faisant clairement allusion à un complot venant de l'étranger. En effet, il n'hésite par à dire qu'il s'agit d'un "mouvement de protestation non fondé, provoqué et soutenu par des parties rancunières à l’égard de l’Algérie et aux agendas douteux". Il est clair que quand de tels termes sont évoqués, les autorités font souvent référence à la France ou au Maroc, comme si les problèmes économiques et financiers que vit le pays et qui provoquent une vague de soulèvements sociaux venaient de l'étranger.
Toujours restant dans leur logique de menace, les autorités en charge de l'Intérieur, dont dépend la protection civile, font référence à des articles de loi. Selon elles, l'imposante marche des sapeurs pompiers organisée dimanche contrevient aux dispositions de la loi 90-02 relative à la prévention et au règlement des conflits collectifs de travail et à l’exercice du droit de grève, et à l’article 28 du statut particulier des fonctionnaires de la Protection civile.
Il faut dire que le régime algérine a été surpris par l'ampleur qu'a pris le mouvement de contestation de ce corps commandé, censé rester en permanance dans les rangs pour exécuter les ordres venant de la hiérarchie. En effet, les sapeurs pompiers algériens s'étaient limités à une grogne devant leurs casernes respectives lors des deux précédents dimanches, du 18 et du 25 avril. Tant que la protestation se limitait à ces sit-in improvisés, il n'y avait pas besoin ni de se montrer inquiet ni de menacer.
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Sauf que hier, 2 mai, les sapeurs pompiers, dont le mouvement de mécontentement n'est pas dirigé par leur syndicat, ont décidé de marcher vers la présidence. La foule impressionnante qu'ils ont formée a été stoppée net par des jets de grenades à gaz lacrymogène, ce qui l'a obligée à changer d'itinéraire et de destination. Finalement, au lieu du Palais d'El Mouradia, les manifestants se dirigent vers la Direction générale de la protection civile (DGPC).
Ce qui est clair, c'est que ces menaces, rappels de la loi et autres explications, confirment que le régime a bel et bien peur de ce qui est en train de se passer. D'ailleurs, dans la même soirée, le président Abdelamadjid Tebboune, lui-même, est sorti dire que le dialogue est désormais ouvert avec les enseignants et le corps médical, deux autres secteurs qui sont également en colère et qui ont engagé un bras de fer avec le gouvernement.