Audio. Algérie: le gouvernement provisoire kabyle porte plainte contre Tebboune et Chengriha devant la CPI

Ferhat Mehenni, président du gouvernement provisoire kabyle mis en place par le MAK.

Ferhat Mehenni, président du gouvernement provisoire kabyle mis en place par le MAK. . DR

Le 16/08/2021 à 17h37, mis à jour le 16/08/2021 à 17h49

Le gouvernement provisoire kabyle du MAK a porté plainte contre le président et le chef d'état-major algériens, Abdelmadjid Tebboune et Said Chengriha, pour génocide, leur reprochant d'être les instigateurs des récents feux de forêt et l'hécatombe causée par la pandémie en Kabylie.

Selon Aksel Belabbaci, conseiller du président du MAK "le mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie a déposé une plainte auprès du procureur de la Cour pénale internationale contre les deux principales personnalités, civile et militaire, au sommet de l'Etat algérien, à savoir le président Abdelmadjid Tebboune et le chef d'état-major de l'armée, le général Said Chengriha".

Dans une lettre adressée à Karim Khan, procureur de la CPI et dont Le360 Afrique a obtenu une copie, Ferhat Mehenni, le président du gouvernement provisoire kabyle, porte de graves accusations contre le régime algérien, en argumentant son propos avec de troublants faits.

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"Je viens déposer plainte auprès de Votre Honneur contre les deux représentants officiels du pouvoir algérien, le président Abdemadjid Tebboune, et le Général Said Chengriha pour l’organisation et la mise en œuvre d’un génocide kabyle qui est en train d’être exécuté par des moyens inédits", écrit-t-il. Et d'ajouter: "Ils consistent en l’instrumentalisation de la pandémie de la Covid et des incendies meurtriers à des fins d’extermination ethnique".

Selon lui, il s'agit de la mise en œuvre d''une entreprise génocidaire contre le peuple kabyle, appelée «Opération Zéro Kabyle»", laquelle avait été pensée par le général Ahmed Gaïd Salah "du 18 au 20 août 2019", lors d'un congrès tenu à Mostaganem.

Pour ce qui concerne les récents feux de forêt qui ont touché 14 wilayas algériennes majoritairement kabyles et fait au total 90 morts dont 57 civils et 33 militaires, Mehenni cite notamment des révélations prémonitoires faites par un ancien élément des services secrets algériens, aujourd'hui réfugié à Londres.

"Le 3 juin, Said Bensedira, un ancien élément des services algériens, actuellement résidant au Royaume-Uni, annonce que des officines au sommet de l’Etat préparaient une opération pour l’été consistant à brûler la Kabylie. Personne n’y avait alors prêté attention".

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De plus, "le 9 août 2021, des hélicoptères survolent la région de Tizi-Ouzou et aussitôt sur leurs passages d’immenses incendies ravagent les alentours des villages qui prennent feu très vite et les Kabyles, piégés, essaient de sauver leurs vies en abandonnant tous leurs biens aux flammes. Des dizaines de morts et l’Algérie refuse toujours d’appeler à l’aide internationale alors qu’elle n’a pas les moyens de venir à bout de ces gigantesques incendies", poursuit Mehenni.

Mais pour le président du gouvernement provisoire kabyle, cela n'est pas le plus grave, puisque ces feux ne sont que l'arbre qui cache la forêt de l'entreprise de génocide. En effet, ils ont fait oublier un drame autrement plus grave actuellement en cours: l'hécatombe, causée par la pandémie, que le régime algérien ferait tout pour aggraver selon lui.

En effet, toujours selon Ferhat Mehenni, ce projet d'aggravation de la pandémie dans cette région rebelle de l'Algérie s'est déroulée en trois étapes. La première a consisté à faire en sorte que "les marches de protestation (...) interdites partout", se poursuivent "en Kabylie où bientôt, les effets dévastateurs de la Covid-19, vont commencer à tuer par dizaines chaque jour". Ainsi, "les hôpitaux kabyles sont saturés et sous-équipés en matériel d’oxygénation, en lits médicalisés et en produits médicamenteux en tous genres. L’approvisionnement en oxygène de ces hôpitaux est bloqué, au motif qu’ils n’avaient pas de conventions avec les fournisseurs".

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La deuxième étape du projet consiste, selon lui, en "la démission de l’Etat à assumer ses obligations sanitaires en Kabylie". Et quand "les citoyens kabyles décident alors de se prendre en charge et organisent de nombreuses collectes pour venir en aide aux malades et doter tous ses hôpitaux des équipements adéquats", l'Etat algérien les freine alors dans cet élan.

En effet, dans une troisième phase, "l’ambassadeur d’Algérie en France bloque ces équipements en annonçant qu’ils doivent tous être remis au ministère algérien de la Santé qui va les répartir sur l’ensemble des établissements hospitaliers de l’Algérie. Le matériel médical est ainsi bloqué aux douanes et les patients du Covid-19 meurent par centaines, ces dernières semaines en Kabylie", dénonce-t-il.

En outre, dans la même lettre, Ferhat Mehenni dénonce devant le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), l'acharnement judiciaire et les cas de torture dont sont victimes les Kabyles. Par exemple, le 28 novembre 2019, un étudiant kabyle, Walid Nekkiche, fut arrêté à Alger et accusé de préparer un attentat contre les marches du vendredi", écrit-il, avant de rappeler qu'"A son procès, le détenu a avoué avoir été torturé et violé lors de ses interrogatoires par les services algériens pour lui faire avouer appartenir au Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie, un mouvement purement pacifique qui réclame démocratiquement l’exercice du droit à l’autodétermination du peuple kabyle".

Pire encore, "Malgré l’absence de preuves contre lui, il est quand même condamné à 14 mois de prison qu’il venait de purger, début février 2021", regrette-t-il.

De plus, les militants du MAK, qui demeurent politiquement très pacifiques, sont systématiquement accusés de vouloir préparer des attentats. C'est sans doute pour cette raison que "le 18 mai 2021, le haut conseil à la sécurité algérien, alors qu’il n’est qu’une instance consultative, décide de classer le MAK en tant qu’organisation terroriste", estime toujours Ferhat Mehenni.

C'est pour obtenir justice face à tout cela que le MAK a décidé de sortir de sa réserve et de mener une véritable campagne à l'internationale. Ainsi, outre la CPI, "Nous avons saisi le Secrétaire général de l’ONU, l’Union européenne et l’Union africaine pour leur demander de diligenter une enquête internationale pour savoir qui de nous ou du pouvoir algérien est terroriste", explique-t-il.

Par Djamel Boutebour
Le 16/08/2021 à 17h37, mis à jour le 16/08/2021 à 17h49