Algérie: la gestion désastreuse de la pandémie conduit les citoyens à agresser les médecins

Les médecins sont régulièrement victimes d'agressions à cause du nombre élevé de décès.

Les médecins sont régulièrement victimes d'agressions à cause du nombre élevé de décès. . DR

Le 17/07/2020 à 15h40, mis à jour le 17/07/2020 à 16h07

L'échec de la gestion sanitaire du Covid-19 a conduit les Algériens à s'attaquer au personnel médical qui est régulièrement victime d'agressions. Pendant ce temps, les vrais responsables concoctent une nouvelle loi répressive, au lieu de doter les hôpitaux de moyens.

Pour le citoyen lambda, les médecins sont les seuls responsables des morts qui s'accumulent par centaines dans les morgues des hôpitaux. Du coup, les malheureux soignants et autres infirmières sont l'objet de nombreuses et incessantes agressions. Le gouvernement algérien, fidèle à sa politique de fuite en avant, a décidé, non pas de revoir sa copie pour une meilleure gestion de la crise, mais plutôt de sortir l'arme répressive contre les citoyens. 

Il ne se passe plus une seule journée sans que la presse algérienne ne rapporte plusieurs agressions contre ceux qui sont censés sauver la vie des malades. Il suffit de parcourir les titres pour s'en convaincre. 

"Tentative d’agression du directeur de l’EPH de Bouira: neuf personnes devant le parquet", peut-on lire sur le site du quotidien El Watan.

Ainsi, "Le responsable (de l'hôpital) a, dans une déclaration faite à El Watan, précisé qu’un groupe de personnes appartenant à la famille d’un patient décédé pour cause de coronavirus ont envahi son bureau pour lui réclamer une autorisation de retrait de la dépouille, alors que, dit-il, les résultats PCR de l’Institut Pasteur d’Algérie ne sont pas encore connus". 

En réalité, le directeur de cet établissement doit la vie sauve à ses talents d'alpiniste urbain. En effet, "il a sauté de la fenêtre de son bureau, qui se trouve au premier étage du bloc administratif, et ce, pour éviter une agression physique", écrit le même journal dans un autre article sous le titre révélateur de "Le phénomène a pris de l’ampleur avec l’évolution de la Covid-19: trop de violence contre le corps médical". 

Une déclaration qui montre également que même si tout le monde se doute que le patient décédé est mort du coronavirus, aucun test fiable n'avait été fait, sans quoi il n'aurait pas été nécessaire de le faire post-mortem. Ceci montre clairement la responsabilité des autorités algériennes qui refusent catégoriquement de procéder à un dépistage massif et rigoureux, mais c'est encore une fois les médecins qui paient à leur place, face à la colère légitime des familles de victimes. 

"Les hôpitaux des quatre coins du pays se sont transformés en lieux à risques, l’insécurité se répand et la colère des proches des patients finit souvent en rixes, voire en affrontements violents", écrit le quotidien.

Cette assertion est confirmée par la condamnation, jeudi 16 juillet, à Constantine, d'un individu à trois ans de prison pour agression contre un médecin exerçant au service Covid-19, dans le Centre hospitalo-universitaire (CHU) Dr Benbadis, selon l'agence Algérie Presse Service (APS). L'homme en question avait fracturé le nez de sa victime en lui portant un coup de poing au visage, la semaine dernière. 

Jeudi 16 juillet encore, "A Tissemsilt, le tribunal local a prononcé une peine de 18 mois et une amende de 50.000 DA à l’encontre d’un individu pour offense à une femme médecin généraliste exerçant au niveau de l’établissement public de la wilaya, selon un communiqué du procureur de la République près ce tribunal", toujours selon l'APS. 

La personne a été condamnée pour "agression sur un médecin généraliste, menace de mort et cassage de l’écran d’un tableau d’affichage de l’hôpital", écrit l'agence officielle algérienne. 

Evidemment, les citoyens algériens se trompent de cible, même s'ils ont le droit d'être en colère face à la gestion catastrophique de cette pandémie qui a mené à l'abattoir des centaines d'Algériens. Les vrais responsables sont les autorités sanitaires du pays qui n'ont jamais réussi à mettre les médecins dans les meilleures conditions pour sauver les vies des Algériens. 

En effet, l'absence de tests a rendu impossible la prise en charge précoce des malades qui est l'unique manière de sauver des vies. Mais, comme les malades ne sont pris en charge qu'à un stade avancé de leur affection, les médecins sont dans l'incapacité de les sauver. 

Par ailleurs, les médecins sont les premières victimes des défaillances du système médical, puisque 40 agents de santé ont perdu la vie selon la déclaration même de leur ministre de tutelle, et plus de 1.970 d'entre eux ont été infectés par le Covid-19. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 17/07/2020 à 15h40, mis à jour le 17/07/2020 à 16h07