Vidéo. Algérie: le régime incapable de fournir de l'eau aux citoyens de la capitale

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Le 02/08/2020 à 19h36, mis à jour le 02/08/2020 à 19h52

VidéoPlusieurs quartiers de la capitale algérienne n'ont plus d'eau courante depuis le début de l'été. Face à cette nouvelle défaillance de l'Etat, les populations excédées ont barré les routes au lendemain de la fête de l'Aïd, tout en ayant recours à des porteurs d'eau, pratique du siècle dernier

Les défaillances du gouvernement algérien se multiplient et commencent à inquiéter au plus haut point le sommet de l'Etat. Abdelmadjid Tebboune a demandé l'ouverture d'une enquête pour trouver la cause "du manque de liquidités dans certaines banques et bureaux de poste, l’arrêt de la station de dessalement de l’eau de mer de Fouka, ainsi que les coupures sans préavis d’eau et d’électricité dans certains quartiers de la capitale et d’autres grandes villes pendant les deux jours de l’Aïd el-Adha ". 

Si la présidence algérienne a décidé de se saisir de ces dossiers, c'est parce qu'ils révèlent la responsabilité de l'Etat algérien pour chacun de ces incidents qui ne sont plus conjoncturels, mais relèvent de problèmes structurels. 

D'abord, concernant la pénurie d'eau que le communiqué a choisi de camoufler en parlant uniquement de "l'arrêt de la station de dessalement de l'eau de mer de Fouka", il y a lieu de constater qu'il s'agit d'une absence d'alimentation en eau courante de plusieurs quartiers de la capitale Alger.

Le fait que la pénurie dure depuis le début de l'été montre qu'il ne s'agit pas d'un incident isolé et limité dans le temps. La vérité est donc que le gouvernement a été incapable d'approvisionner Alger en cette ressource en pleine pandémie de Covid-19, dans la période la plus chaude de l'année et en dépit de l'extrême nécessité des populations à disposer de la ressource hydrique durant les deux jours de la fête de l'Aïd el kébir.

Pour le moment, les autorités algériennes semblent avoir privilégié la politique de l'autruche en faisant tout pour dégager leur responsabilité et surtout en privilégiant une théorie du complot. Ainsi, avant le communiqué de la présidence algérienne, le ministre des ressources en eau, Arezki Bareki, a diffusé un document similaire en essayant de renvoyer la balle et la culpabilité à de tierces personnes.

"La station de Fouka enregistre fréquemment des incidents induisant parfois son arrêt total, comme cela a été le cas en 2019. Plus d'une fois, ces arrêts inexpliqués sont intervenus à la veille de rendez-vous importants pour notre peuple", affirme-t-il. Il poursuit avec une indignation très mal placée pour dire qu'il "ne peut tolérer ce genre de situations fortement pénalisantes pour les citoyens".

C'est aussi dans cette logique consistant à rejeter la faute sur les autres que s'inscrit la présidence algérienne en demandant l'ouverture d'une enquête. 

Pourtant, la responsabilité des autorités algériennes est entière pour plusieurs raisons. En effet, la station de dessalement d'eau de mer a été dimensionnée pour produire 120.000 m3 d'eau par jour, soit l'alimentation de l'équivalent d'un million de ménages de trois à quatre personnes. Or, au moment de la conception du projet en 2007 et de son lancement en 2011, les autorités algériennes pensaient disposer de ressources financières nécessaires pour cette méthode très onéreuse de production d'eau potable. Les cours du pétrole au-delà de 100 dollars leurs avaient donné l'illusion qu'il s'agissait d'un jeu d'enfant. 

Cette période faste a poussé justement les autorités algériennes à privilégier la méthode la plus coûteuse qu'est la distillation dont les coûts de production sortie usine sont de l'ordre de 0,65 à 1,8 euro le m3. 

Et, justement dans cette période, entre 2006 et 2014, c'est-à-dire dans la phase de forte croissance des cours du pétrole, le pays a lancé pas moins de 11 stations de dessalement d'eau de mer. Mais à partir de 2014, quand les prix du pétrole ont commencé à chuter, les autorités se rendront compte de leur absence de vision, puisque trois autres stations devant compléter ce programme ont finalement été laissées en rade, parce que les ressources financières commençaient à manquer. 

En tout cas pour montrer leur exaspération, les populations de plusieurs quartiers de la capitale ont érigé des barrages sur des axes routiers ou certains boulevards, le jour de l'Aïd el kébir. 

Plus grave encore, le manque de liquidités dont ont souffert les bureaux d'Algérie Poste et certaines banques algériennes, au point de ne pas pouvoir payer les pensions de retraites et les allocations des ayants droit qui ont finalement passé la fête de l'Aïd el kébir les poches vides. 

La question qui se pose est de savoir ce qu'attend réellement Abdelmadjid Tebboune de ces enquêtes, quand bien même l'évidence du lien avec les difficultés financières que traverse le pays saute à l'oeil. L'Algérie a vécu dans la décennie précédente comme un nouveau riche en faisant des choix qui lui explosent aujourd'hui à la figure. 

Car comme pour cette station de dessalement qui commence à connaitre des difficultés à cause de la cherté de son exploitation, les retraites algériennes ont été définies non pas sur des principes économiques, mais uniquement pour acheter la paix sociale comme pour les salaires. Les différentes augmentations ou revalorisations des pensions et salaires sont intervenues notamment entre 2009 et 2011, puis en 2014 au moment du printemps arabe et à des moments où Abdelaziz Bouteflika briguait de nouveaux mandats. 

Le résultat est sans appel. La Caisse nationale des retraites est déficitaire annuellement de 700 milliards de dinars, lesquels doivent provenir du budget général de l'Etat sous forme de subventions. Il se trouve justement qu'avec les cours actuels du pétrole et la succession de crises qui bloquent l'appareil productif depuis plus d'une année, l'Algérie risque d'aller vers la faillite de l'Etat, d'autant que toute idée d'endettement est aujourd'hui exclue. Abdelmadjid Tebboune connaît parfaitement les raisons pour lesquelles ces choses essentielles n'ont pas été assurées correctement. Il faut parier que les conclusions de son enquête l'attendent déjà au palais d'El Mouradia, sauf si par manque de ressources financières, elles n'ont pas pu être acheminées à temps. 

Par Djamel Boutebour
Le 02/08/2020 à 19h36, mis à jour le 02/08/2020 à 19h52