La crise financière aiguë que traverse l’Algérie depuis 2014 dans le sillage de la chute du cours du baril de pétrole impacte fortement la liquidité du système bancaire et risque de paralyser certaines de ses activités.
La situation est telle qu’aujourd’hui certaines banques sont obligées de geler une partie de leurs crédits aux entreprises et aux investissements, faute de liquidités. Il faut dire que celles-ci ont fortement fondu au cours de ces derniers mois.
Rappelons que cette liquidité est une partie de la monnaie centrale détenue par les banques et se compose des encaisses en billets et des réserves portées aux comptes courants à la Banque centrale d’Algérie. Elle provient des dépôts effectués par la clientèle, mais aussi par les emprunts auprès de la Banque centrale et/ou sur le marché interbancaire. Cette liquidité évolue en fonction de la conjoncture économique et de la politique monétaire de la Banque centrale. Son niveau conditionne grandement les crédits à l’économie.
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Ainsi, selon la Banque d’Algérie, à fin mai 2020, la liquidité globale du système bancaire algérien ressortait à 916,7 milliards de dinars, contre 1.101 milliards de dinars à fin 2019 (en dépit de deux baisses consécutives du taux des réserves obligatoires depuis le début de l’année) et 1.557,6 milliards de dinars à fin 2018. En clair, les liquidités des banques ont chuté de 42,38% depuis fin 2018.
Du coup, les banques algériennes ne sont plus capables d’assurer convenablement les crédits nécessaires au fonctionnement de l’économie nationale. Certaines ont simplement gelé les crédits d'investissement et d'exploitation aux entreprises à cause de cette crise de liquidité.
Une situation qui tombe mal pour les entreprises, durement touchées par les conséquences de la pandémie du coronavirus et qui ont, plus que par le passé, besoin du concours des banques pour financer leurs investissements et leurs charges d’exploitations courantes.
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Le fait que les banques, à court de liquidités, gèlent les financements risque d’aggraver la situation économique et financière que traverse l’Algérie depuis 2014, dans le sillage de la chute du cours du baril de pétrole.
Mais comment est-on arrivé à une crise de liquidité aussi critique? Celle-ci est le résultat d’une conjonction de facteurs défavorables. D’abord il y a bien évidemment la chute du cours du baril de pétrole depuis 2014 qui a considérablement réduit les recettes des hydrocarbures.
La situation s'est aggravée avec la pandémie du coronavirus qui, en faisant chuter la demande mondiale des hydrocarbures à un niveau très bas, a amplifié la chute du cours du baril à un niveau inquiétant pour les pays dont les économies reposent sur la rente pétrolière, comme l’Algérie. Ceci aggrave le déficit de la balance des paiements et se traduit par un recul de la masse monétaire et donc des liquidités en circulation.
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Ensuite, cette crise est aussi et surtout le résultat de l’arrêt du financement non conventionnel qui était pratiqué par l’ancien régime entre novembre 2017 et décembre 2019 et qui a été suspendu par le nouveau gouvernement du président Abdelmadjid Tebboune en début d’année alors que le déficit budgétaire est de plus en plus important et que les autorités algériennes refusent l’alternative de la dette extérieure. En effet, entre novembre 2017 et juin 2019, la Banque d’Algérie a imprimé 6.500 milliards de dinars, soit l’équivalent de 44,7 milliards d’euros, pour faire face au déficit budgétaire et le fonctionnement de l’Etat. Ce qui a gonflé artificiellement les liquidités bancaires.
En outre, la crise politique que traverse le pays a ralenti certains pans de l’économie et les purges menées à l’égard de certains oligarques a poussé certains d’entre eux ainsi que les personnes fortunées du pays à placer une partie de leur capital loin du secteur bancaire et des regards de la Banque centrale et des autorités. Ce qui réduit les dépôts au niveau du secteur bancaire algérien en favorisant la thésaurisation.
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Enfin, il y a bien évidemment l’importance du marché informel que la conjoncture politique et économique favorise. Ainsi, Sami Agli, président du Forum des chefs d’entreprises (FCE), le patronat algérien, soulignait en mars dernier que 80 milliards de dollars circulaient sur le marché informel en Algérie. Plus récemment, c’est le président Abdelmadjid Tebboune qui révélait que les liquidités en circulation dans le circuit informel représentent entre 6.000 et 10.000 milliards de dinars, soit entre 43 et 72 milliards d’euros. En clair, une grosse partie de l’épargne qui devrait se retrouver dans le circuit bancaire demeure dans le marché parallèle.
Face à cette situation, et conscientes qu’une crise de liquidité risque d’avoir des conséquences graves sur la situation économique et sociale du pays, les autorités ont multiplié les initiatives. Depuis le début de l’année, la Banque d’Algérie a révisé à la baisse, à deux reprises, le taux des réserves obligatoires faisant passer celui-ci de 10% à 8%, puis de 8 à 6% en mars dernier, libérant ainsi beaucoup de liquidités.
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Reste que l’impact de ces mesures a été insuffisant et inhibe la volonté de la Banque d’Algérie de relancer l’économie en abaissant le taux directeur de 25 points de base (0,25%) pour le fixer à 3,25% afin de rendre le loyer de l’argent moins cher pour les entreprises les ménages.
Du coup, la Banque centrale algérienne peut encore baisser le taux de la réserve monétaire qui est actuellement à 6% pour libérer davantage de liquidités pour les banques commerciales. De même, les banques commerciales qui disposent des titres souverains collatéraux peuvent se refinancer auprès la Banque d’Algérie et atténuer ainsi la crise de liquidité.
Toutefois, pour résoudre la situation de sous liquidité du système sur le long terme, l’Etat doit aider les banques à capter une patrie importante de cette liquidité qui échappe au circuit bancaire. Une tâche difficile quand on sait que c’est le manque de confiance des citoyens vis-à-vis de l’Etat et du système financier qui pousse à la thésaurisation. Une situation que la crise politique que traverse le pays depuis bientôt deux ans ne cesse d’aggraver.
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La seule issue rapide pour le gouvernement serait le recours au financement non conventionnel («planche à billets») pour renflouer les caisses de la Banque d’Algérie et permettre à celle-ci d’alimenter le secteur bancaire.
A défaut, c’est toute l’économie algérienne qui risque d’être touchée avec des difficultés énormes pour les entreprises et le financement des projets. Ensuite, la spirale va toucher les citoyens et paralyser l’économie du pays.
Or, à cause de la crise sanitaire et de ses conséquences économiques, de nombreuses entreprises de différents secteurs d’activité sont à l’arrêt ou en quasi-arrêt. Pour les relancer, il faut que les autorités et les banques jouent le rôle de locomotives en apportant aux différents secteurs les liquidités nécessaires.