À 24 ans, le Nigérian est l'un des favoris pour remporter le titre de meilleur artiste de l'année aux African Music Awards (Afrima), l'équivalent des Grammy's, qui se dérouleront dimanche à Lagos, la capitale économique et culturelle du Nigeria.
Davido, le Nigérian Wizkid, le Tanzanien Diamond Platnumz, le Ghanéen Sarkodie ou DJ Arafat, des dizaines d'artistes se mettent à l'AfroBeats, un genre né au Nigeria, qui se propage aussi vite que le rythme des basses dans les boîtes de nuit et sur les stations radio du continent.
"Les Nigérians ont su mixer toutes les influences de l'afro-pop: le soukous congolais, le coupé-décalé ivoirien, le highlife ghanéen, le dancehall jamaïcain...", explique à l'AFP Hugo Claveau, auteur du documentaire Afrobeats, from Nigeria to the world (produit par Trace TV).
"Ils ont créé un son pour toute l'Afrique. Ils ont créé la première musique panafricaine", poursuit le réalisateur.
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"C'est très intéressant ce qui est en train de se passer au Nigeria en ce moment. Le pays conduit la révolution de cette nouvelle musique", affirme le spécialiste de musique africaine, Banning Eyre. "En trente ans, je n'avais jamais vu ça."
L'AfroBeats (avec un 's'), nom donné en hommage à l'Afrobeat (sans 's') des années 1970, est né il y a une petite dizaine d'années avec les pionniers 2Face, D'Banj ou P-Square. Internet et les chaînes satellites ont fait le reste.
"Les chaînes musicales telles que MTV (USA) ou Channel O (Afrique du Sud) ont eu un grand impact", explique Efe Omorogbe, manager de 2Face et directeur du label Now Muzik Limite. "Pour la première fois, tu pouvais être assis dans ton salon en Afrique du Sud et regarder les clips des artistes nigérians."
Dans leur sillage, Trace, chaîne française, est née et a lancé Trace Naija (Nigeria en argot) il y a deux ans avec environ 60% de musique nigériane, ainsi que Trace Africa, l'une des chaînes les plus populaires en Afrique francophone, où environ un tiers de la programmation est exclusivement nigériane.
'Ma chérie de Soweto'
"Ces chaînes ont totalement cassé les frontières", poursuit le manager. "Musicalement, l'Afrique ne fait plus qu'une."
La multiplication de festivals ou d'événements tels que les Afrima permettent également aux artistes de se rencontrer, d'échanger et de faire de plus en plus de duos.
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Wizkid chante désormais "My Soweto Baby" (ma chérie de Soweto, le grand township de Johannesburg) avec le DJ sud-africain DJ Buckz. L'Ivoirien DJ Arafat et le Nigérian Iyanya rythment leur tube "Fever" (la fièvre) en appelant "Abidjan, Côte d'Ivoire, Nigeria" à danser ensemble.
Et encore une fois, internet change la donne. "Sauti Sol (star de l'afro-pop au Kenya) m'a envoyé un beat. J'ai trouvé ça cool, alors je l'ai mixé avec mon son et ça a donné 'Whine for Me'", raconte le producteur nigérian Kritzbeatz.
"Il est passé un jour à Lagos pour un concert. On en a profité pour tourner le clip ensemble", poursuit le tout jeune producteur de 22 ans, avec la simplicité de cette génération internet mondialisée.
Si les artistes pop africains se battent pour réaliser des duos avec les Nigérians, c'est qu'ils espèrent percer ce marché gigantesque de 190 millions d'habitants, où la musique est omniprésente dans la vie quotidienne.
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"Les plus petits marchés regardent vers le Nigeria, les Tanzaniens ne peuvent pas faire de la musique que pour les Tanzaniens s'ils veulent en vivre", note Oris Aigbokhaevbolo, journaliste musical pour Music in Africa. "Mais les Nigérians sont très fiers de leur musique et sont résistants à tout ce qui vient de l'extérieur".
Au Nigeria, la musique est un business, où sponsors et mécènes investissent des centaines de milliers de dollars pour financer un concert.
Sony et Universal, en signant avec Wizkid, Davido ou D'Banj se sont enfin tournés vers la musique pop et non plus la "world music" de Salif Keita ou Youssou N'Dour pour conquérir un marché 100% africain. La manne financière est considérable.
"Ils sont tous sur les dents maintenant pour signer des contrats" avec les artistes nigérians, observe Hugo Claveau de Trace TV. "Mais les mecs ont développé leur business tout seuls, ils ont conquis le continent et n'ont pas besoin d'eux pour remplir des stades en Afrique", poursuit-il.
"Ce qu'ils veulent désormais, c'est s'exporter vers les États-Unis ou l'Europe mais, pour ça, les grandes majors restent encore frileuses".