Guinée. Viol: la star de la musique urbaine, l'élève et le marabout

Dans l'affaire Anta Ndiaye, le marteau de la justice a tapé un peu fort

Dans l'affaire Anta Ndiaye, le marteau de la justice a tapé un peu fort. DR/

Le 04/07/2017 à 16h21

Au tribunal de première instance de Dixinn, en banlieue de Conakry, une élève de 18 ans se démerde pour prouver un présumé viol qu'elle aurait subi en 2016. Un marabout est emprisonné depuis près d'une année. Mais pour l'élève, son violeur est bien Marcus, une célébrité de la musique urbaine.

"Il m'a déflorée"

Le marabout

Alors qu'elle était chez son amie, elle sort un jour pour aller voir le marabout Koulako Kourouma. Auparavant, elle et sa maman étaient venues voir ce marabout pour un talisman pouvant l'amener à prendre au sérieux les études. Après ce premier travail, elle seule était retournée chez Koulako en vue d'avoir un mari. "J'avais bien été chez Koulako pour avoir un mari, mais pas pour être épousée par Marcus", a-t-elle reconnu.

Pour cette troisième visite chez Koulako, N'diaraye dit qu'elle l'a trouvé en train de faire des réparations sur sa maison. Alors, le marabout l'a fait assoir au salon. Des minutes après, arrive sa maman qui la cherchait depuis des mois. Elle demande à Koulako s'il n'a pas vu par hasard sa fille. Non, lui répond le marabout. Mais la maman finit par trouver sa fille au salon du marabout. "Koulako connaissait bien quelle serait la réaction de ma maman. C'est pourquoi il a essayé de me cacher", a-t-elle expliqué.

Pour la maman, il n'y a aucun doute, c'est le marabout qui cachait sa fille depuis des mois. Elle porte alors plainte contre lui à un commissariat de la banlieue de Conakry. Elle constate d'ailleurs que sa fille est enceinte. Mais N'diaraye assure que celui qui l'a engrossée est bien Marcus. La maman finira par retirer sa plainte contre le marabout. Pour la défense de Marcus, la maman a eu peur des pouvoirs mystiques de Koulako. "C'est normal que ma maman retire sa plainte parce que je suis la mieux placée pour reconnaître mon violeur", réplique la fille.

Contradiction

Par ailleurs, la jeune fille a indiqué que sa maman l'avait poussé à dire n'importe quoi. Dans le procès-verbal de la police elle indique même que c'est un diable qui l'a transporte vers une grande maison inhabitée. C'est là que Marcus l'a rencontrée pour l'envoyer chez lui. Une affirmation qu'elle a encore niée à la barre. "Je suis une personne normale, je ne peux pas dire ça", a-t-elle réagi à ce passage du procès-verbal.

Mademoiselle Bah soutient mordicus qu'elle a été mise enceinte par Marcus. Mais le rapport d'une échographie réalisée le 11 juillet 2016, soit six mois après sa rencontre avec Marcus, indique une grossesse de trois mois. "C'est vrai que les échographies ne donnent pas souvent le nombre de mois exact, mais là, la différence est énorme", a estimé le juge.

Ce qui étonne aussi le procureur et la partie civile, c'est que le rapport du médecin légiste, qui a examiné N'diaraye en juin 2016, ne mentionne aucun cas de grossesse. "De toute façon, le tribunal n'est pas saisi pour grossesse, mais plutôt pour viol", a répliqué un des avocats de la jeune fille.

"Tout ce que la fille a dit sur moi est vrai, je n'ai jamais eu de rapport sexuel avec elle", a réagi Koulako qui s'est vu refuser une nouvelle demande de liberté provisoire.

"Je me demande pourquoi elle fait tout ça. Si c'est vrai qu'elle m'aime comme elle l'avait dit, je ne crois pas que c'est de cette manière qu'elle devrait agir. Je suis en train de mener mes enquêtes pour savoir qui est derrière tout ça, et j'ai déjà quelques informations", dira pour sa part Marcus, le célèbre artiste musicien du groupe mythique Banlieuz'art qui a récemment réalisé un featuring avec Viviane Chidid du Sénégal.

Finaliste de l'édition 2015 du prix RFI, Marcus a également participé à plusieurs chansons phares contre Ebola, dont "Africa stop Ebola" co-chanté avec Tiken Jah Fakoly, Salif Keita, Oumou Sangaré, Mory Kanté...

Il faut signaler que les plaidoiries et réquisitoire dans ce procès sont prévus lundi 11 juillet.

Par Mamourou Sonomou (Conakry, correspondance)
Le 04/07/2017 à 16h21