Dans l'histoire récente du Nigeria, cette période est sans doute la plus difficile jamais traversée par le pays. la crise touche pratiquement tout le monde, y compris, ceux que l'on pensait intouchables, comme le milliardaire Aliko Dangote. Même la hausse récente des cours du pétrole à 50 dollars n'a pas permis de soulager les difficultés que traverse le pays.
"Un gain de 50% sans quitter son salon"
En tête de ces difficultés, il y a notamment la pénurie de devises, consécutive à la baisse des exportations. Dans les banques, la monnaie locale s'échange à 305 nairas contre le dollar au cours officiel. Mais, au marché noir, là où la plupart des entreprises achètent leurs devises, il est à 460 pour un dollar. Sanusi Lamido Sanusi, l'Emir de Kanu et ancien gouverneur de la Banque centrale a dénoncé ce système.
Selon lui, "il est possible pour des privilégiés, tranquillement assis dans leur salon, d'obtenir des devises auprès des banques pour ensuite les revendre via le marché noir où dans ces fameux bureaux de forex (foreign exchange) qui correspondent aux bureaux de change". Par conséquent, en investissant un million de dollars, soit officiellement 305 millions de nairas, on gagne sans même quitter son salon, 155 millions de nairas, soit un gain immédiat de 50,8%.
Le danger d'un tel phénomène c'est que désormais "beaucoup d'hommes d'affaires ne sentent plus le besoin d'investir dans des industries, des commerces, de l'agriculture". Ils préfèrent mettre leurs fonds dans "ces fameux forex, ce qui contribue à faire perdurer la crise".
Dangote licencie
Actuellement, l'assèchement des devises étrangères touche un géant comme Aliko Dangote. En effet, le milliardaire a procédé au licenciement de 36 employés étrangers et 12 autres locaux dans ses différentes entreprises, Dangote Cement Plc et Dangote Industries en octobre.
"Cette année a été très éprouvante pour nous, en tant qu'entreprise. Le manque de devises disponibles, couplé à une augmentation sans précédent des taux de change, a causé une forte augmentation des coûts pour l'organisation", a expliqué le milliardaire dans une lettre datée du 20 octobre.
Maintenant que la crise affecte même le multi-milliardaire Dangote, tous les acteurs de l'économie peuvent s'inquiéter. "C'est regrettable", explique Muda Yusuf, directeur de la Chambre de commerce et d'industrie de Lagos, poumon économique du pays. "Peu d'entreprises ont assez de devises pour financer leurs besoins en matières premières, essentielles à leur production", confie-t-il. L'une des raisons selon lui, est que, malgré le flottement officiel, le cours du naira est toujours artificiellement maintenu à un taux bas pour empêcher une trop grande augmentation des prix malgré la dernière dévaluation, et devrait être "totalement libéralisé". "Un taux de change flexible va encourager les échanges et plus de dollars circuleront", dit-il.