"Nous sommes à une période charnière de notre histoire. C'est un programme de vérité, de rupture", affirme dans un entretien à l'AFP Paul Kaba Thiéba à propos de ce "Plan national de développement économique et social" (PNDES). "Nous avons réussi l'insurrection populaire (qui a mis fin en 2014 à 27 ans de règne du président Blaise Compaoré). Nous avons résisté victorieusement à la tentative de coup d’État (menée par l'ex-garde prétorienne du président Compaoré en septembre 2015). Il reste une insurrection à gagner, c'est l'insurrection contre la pauvreté", poursuit-il.
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Le PNDES, élaboré pour la période 2016-2020, soit la durée du mandat du président Roch Marc Christian Kaboré, élu en novembre 2015, vise à changer de façon "structurelle l'économie du pays pour asseoir son développement". "L'ambition est de faire reculer la pauvreté, qui est de 40% aujourd'hui, à moins de 35% d'ici à l'horizon 2020 et de créer 50.000 emplois par an", dit M. Thiéba, dont le pays est classé 183e sur 188 à l'Indice de développement humain du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).
Une vraie gageure
Sur les 15.400 milliards de francs CFA espérés, "64% soit environ 9.800 milliards de FCFA (15 milliards d'euros) du PNDES seront financés par des ressources propres", explique le Premier ministre, alors que le budget annuel du pays en 2016 était de 1.900 milliards (2,8 milliards d'euros). A la tête d'une importante délégation, le président burkinabè Roch March Christian Kaboré doit se rendre à une conférence sur le financement du PNDES réunissant les bailleurs de fonds les 7 et 8 décembre à Paris pour tenter de réunir les 5.600 milliards de FCFA (8,6 milliards) restants.
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"Nous n'allons pas à Paris pour demander des chèques, mais pour nouer un partenariat avec les amis du Burkina Faso. Nous allons à Paris avec une liste de projets structurants. Le gouvernement va aussi faire des réformes structurelles sur tous les secteurs de l'économie: élevage, agriculture, transports, énergie, éducation... Si vous prenez des chèques (...) et que les réformes structurelles ne sont pas faites pour permettre de fructifier ces investissements, ça ne sert à rien".
Déficit de prductivité
Selon M. Thiéba, "ce n'est pas que ce pays n'a pas de potentialités, mais il y a un déficit de productivité et de compétitivité". "Nous avons d'énormes potentialités dans l'agriculture et l'élevage", même si "ces deux secteurs qui occupent 80% de la population active ne participent qu'à 30% dans la formation du Produit intérieur brut. Il y a des terres riches partout au Burkina Faso qui ne sont pas ou sont sous-exploitées... Les techniques de production que nous utilisons donnent de faibles rendements".
Il cite plusieurs exemples dont la production céréalière, qui tourne autour de 1,5 tonne à 2 tonnes à l'hectare, contre 10 à 12 tonnes dans d'autres pays.
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Autres axes de travail: le déficit énergétique, les transports, la formation et la démographie. "Le taux de croissance démographique au Burkina est d'environ 3,1% par an. Avec une croissance économique moyenne de 6%, on peut difficilement réduire la pauvreté", relève M. Thieba. Le plan a donc aussi pour "ambition de ramener" la croissance démographique à 2,7%, grâce à l'éducation des jeunes filles et des femmes et à la planification familiale.
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M. Thiéba souligne aussi que le pays compte "157.000 fonctionnaires" pour 19 millions d'habitants, mais "qui absorbent près de 50% des ressources fiscales". Pour M. Thiéba, le PNDES représente une "rupture" avec le passé, car il "n'est pas un catalogue de projets où on construit des pôles de croissance par-ci et par-là en pensant qu'on fera le développement", mais un plan qui "s'attache aux racines des problèmes".
"Il faut que tous les Burkinabè comprennent que le financement du PNDES est une œuvre patriotique", lance-t-il en appelant au civisme fiscal. "L'enjeu consiste à avoir la maîtrise de notre destin. C'est nous qui devons faire l'effort pour relever notre pays".